(BFI) – Durement touchés par les effets de la crise sanitaire, le marché et les acteurs de l’assurance ont ouvert de nouvelles pistes de réflexion en matière de garanties sur les marchés non-vie.
Accrochez vos ceintures ! Pour le monde de l’assurance, 2020 aura été une année sans pareille, marquée par la pandémie de Covid-19, et un coup de frein au rattrapage enregistré ces dernières années. Le continent reste la région du monde la moins assurée. Juste avant la crise, en 2019, le taux de pénétration de l’assurance (primes d’assurance comparées au PIB) s’y établissait à 2,78 % contre une moyenne mondiale de 7,2 %.
Si l’heure est celle du retour à un certain dynamisme du secteur, la plupart des marchés ont connu, l’an dernier, une récession ou, au moins, un fort ralentissement.
C’est le cas au Maroc, où le chiffre d’affaires du secteur a maigrement progressé de 2 % à 45,78 milliards de dirhams, selon l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (Acaps), un rythme deux à trois fois inférieur à celui des années précédentes. En Afrique du Sud, de loin le premier marché du continent, le chiffre d’affaires de l’assurance a reculé d’environ 8 % sur l’ensemble de 2020. Le secteur ne devrait pas retrouver son niveau d’avant-Covid avant 2024.
Au Nigeria, le marché a plongé de 15,3 % l’an dernier, selon le National Bureau of Statistics. L’Égypte, quant à elle, se distingue. Son économie a bien résisté à la crise. C’est ce dont témoigne le marché de l’assurance, qui a bondi de 16 % sur l’année fiscale 2020-2021, selon la Financial Regulatory Authority.
Grande résilience
Notre classement exclusif témoigne toutefois d’une résilience des grands acteurs. À 50,8 milliards de dollars, leur chiffre d’affaires cumulé s’inscrit en hausse de 3,75 % comparé à l’an dernier, où il avait toutefois bondi de 19,4 %.
Comme les éditions précédentes, les groupes sud-africains dominent. Les quinze compagnies représentées comptent pour 66,1% des facturations totales. Et elles accaparent huit des dix premiers rangs à côté des deux groupes marocains Saham (lui-même désormais intégré au sud-africain Sanlam) et Wafa, filiale d’Attijariwafa.
Le Maroc figure en deuxième place avec quinze entreprises classées (14,6 % du chiffre d’affaires total), suivi du Kenya (12 entreprises), du Nigeria et de l’Égypte (9 entreprises). Arrivent ensuite l’Algérie et la Tunisie, qui alignent chacune 8 entreprises. En zone Cima, la Côte d’Ivoire domine, avec 7 entreprises.
Dans ce pays, NSIA, l’un des acteurs majeurs (avec Sunu), a plutôt bien résisté. Jean Kacou Diagou, son PDG et fondateur, expliquait en mars dernier, lors de l’Africa Financial Industry Summit : « La progression est moindre que nos prévisions d’avant la crise, à savoir 10 à 12 %. Néanmoins, 2020 est restée pour nous une année de croissance, notamment sur les marchés de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Gabon, du Nigeria et du Bénin. Plus important encore, cette croissance se poursuit en 2021. » Cette grande figure du secteur anticipait toutefois des difficultés à venir pour les acteurs les plus fragiles ou sous-capitalisés.
Batailles judiciaires
En la matière, cette période inédite a produit de nombreux effets induits. C’est le cas, par exemple, sur l’application des règles prudentielles au sein de la CIMA. La règle de capital minimal des assureurs a été repoussée de facto. Pour rappel, ce capital devrait atteindre au moins 5 milliards de F CFA (7,6 millions d’euros) en mai 2021. Un dossier délicat à gérer pour le Camerounais Blaise Abel Ezo’o Engolo, nouveau secrétaire général de l’institution, qui a pris ses fonctions le 27 avril. De même au Nigeria, en fin d’année, le Parlement a repoussé la date limite du 31 décembre 2020 pour la phase 1 de l’instauration de nouvelles règles prudentielles sur le niveau minimum de capitaux des compagnies du pays.
Au-delà, pour les assureurs et leurs clients, la crise a été l’occasion sur les marchés non-vie d’un questionnement sur l’appréhension du risque, la notion juridique de « force majeure » ou encore l’étendue des couvertures des entreprises. C’est le cas de la garantie de pertes d’exploitation. Ce risque reste, dans l’ensemble, peu couvert sur le continent.
En Afrique comme ailleurs, les assureurs ont, par ailleurs, choisi d’adopter une attitude clairement fermée sur d’éventuelles indemnisations, par exemple pour les entreprises du tourisme. Au Nigeria, la Nigeria Insurers Association (NIA) s’est ainsi, l’an dernier, fermement opposée à ce type de garanties.
En Afrique du Sud, tous les assureurs ont initialement rejeté les demandes d’indemnisation. Depuis, certaines décisions de justice sont venues toutefois donner du crédit à leurs clients, notamment dans le cas d’un litige, très médiatique, entre le groupe hôtelier Ma-Afrika Hotels (Pty) Ltd et l’assureur Santam, ayant dans un premier temps donné raison au client. La bataille judiciaire est encore en cours, mais au début de septembre 2021 Santam a déclaré avoir déjà payé, à divers clients, pour 1,7 milliard de rands (98 millions d’euros) d’indemnités au titre de pertes d’exploitation.
Sinistres automobiles en baisse
Au Maroc, celles liées à la pandémie ont été considérées comme un risque systémique par les assureurs et donc ne faisant pas partie des garanties. Dans un autre registre, ceux-ci se sont engagés à répercuter sur le montant des primes à leurs clients la baisse de la sinistralité automobile, très marquée en 2020.
En Afrique subsaharienne, la Cima a, par ailleurs, désapprouvé le refus des assureurs camerounais d’indemniser certaines pertes liées au coronavirus. Sans effet pratique, toutefois.
À la lumière de cette pandémie et d’autres risques peu ou mal couverts (politique, météo…), les assureurs africains entament une réflexion sur des produits de type « risque paramétrique » (reposant sur l’analyse de données). Plusieurs acteurs, dont la jeune entreprise Africa Specialty Risks, conduite par Mikir Shah, un ancien d’AXA, ont récemment lancé des produits d’assurance ou de réassurance en ce sens. Un créneau sur lequel s’est lancée aussi African Risk Capacity, une entité de l’Union africaine, ou encore de nombreuses start-up. Selon McKinsey, leur nombre atteint désormais le record de 250 sur le continent.