Qu’est-ce qui justifie la décision du groupe Orange de s’implanter via un siège régional à Casablanca? Quels bénéfices pour le Maroc?
C’est une nouvelle étape que nous franchissons aujourd’hui sur le continent africain. Nous avons pris cette décision dans une logique de proximité, parce que nous voulons rapprocher les centres de décisions de nos marchés, de nos clients et partenaires. Nous l’avons fait au Maroc parce que c’est un pays où le groupe Orange est assez présent. Si nous avons opté pour ce choix, c’est parce que nous estimons que pour réussir en Afrique, il faut être africain. Tous nos compétiteurs sont sur le continent africain. Du coup, cela va nous permettre d’être sur un pied d’égalité avec tous ces grands acteurs des télécoms. Derrière ce choix, il y a aussi une portée à la fois symbolique et politique. Il faut dire que l’Afrique nous a apporté de la croissance ces dernières années. Nous y avons enregistré en moyenne annuelle une croissance de nos revenus de l’ordre de 6 à 7%. En revanche, sur les autres marchés du groupe, qui sont plus matures notamment en Europe, les taux de croissance sont plus faibles, voire parfois négatifs. Sachant que les conditions d’exercice de cette activité sont très différentes, selon les zones et les marchés. L’Afrique nous apporte de la croissance, de l’innovation, du business…
Pourriez-vous citer quelques exemples?
Le meilleur exemple, ce sont les services financiers sur le mobile. Ce qu’on appelle Orange Money. Il faut dire que les télécoms ont apporté à l’Afrique un service extraordinaire qui a d’ailleurs connu un succès fulgurant puisqu’il est utilisé par plusieurs dizaines de millions de personnes. Les télécoms proposent un service de type bancaire sur le continent à deux fois plus de personnes que les banques traditionnelles. C’est dire que nous avons été des agents de l’inclusion financière par le mobile banking. Mais cela ne s’arrête pas là. Il y a d’autres domaines où Orange pourra apporter des services utiles à la population. Je pense notamment à l’éducation, les services, la santé, l’agriculture, l’information, le business… à travers de nombreuses plateformes. L’Afrique est le seul endroit au monde où la révolution numérique est la plus spectaculaire en termes d’adoption des usages par la population. Il y a une carte SIM par personne sur le continent! L’Afrique, c’est aussi un agent et un catalyseur de changement et de rupture dans le développement.
Le marché marocain attend impatiemment l’avènement de la 5G. Que pourra apporter cette technologie au Maroc en termes de solutions, d’accélération des usages, de digitalisation industrielle et d’opportunités de business?
La 5G c’est fondamentalement une technologie qui va permettre d’abord d’absorber l’explosion du trafic de l’Internet mobile. Si le déploiement de la 4G a permis de développer les usages et la pénétration des smartphones, avec des réseaux de plus en plus utilisés, voire des situations de saturation en Europe… La 5G va résoudre des problèmes liés à l’écoulement du trafic et à l’absorption de l’explosion des usages. A terme, ce sera le cas du Maroc. Nous opérateurs, nous aurons besoin de la 5G pour des raisons capacitaires. Ensuite, la 5G est une technologie qui a été conçue pour accueillir la nouvelle vague de la révolution digitale, qui est essentiellement liée à la massification des objets connectés dans tous les domaines de la vie.
Il faudra donc une connectivité performante, accessible, pas chère et économe en énergie. C’est le cas de la voiture autonome, l’usine 4.0, les robots… La 5G va aussi permettre l’avènement du temps réel avec des robots autonomes. C’est-à-dire que vous aurez la possibilité de faire converger des masses considérables de données en quelques secondes. Ce qui permettra de résoudre des problèmes de production. C’est aussi des possibilités infinies dans la réalité augmentée… Ce sont là autant de domaines qui vont connaître des accélérations foudroyantes avec la 5G. Cette technologie ne va pas permettre la substitution de l’homme par la machine. Mais elle va faciliter encore plus la cohabitation entre l’homme et la machine.
Où en êtes-vous sur le mobile money au Maroc? Est-ce qu’il y a des raisons objectives qui expliquent le retard de déploiement de solutions Orange, sachant qu’un concurrent a déjà pris de l’avance?
Nous avons effectivement obtenu notre licence de paiement mobile. Nous sommes dans les starting-blocks pour lancer nos solutions. Mais il y a une exigence d’interopérabilité au moment de lancer le service. Ce n’est pas le cas pour ceux qui l’ont déjà déployé. Nous préférons être sûrs que nous implémentons dans les mêmes conditions que nos concurrents. Nous sommes en train de discuter de ces aspects avec le régulateur pour lancer incessamment. En tout cas, il y a une exigence d’interopérabilité au lancement. Mais nous sommes déjà prêts pour déployer le mobile money. Nous comptons lancer nos solutions dès ce premier trimestre 2020. Mais en termes de mobile paiement, la vitesse n’est pas forcément la clé de la réussite. Il y a d’autres éléments plus importants, notamment la solidité, l’expérience, la création de l’écosystème voire l’adhésion populaire. Parce que si nous lançons la solution avec un circuit de 90 distributeurs, cela ne marchera jamais. Personne ne va faire 50 km pour aller chercher 100 DH.
Nous allons lancer notre offre lorsque tous les éléments seront prêts, notamment la plateforme, l’interopérabilité et un maillage solide du réseau de distribution. Encore une fois, la vitesse n’est pas la condition du succès, c’est plutôt la fiabilité et le maillage du réseau de distribution. De tous les acteurs de mobile paiement au Maroc, nous sommes les seuls à avoir une expérience aussi riche et achevée dans plusieurs pays. Nous avons aussi de nombreux atouts: notre marque qui est bien installée, le réseau de distribution, notre expérience du paiement mobile en Afrique et ailleurs… Nous avons aussi une banque à part entière. Lorsque nous déploierons nos solutions, nous serons vraiment prêts et efficients.