(BFI) – La bataille actuelle pour le fauteuil de directeur général de l’ASECNA fait oublier l’impérieuse nécessité de cette organisation d’engager des réformes institutionnelles pour sa pérennité. Formée de 18 pays africains en plus de la France, l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar, fondée en 1958, présente des anachronismes qui n’ont pas évolué.
Par exemple, le trésorier général payeur est toujours un français avec un droit de veto de facto. Le PCA est lui aussi toujours français qui loge à la délégation parisienne de l’agence, à la rue de la Boétie, à Paris. Le Directeur Général dont la nomination est attendue au 14 septembre est pris en tenaille entre le PCA et le Trésorier, tous deux français. Or, faudrait-il le rappeler, la France si présente dans les organes de décision, est membre de l’ASECNA sans y être puisque son espace aérien n’est pas gérée par l’agence. Cette anomalie a évolué au fil des décennies en un immense anachronisme qui retarde la prise en main complète de l’Agence par les États membres. Hormis en 1987 quand le malgache Maurice Rajaofetra introduisit la réforme révolutionnaire en disant aux États de garder leurs cotisations (c’était jusque-là le mode de fonctionnement de l’Agence) et en facturant les prestations offertes aux compagnies aériennes, l’Agence n’a plus conduit des réformes en profondeur.
Non sauvetage de compagnie en danger
Or il en faut aujourd’hui pour sortir de l’inertie et aller au devant des nouveaux défis. Devrait-on garder la règle non écrite qui veut que les commandes de l’Agence revienne invariablement à un ingénieur de l’aviation civile ? En avance sur son temps lors de sa création, l’ASECNA a depuis perdu de l’altitude, n’ayant pas pu changer de cap au bon moment.
Quand la défunte Air Afrique était en difficulté et se débattait pour trouver 14 milliards de Franc CFA, l’ASECNA dormait sur un matelas en or de 30 milliards de FCFA dans ses comptes. Au lieu de voler au secours de la compagnie commune, en devenant actionnaire, l’ASECNA est restée de marbre. Les mauvaises langues disent que la direction qui voulait aller dans ce sens s’est heurtée au niet du PCA français. Celui-ci défendait les intérêts de son pays puisqu’à l’arrivée la débâcle d’Air Afrique profita grandement à Air France.
Aujourd’hui encore, l’ASECNA a du mal à sortir de son couloir pour embrasser pleinement sa mission. L’institution disposait, lors de son avant dernier exercice, 300 millions d’euros placés en DAT à 0,5% à la BNP et à la Société Générale. Un placement stérile qui ne profite ni à l’écosystème financier régional africain encore moins aux aéroports des pays membres en mal de modernisation. Bref, il est temps d’engager l’ASECNA sur les pistes de l’investissement, de l’innovation et de la bonne gouvernance avec des administrateurs indépendants afin de donner à l’organe de décision une plus grande indépendance par rapport aux pays membres. De même, il est indispensable de conduire une approche moderne de la gestion des ressources humaines pour un meilleur rendement des prestations offertes. En l’absence d’un diagnostic profond et d’une orientation stratégique, la bataille du 14 septembre prochain pour le choix d’un directeur général participerait du même ballet de l’inertie en cours depuis plus de 60 ans.