(BFI) – Quid du secteur des assurances en Afrique en plein Covid-19 ? La réponse du CEO de Sanlam, le leader continental, qui fait aussi le point sur la situation de son groupe.
À l’instar de nombreux secteurs en Afrique, les assurances ont aussi subi l’assaut de la crise sanitaire du Covid-19. Cela a naturellement impacté ses acteurs, mais aussi la réflexion et la manière de gérer, sur le continent, le risque lié aux personnes, aux choses, aux biens, à la responsabilité et aux dettes. Qu’en est-il, par exemple, du leader africain des assurances, Sanlam ? Comment a-t-il choisi de répliquer dans un tel contexte ? Comment appréhende-t-il le nouvel environnement dans ses différents métiers ? Autant de questions primordiales sur cette société sud-africaine, qui, il y a deux ans, s’est portée acquéreuse de Saham Finances, champion de l’assurance non-vie sur le continent. Alors que Sanlam était sur le chemin de tranquillement asseoir sa suprématie en Afrique, conjuguant ses leaderships en assurance-vie et non-vie, la crise sanitaire du Covid-19 est venue perturber son agenda. Sur sa réaction, ses réalités et sur tous les ajustements induits par la nouvelle situation, Paul Hanratty, son CEO, s’est confié au Point Afrique.
Où en est Sanlam aujourd’hui, deux ans après le rachat de Saham Finances ?
Le Groupe Sanlam est très satisfait de cette acquisition, car notre volonté stratégique était d’acquérir des activités complémentaires qui positionnent Sanlam en tant que groupe de services financiers résolument panafricain. Il s’agissait aussi de conforter notre vision afin de consacrer Sanlam comme l’acteur de services financiers le plus apprécié du continent.
L’empreinte géographique additionnelle ainsi que les offres de services permettent aujourd’hui au groupe de proposer une gamme complète de solutions, aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises, dans les domaines de l’assurance-vie et non-vie (y compris les assurances spécialisées : agricole, maritime, etc.) ainsi que la santé, l’assistance, le crédit aux particuliers et la gestion d’actifs.
L’intégration des entités Saham Assurances se poursuit aujourd’hui, après avoir démarré dès l’acquisition. Nous avons œuvré à cet effet pour le développement des synergies afin de déployer les activités vie sur les marchés où Saham Assurance avait historiquement un très fort positionnement en tant que compagnie d’assurance non-vie. Nous avons également réalisé de bons progrès dans d’autres domaines, tels que la croissance des activités d’assurance spécialisée et l’optimisation de la réassurance sur l’ensemble de nos territoires.
Sur un autre registre, nous n’avons opéré que très peu de changements organisationnels, et ce, afin de capitaliser sur les forces et les atouts des équipes en place et minimiser les perturbations des opérations. C’est ainsi que le management de l’ex-Saham Finances, aujourd’hui baptisée Sanlam Pan Africa Maroc, et les équipes dirigeantes de nos différentes filiales sont restés quasiment inchangés. Nous avons cependant adopté une approche métier (assurance vie et non-vie) avec des équipes centrales basées à Casablanca et au Cap. Ces équipes supervisent respectivement la gestion de toutes nos activités non-vie et vie à travers l’ensemble du continent.
Alors que le chantier de la fusion entre les activités vie de l’une et non-vie de l’autre était en cours, le Covid-19 est venu compliquer votre écosystème. Quelles sont les répercussions que cette nouvelle donne a eues sur votre feuille de route ?
Les diverses mesures de confinement imposées par les pays, à la suite de la pandémie de Covid-19, ont eu un impact sur notre capacité à gérer nos activités sur la plupart des marchés. À commencer par les opérations de commercialisation dans les espaces dédiés à la clientèle des particuliers, où le contact direct n’était plus possible. Cela dit, toutes nos compagnies ont pu travailler à distance, poursuivre leurs activités et, surtout, assurer la continuité du service client en matière de traitement et de règlement des sinistres. Certaines branches d’activité, telles que l’assurance non-vie, n’ont connu que des baisses marginales sur les nouvelles affaires, qui ne dépendent que très peu de la vente directe. Par ailleurs, les rendements de placements ont été impactés, comme prévu, par la baisse des performances boursières sur divers marchés.
Comme expliqué lors de la présentation des résultats semestriels de Sanlam, le 10 septembre 2020, le groupe a adopté une approche prudente quant à la valorisation de ses activités, vu l’incertitude qui plane sur l’issue duCovid-19, conjuguée à l’impact de la baisse des prix du pétrole sur la reprise économique des marchés. Les hypothèses économiques ont ainsi été revues à la baisse, aussi bien au niveau des prévisions de croissance économique que des futurs retours sur investissements.
Par conséquent, le groupe a procédé à la dépréciation de la valeur comptable d’un certain nombre d’actifs en Afrique, au Liban et en Inde. Ceux-ci incluent, entre autres, une partie des actifs relatifs à l’ex-Saham Finances, en raison du ralentissement attendu de la croissance économique dans l’ensemble de nos pays de présence et de la détérioration de l’environnement politique et économique au Liban.
