(BFI) – Le Groupe Vista, piloté par l’homme d’affaires Simon Tiemtoré (photo), spécialiste reconnu des opérations de fusion-acquisition, s’est officiellement désengagé sur le dossier de rachat des parts détenues par le fonds Emerging Capital Partners (ECP) dans le capital d’Oragroup.
C’est par courrier daté du 13 mai 2025, selon nos sources, que Vista a formellement notifié sa décision à Oragroup, basé à Lomé. Cette décision marque la fin de deux années de négociations intenses, au cours desquelles Vista avait mobilisé d’importantes ressources pour tenter de sauver un groupe bancaire en grande difficulté depuis l’exercice 2023, clos sur une perte nette de 18,18 milliards FCFA. Initiée en 2023, l’opération visait à créer un groupe bancaire ouest-africain intégré, en s’appuyant sur les synergies entre Vista et Oragroup.
Deux années de bras de fer sans issue
L’annonce du projet de rachat avait pourtant ravivé l’intérêt des marchés : le titre Oragroup avait connu une embellie à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM). Mais très vite, la dynamique s’est heurtée à des résistances internes. Le nouveau conseil d’administration d’Oragroup a multiplié les blocages, remettant en cause l’opération. « Vista Group Holding a pourtant tout mis en œuvre pour préserver et valoriser cet actif, dans le respect des intérêts de toutes les parties prenantes », confie une source proche du dossier. Malgré une implication constante, les retours escomptés n’ont jamais été obtenus, rendant le projet intenable.
Un dossier jugé « toxique » par les experts
Oragroup traîne une réputation de « mauvais élève » dans le secteur bancaire régional. Dans une note en date du 10 février 2025, l’agence Fitch Ratings, bien qu’ayant relevé la note du groupe, n’a pas masqué ses inquiétudes. Elle estime qu’Oragroup est en situation d’échec, incapable de remédier à la violation prolongée de ses exigences réglementaires en capital sans un apport massif de la part de ses actionnaires. Une telle opération serait, selon Fitch, assimilée à un « soutien extraordinaire » destiné à combler un déficit structurel. La note de viabilité attribuée au groupe reste fixée à « f », soit en-dessous de la note implicite « ccc- ».
Pour un spécialiste des marchés financiers que nous avons contactés sous anonymat, « il était incompréhensible que Vista insiste autant dans ce deal, vu la dégradation continue des résultats de la banque ». Même son de cloche dans les cercles de réflexion bancaire que nous avons approchés : « Oragroup a voulu refiler une coquille vide à Vista », avancent-ils sur la base de leurs propres hypothèses.
Crise de gouvernance, fuite des talents et pertes abyssales
Au-delà des critiques des analystes, la situation interne d’Oragroup ne plaide pas en sa faveur. Plusieurs cadres de haut niveau ont quitté le navire pour rejoindre d’autres institutions financières, poussant la banque à lancer des vagues de recrutement dans l’urgence. Pire, selon des sources bien introduites, certaines filiales auraient décidé de suspendre purement et simplement l’octroi de prêts au personnel, signe d’une situation financière extrêmement tendue.
Les chiffres sont implacables : après une perte de 18,18 milliards FCFA en 2023, Oragroup a enregistré un déficit encore plus lourd en 2024, à hauteur de 44,3 milliards FCFA, selon ses états financiers consolidés consultés par nos soins. « Oragroup va très mal », résume un cadre bancaire.
Vista opte pour un recentrage stratégique
Le retrait de Vista ne serait pas un abandon, mais un repositionnement stratégique. Le groupe dirigé par Simon Tiemtoré entend désormais concentrer ses ressources sur des marchés à plus fort potentiel, tout en poursuivant sa stratégie de croissance organique, d’innovation et de promotion de l’inclusion financière à travers l’Afrique.
Une communication maîtrisée malgré les fuites
Aucun communiqué officiel n’a encore été diffusé par Vista Group. L’information a cependant fuité dans certains médias, contraignant le groupe à adopter une posture discrète mais transparente, dans la continuité du processus engagé.
Les rebondissements auront été nombreux depuis le début de cette opération avortée. Et le feuilleton Oragroup n’a sans doute pas encore livré tous ses secrets.
