(BFI) – Après des échanges ardus émaillés de divergences avec les autorités publiques sur les mesures conjoncturelles de riposte face aux crises multiples qui affectent notre économie, il nous a semblé nécessaire de revenir, un temps soit peu aux fondamentaux devant soutenir les réflexions de court terme. C’est ainsi que le 14 octobre dernier, nous avons convié au GICAM, une référence mondiale dans la conception, le suivi et l’évaluation des politiques économiques, le Professeur Célestin MONGA.
Cet enseignant-chercheur de renom, fils du pays, était le « Keynote Speaker » de la 4ème édition du Débat Patronal du GICAM dont le thème a porté sur les défis, les enjeux et les opportunités pour une transformation structurelle de l’économie camerounaise. Au détour de son exposé et des échanges avec les chefs d’entreprises, la conclusion que l’on peut tirer est implacable : Face aux crises et à l’exemple de plusieurs pays ayant réussi le saut qualitatif dans la transformation de leurs économies, le Cameroun doit se doter d’une stratégie claire, véritablement partagée entre le secteur public et les acteurs privés, fixant les priorités et capitalisant les atouts du pays.
Dans le cadre de cette stratégie, des réformes clés doivent être implémentées concernant les politiques budgétaires, commerciales, d’endettement. Elles serviront de leviers à une politique industrielle ciblée et adossée sur les avantages compétitifs du pays. A cet effet, un soutien plus affirmé de l’Etat aux créateurs de richesses est indispensable ainsi que des réformes de la politique monétaire.
Sur ce dernier point qui restait considéré en Afrique centrale comme un sujet tabou, les autorités de la sous-région semblent enfin ouvrir le débat. Alors que les Chefs d’Etats de la sous-région à l’issue de leur sommet de 2019 à Yaoundé avaient prescrit une réflexion sur les conditions et le cadre d’une nouvelle coopération monétaire avec la France, il a fallu trois ans pour que la Commission de la CEMAC ouvre la brèche avec l’organisation au mois de novembre 2022, d’un Colloque de haut niveau à Libreville sur
le thème « Monnaie et Développement en Afrique Centrale ».
Malgré le faible écho donné à cette rencontre et la timide participation de certaines institutions d’intégration dont la BEAC, ce colloque pourrait enfin créer l’électrochoc dont la sous-région a besoin pour désacraliser la problématique de l’adaptation des mécanismes qui gouverne notre zone monétaire aux enjeux et aux réalités actuelles. L’un de ces mécanismes, la fixité du taux de change paraît anachronique au regard de la situation économique actuelle de la zone (géographie des partenaires commerciaux, exposition aux chocs économiques, structure du système financier, niveau des réserves de change, …). Ce régime de change est surtout en décalage avec les dynamiques choix observés par les économies émergentes dans leur processus de développement. Sur cette question comme sur bien d’autres, nous espérons que l’année 2023 ouvrira de nouvelles perspectives et de nouveaux chantiers porteurs de résultats concrets. De fait, l’année 2022 restera comme une année particulièrement difficile sur le plan économique et notamment pour les entreprises.
Après le léger répit espéré sur le front de la crise sanitaire, elles ont une nouvelle fois été exposées au premier plan face à la crise inflationniste, alimentée dans un premier temps par les plans de relance post-covid et les perturbations des chaînes logistiques internationales et, dans un second temps, par la guerre russo-ukrainienne.
Dans un contexte de soutien très timide et tardif de la part des autorités publiques, la plupart des entreprises ont vu leurs résultats s’effondrer, les obligeant à multiplier des stratagèmes pour survivre. Le pays vit désormais à l’heure des pénuries car la machine productive est littéralement grippée et le système d’approvisionnement des marchés asphyxié.
A défaut de solutions conjoncturelles efficaces, jetons au moins les bases pour cette transformation structurelle de l’économie qui semble faire l’objet d’une totale convergence de points de vue. C’est notre appel déjà lancé à travers le Livre Blanc en fin 2020, et le Professeur Célestin MONGA l’a redit de manière plus factuelle au GICAM le 14 octobre 2022, en prenant soin de rappeler ce qu’est et surtout ce que peut devenir l’économie camerounaise.
Célestin Tawamba, Président du Gicam
In Le Bulletin du Patronat N°87