(BFI) – Alors que le nombre d’Africains touchés par l’insécurité alimentaire n’a pas cessé de croître malgré une forte augmentation de production alimentaire sur les trente dernières années, le rapport recommande aux pays du continent de procéder à des investissements ciblés dans les infrastructures de transport et les systèmes de stockage et de distribution.
Les chaînes d’approvisionnement alimentaire en Afrique sont en moyenne quatre fois plus longues qu’en Europe, ce qui entraîne des retards dans la livraison des denrées, une augmentation des prix et un gaspillage des ressources, selon un rapport publié le 19 mai 2025 par la Banque mondiale.
Intitulé « Transport connectivity for food security in Africa : strengthening supply chains », le rapport rappelle que le nombre de personnes souffrant de l’insécurité alimentaire en Afrique a augmenté de 60 % entre 2014 et 2023. Actuellement, 58 % des Africains sont touchés par ce fléau, soit le double de la moyenne mondiale, malgré l’augmentation de la production alimentaire et de la productivité agricole de 160 % et de 20% respectivement sur le continent au cours des trois dernières décennies.
Si les conflits, les conditions météorologiques et l’instabilité économique sont souvent cités comme étant les principaux facteurs qui contribuent à l’insécurité alimentaire en Afrique, l’inefficacité des transports constitue aussi un facteur majeur, mais souvent négligé.
En moyenne, les pays africains produisent environ 75 % de leurs besoins alimentaires localement, le reste étant importé des marchés étrangers, principalement d’Europe et d’Asie. Environ 5 % seulement des échanges de denrées alimentaires ont lieu entre les pays du continent. Dans un tel contexte, la disponibilité de routes, de chemins de fer et de ports de qualité améliore considérablement l’efficience de la distribution des denrées alimentaires à l’intérieur des pays et entre les pays. A contrario, des réseaux de transport médiocres entraînent des coûts de transport élevés, des retards et des pertes post-récolte accrues, qui affectent à leur tour la disponibilité et l’accessibilité financière des produits alimentaires.
Partout sur le continent, les chaînes d’approvisionnement alimentaire sont particulièrement longues du fait d’un enchevêtrement d’itinéraires et de correspondances. En moyenne, dans les pays africains, les denrées sont transportées sur une distance de 4 000 kilomètres et mettent 23 jours à arriver à destination, soit quatre fois plus longtemps qu’en Europe. Sur des chaînes d’approvisionnement aussi longues, les points de défaillance potentiels se comptent également par dizaines, et augmentent les risques de gaspillage des produits avant même qu’ils n’atteignent les consommateurs.
A l’échelle locale, le mauvais état des routes rurales isole les agriculteurs des marchés. Environ 60 % de la population rurale africaine vit à plus de 2 kilomètres d’une route praticable en toute saison. Les agriculteurs ont également du mal à se procurer des engrais et des semences, ce qui perpétue la faiblesse de la productivité et de la production, et par conséquent l’insécurité alimentaire.
Les frais de transport représentent 45 % des prix de certains produits
Au niveau régional, les barrières non tarifaires (BNT), telles que les retards bureaucratiques, les règles d’origine complexes et les quotas d’importation, augmentent les coûts du commerce de jusqu’à 25 %, ce qui déconnecte encore plus les marchés. En conséquence, les excédents alimentaires dans un pays ou une sous-région du continent ne parviennent souvent pas à atteindre les zones voisines.
Pour ce qui est des échanges de produits alimentaires entre l’Afrique et les autres régions du monde, l’inefficacité des ports, dont seulement 52 sont équipés pour traiter des volumes importants de denrées alimentaires, entraîne des retards, des encombrements et des coûts plus élevés. En raison de ces divers « maillons faibles », les aliments sont livrés en retard ou déjà abîmés. Parfois, ils n’arrivent jamais à destination… Au total, 37 % des denrées périssables sont perdues en cours de route, bien avant leur arrivée sur la table du consommateur à l’échelle continentale. De même, les frais de transport peuvent représenter jusqu’à 45 % du prix du marché de certains produits de base de faible valeur comme le riz, les céréales et le manioc, ce qui rend les prix de la nourriture prohibitifs pour certains segments de la population, en particulier ceux qui vivent dans des régions éloignées et isolées ainsi que les couches sociales les plus démunies.
Le rapport souligne dans ce cadre que la lutte contre l’insécurité alimentaire en Afrique passe par la réparation des systèmes de transport défaillants qui empêchent les denrées alimentaires d’arriver là où elles sont nécessaires, grâce notamment à des investissements dans les infrastructures de transport, notamment la modernisation des ports, l’extension des réseaux routiers, et l’amélioration des systèmes de stockage et de distribution.
Mais par où commencer alors que le continent africain compte 379 postes-frontières terrestres, 147 ports, des millions de kilomètres de routes et un véritable labyrinthe de réseaux commerciaux ? La Banque mondiale a identifié 50 points névralgiques — 10 ports, 20 postes-frontières et 20 tronçons routiers — qui ont un impact considérable sur l’approvisionnement alimentaire de l’Afrique. Des investissements ciblés dans ces points critiques pourraient permettre de réduire considérablement l’insécurité alimentaire sur le continent, tout en favorisant la croissance économique.
Les pays du continent gagneraient d’autre part à investir dans des infrastructures et des services de stockage et de distribution robustes afin de minimiser les pertes post-récoltes et à éliminer les obstacles au commerce intrarégional pour réduire les retards et les coûts de passage d’un pays à l’autre.