Aujourd’hui, nous restons profondément convaincus que les synergies issues de l’acquisition de l’ex-Saham Finances peuvent être réalisées, mais dans des délais plus longs que ceux initialement prévus. Nous sommes également convaincus que nos activités sont bien positionnées pour bénéficier de la reprise économique à l’avenir.
Qu’en est-il aujourd’hui de votre force de frappe par rapport à la concurrence ?
Sanlam dispose d’un réseau continental unique de services financiers non bancaires, avec une présence dans 33 pays et un effectif de près de 33 000 collègues en Afrique. En plus de développer et de servir notre portefeuille particuliers et entreprises via nos canaux de vente directe et nos agents à l’échelle locale, régionale et internationale, nous travaillons également en partenariat avec des banques, des agrégateurs, des opérateurs de télécommunications et des groupes industriels pour adresser de nouveaux segments de clients grâce à une approche différenciée. Notre expertise métier, doublée d’une connaissance approfondie de nos marchés locaux, nous permet de déployer une véritable approche « One Stop Shop » au profit de nos clients entreprises ainsi que de nos partenaires et distributeurs privilégiés.
Aujourd’hui, le secteur de l’assurance est certes marqué par une concurrence accrue. Mais nous sommes profondément convaincus qu’elle profitera in fine aux clients, en leur garantissant l’accès à des solutions adaptées à leurs besoins. En outre, la pénétration de l’assurance dans la plupart des pays du continent étant très faible, le jeu de la concurrence favorisera, espérons-le, une « démocratisation » de l’assurance pour aboutir à une offre davantage inclusive en Afrique.
Alors qu’on s’attendait à une hécatombe du fait du Covid-19, l’Afrique s’est montrée plus résiliente qu’on ne pouvait s’y attendre. Quelles leçons en tirez-vous dans l’évaluation même des risques concernant les Africains ?
Il est vrai que les gouvernements ont différemment répondu face à la crise. Mais force est de constater que la plupart des pays ont réagi à la fois avec célérité et prudence, en édictant les mesures qui s’imposent pour endiguer la propagation du virus et minimiser son impact sur la santé des populations. La progression de la pandémie a ainsi été circonscrite dans des proportions raisonnables, comme le démontrent les statistiques de l’OMS, qui témoignent de la discipline et de la résilience de l’Afrique et de ses populations.
La crise du Covid-19 a mis à nu la réalité double des systèmes économiques au sein desquels évoluent les Africains et leurs entreprises. Quelles réformes vous paraîtraient importantes à mettre en œuvre localement et au niveau continental pour donner un souffle nouveau à votre business ?
Le Covid-19 a indéniablement impacté l’économie mondiale et nous avons donc constaté une contraction sur tous les marchés. Par conséquent, aucun pays africain n’échappe à l’impact dévastateur de la pandémie sur la croissance économique. Les individus et les entreprises se sont rapidement adaptés aux mesures de confinement et ont adopté une nouvelle façon de travailler et de vivre. Aujourd’hui, si les opinions divergent quant au temps qu’il faudra aux économies pour s’en remettre, nous devons œuvrer pour contribuer à la reprise qui s’annonce et en bénéficier au moment opportun.
Comme je l’ai déjà expliqué, les marchés d’investissement ont été affectés et perturbés par la baisse des prix du pétrole. Les pays n’ont alors eu d’autres choix que de se tourner vers les marchés intérieurs pour stimuler leurs économies respectives. J’estime qu’il s’est agi là de l’opportunité idéale pour les pays africains de commencer enfin à explorer et à développer le commerce régional et intra-africain, afin de réduire leur dépendance à l’égard de leurs partenaires commerciaux historiques.
En sortant de votre espace originel (Afrique australe), vous avez été confrontés à de nouvelles cultures, réalités, pratiques et réglementations, mais aussi à des environnements économiques bien différents. Comment avez-vous ou comptez-vous concilier tous les défis à relever en diffusant dans vos structures la philosophie et l’approche qui ont fait votre succès jusque-là ?
Vous ne sauriez être une entreprise résolument panafricaine sans savoir apprécier et intégrer la diversité du continent ! Alors que Sanlam a établi ses racines en Afrique australe, il y a plus de 100 ans, l’expansion du groupe à travers le reste du continent est guidée par une philosophie d’entreprise basée sur le partenariat avec des actionnaires locaux. Aussi, la valeur ajoutée de Sanlam est-elle d’apporter son savoir-faire et son expertise technique aux organes de gouvernance et au management locaux qui sont ainsi dotés des moyens nécessaires à la gestion des activités dans leurs pays respectifs.
Quelle place pour les assurances telles que pensées par Sanlam dans une Afrique qui veut changer d’approche et de modèle de développement en intégrant de plus en plus de valeurs locales dans ses produits et services ?
La seule voie vers un développement responsable du taux de pénétration de l’assurance sur nos marchés passe par l’adoption d’une approche « client-centric », pour l’ensemble de nos activités. Ainsi, au lieu de déployer une démarche « standardisée », il s’agit plutôt pour nous de prendre conscience et de respecter la diversité culturelle ainsi que les spécificités des marchés dans lesquels nous opérons.