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Raffinerie Dangote: «Il ne devrait plus y avoir aucun problème d’approvisionnement en essence au Nigeria»

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(BFI) – Ce 22 mai 2023 a été inaugurée au Nigeria par le président Muhammadu Buhari la grande raffinerie construite par le milliardaire Aliko Dangote. Une inauguration politique une semaine avant la passation de pouvoir au président Ahmed Bola Tinubu. Ce projet, chiffré à près de 20 milliards de dollars, s’étendra sur plus de 2 500 hectares dans la zone franche de Lekki. Il doit notamment permettre d’alimenter les stations essences du pays. Benjamin Augé, chercheur à l’Ifri, spécialiste des questions énergétiques et du Nigeria, décrypte les enjeux autour de cette infrastructure.

Benjamin Augé, quelle sera la capacité de production de cette raffinerie construite par le milliardaire Aliko Dangote ?

La capacité de production de cette raffinerie de 650 000 barils par jour est équivalent à peu près à deux fois et demie la consommation du Nigeria. Le Nigeria consomme à peu près 200 000 barils par jour d’essence. Donc normalement à partir du moment où la raffinerie sera en capacité de transformer du brut nigérian, il ne devrait plus y avoir aucun problème d’approvisionnement au Nigeria. Actuellement, la situation est compliquée parce que la quasi-totalité des produits pétroliers au Nigeria sont importés.

Pourtant, le Nigeria dispose déjà de raffineries. En quoi les infrastructures d’Aliko Dangote pourraient faire la différence ?

Vous avez quatre raffineries au Nigeria, mais qui fonctionnent extrêmement mal, notamment dans la région productrice du delta du Niger. Elles fonctionnent mal alors que leur capacité installée, c’est-à-dire leur capacité à transformer de l’essence, est de 445 000 barils par jour, donc deux fois plus que la consommation du Nigeria. Parce que tout simplement, on a construit des raffineries qu’on n’a pas entretenues. Leur capacité est donc descendue en flèche.

Et, en fait, la raison pour laquelle on n’a pas suffisamment mis d’argent dans leur entretien, c’est qu’un énorme lobby des traders d’importation d’essence s’est formé petit à petit, est devenu extrêmement puissant et a empêché d’entretenir ces raffineries parce que ça leur posait un problème pour leur business directement. Pourquoi cette raffinerie de Dangote pourrait faire changer les choses ? Parce que la capacité politique de Dangote à influencer les décisions politiques à Abuja est telle que – quel que soit le président, que ce soit l’actuel Buhari ou celui qui arrive dans une semaine, Ahmed Bola Tinubu – il va pouvoir certainement faire en sorte de largement détruire la capacité d’influencer de ces traders nigérians. Donc c’est pour ça que ce projet-là avance, alors que celui des raffineries et de l’entretien des raffineries existantes n’a jamais pu fonctionner.

Ça tiendra donc plutôt à la personnalité d’Aliko Dangote ?

Oui, comme il l’a déjà fait pour le ciment et d’autres produits, de s’imposer en une sorte de monopole sur un produit, en l’occurrence l’essence, et d’avoir aussi une capacité d’exportation. Parce que la production à pleine capacité est de 650 000 barils par jour, ça donne la capacité d’approvisionner la totalité de l’Afrique de l’Ouest.

Le Nigeria est l’un des plus gros producteurs de pétrole du continent. Pourtant, sa production est en baisse et les retombées économiques ne sont pas à la hauteur des attentes. Comment cela s’explique-t-il ?

Ça s’explique par plusieurs raisons. Une qui est d’ordre légal, c’est-à-dire que pendant plus d’une dizaine d’années, vous avez une loi pétrolière qui a été en discussion au niveau de l’Assemblée et du Sénat. Elle a finalement été votée en 2021. Et pendant toute cette décennie-là, il n’y avait quasiment pas d’investissement, il y avait même le départ des majors traditionnelles au Nigeria comme Total et Shell ou Chevron et Exxon, qui ont vendu un certain nombre de leurs permis. Et vous avez aussi une autre dynamique, qui est la problématique de sécurité dans la région productrice du delta du Niger : 2022 et 2023 ont été des années records en termes de vol.

À la fin 2022, on estimait qu’à peu près 450 000 barils par jour étaient volés au Nigeria. C’est l’équivalent de la production du Gabon et du Congo réunis. Et donc, forcément, les revenus baissent puisque la production légale baisse et ils sont incapables d’atteindre leur quota OPEP de ce fait-là. Donc deux raisons : une raison légale qui a entraîné le manque d’investissement et une raison sécuritaire/vol qui a entraîné la baisse des volumes produits au Nigeria, donc une baisse des recettes liées à l’industrie des hydrocarbures.

In RFI

Rédaction
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