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Quelles alternatives à l’arrêt des financements des énergies fossiles en Afrique dans un contexte de transition énergétique ?

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(BFI) – Dans le cadre de la transition énergétique, la COP26 a encouragé l’arrêt du financement des énergies fossiles. En conséquence, les majors pétroliers réorientent leur stratégie vers les énergies renouvelables en cédant leurs actifs à des juniors (africains) ou des sociétés nationales. La question du financement de ces dernières se pose donc avec acuité. Dans un tel contexte, les acteurs financiers africains doivent prendre le relais. Les places financières africaines, notamment celles de Johannesburg et Lagos qui sont leaders sur le continent, peuvent constituer des relais efficaces pour le financement de l’industrie pétrolière africaine. Il importe toutefois d’améliorer la mobilisation de l’épargne par la création d’un écosystème financier dédié et le renforcement de la culture boursière.

En raison du réchauffement climatique qui est dorénavant une réalité, la transition énergétique en ce qu’elle implique le remplacement progressif des énergies fossiles et nucléaires par un mix énergétique privilégiant les énergies renouvelables, s’impose tant au niveau des Etats que des entreprises du secteur de l’énergie. C’est dans ce contexte que lors de la Conférence sur le Climat (COP26) qui s’est tenue à Glasgow en Ecosse du 31 octobre au 12 novembre 2021, 19 pays y compris les Etats-Unis et le Canada, se sont engagés à ne plus financer de projets d’énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) à l’étranger d’ici fin 2022.

Cette décision a naturellement suscité une levée de boucliers en Afrique où des ministres et leaders africains ont, lors du Nigeria International Petroleum Summit qui s’est clôturé le 3 mars 2022 à Abuja, réclamé la prise en compte des besoins de développement de l’Afrique dans cette course mondiale vers la décarbonisation.

À juste titre. Les Etats africains tels que le Congo, la Guinée équatoriale et le Nigéria pour qui le pétrole représente un tiers des recettes budgétaires du gouvernement et environ 90 % des recettes d’exportation du pays en 2020 ne sauraient se réjouir d’une telle perspective.

Les majors se retirent au profit des acteurs africains

L’une des conséquences les plus spectaculaires est la réorientation stratégique des majors opérant en Afrique. La situation du géant pétrolier nigérian illustre parfaitement cette situation complexe. Malgré la levée progressive des quotas de l’OPEP et la tendance à la hausse des prix du baril, le Nigeria peine depuis plusieurs mois à remonter sa production. Alors que le pays a une capacité de production de plus de 2 millions de barils de pétrole par jour (bopd). À ce jour, elle s’est établie à 1,3 million de bopd.

Près de la moitié de la production pétrolière du Nigeria repose sur ses gisements terrestres, mais les vols répétés de pétrole brut et le vandalisme des oléoducs rendent difficile l’augmentation de la production à court terme. C’était d’ailleurs l’une des raisons invoquées par la major américaine Conoco Philipps pour hâter son départ du pays en cédant en 2013 ses actifs à la junior nigériane Oando pour un montant de 1,5 milliard de dollars.

Bien que les gisements en eaux profondes arrivent à maturité, rien n’indique clairement que la loi sur l’industrie pétrolière (Petroleum Industry Act, PIA) récemment promulguée relancera l’intérêt pour les activités en eaux profondes à forte intensité de capital au Nigeria dans un contexte d’arrêt programmé des financements des énergies fossiles.

Aussi, plusieurs sociétés pétrolières internationales actives au Nigeria se défont-elles de leur portefeuille d’actifs dans le pays au profit d’indépendants locaux. C’est ainsi que les sociétés SEEPCo et Seplat Energy sont devenues les premiers producteurs locaux.

Ailleurs sur le continent, TotalEnergies et ENI déploient une stratégie de décarbonisation de leurs propres activités extractives, en mettant l’accent sur la partie environnementale de leurs projets gaziers et pétroliers. L’autre versant de cette stratégie consiste à investir dans des projets de compensation carbone, tel celui de reforestation au Congo-Brazzaville, également entamé par le groupe français ou alors la production de biocarburants.

British Petroleum quant à elle s’est engagée à réduire de 40 % sa production et d’investir massivement dans les énergies renouvelables. Elle envisage par ailleurs de céder pour 25 milliards de dollars d’actifs.

Les acteurs financiers africains prennent le relais

Plus tôt en 2014, La Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) avait mobilisé dans le cadre du financement de son programme d’investissement 1,5 milliard de dollars auprès d’un pool de prêteurs constitué notamment du panafricain Ecobank, des nigérians United Bank for Africa et AFC, du gabonais BGFI Bank et du sud-africain DBSA.

Les marchés financiers peuvent également être une alternative Intéressante, ce d’autant plus que leur potentiel de développement est extraordinaire. L’Afrique compte actuellement 35 Bourses, avec environ 2 000 sociétés cotées, contre 5 899 en Chine, pour une capitalisation boursière de 1 400 milliards de dollars, soit 60 % du PIB du continent, contre 82,89 % pour la Chine. Ces indicateurs montrent bien que les places africaines peuvent beaucoup mieux faire en termes de financement des économies africaines.

La Johannesburg Stock Exchange (JSE) et la Nigeria Stock Exchange (NSE) font figure de leader. JSE, crée en 1887, suite à la découverte des gisements d’or en Afrique du Sud et la ruée des investisseurs qui s’est ensuivie, a enregistré 16 des 30 plus grosses opérations enregistrées sur le continent dont une à 850 millions de dollars. Avec un taux de capitalisation estimé à 1005 milliards de dollars, la JSE compte environ 473 sociétés cotées.

La NSE (anciennement Lagos Stock Exchange) fondée en 1960, est la troisième plus importante place boursière d’Afrique, et la plus grande en Afrique de l’Ouest. Elle compte aujourd’hui un peu plus de 328 entreprises cotées, pour une capitalisation de 74,33 milliards de dollars.

Elle a connu la meilleure performance des places boursières du monde en 2020. Son indice industriel est devenu l’indice le plus performant du monde au cours de cette année, avec 47,3 % de taux de progression et sa capitalisation, une hausse de 62,4 %. Ces performances s’expliquent notamment grâce au rôle joué par les investisseurs locaux (nigérians) qui en raison de l’inflation galopante, ont trouvé en la bourse un refuge.

Une mobilisation de l’épargne encore balbutiante en Afrique centrale

Si la culture boursière est une réalité dans les pays anglophones du continent, elle constitue un véritable challenge en zone francophone. En Afrique centrale, les six pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale ont une bourse commune : la Bourse de valeurs mobilières de l’Afrique centrale. Créée en 2019, elle est née de la fusion de la Douala Stock Exchange (Cameroun) et de la Bourse de valeurs mobilières d’Afrique Centrale logée à Libreville au Gabon. Elle compte un capital de 12,44 millions de dollars, quatre sociétés cotées et 11 sociétés de bourse.

La mobilisation de l’épargne locale notamment en zone francophone reste conditionnée par plusieurs facteurs. Les pays anglophones ont un écosystème beaucoup plus abouti qu’en zone francophone de manière générale. Les activités d’asset management, d’investment banking ou encore de brokerage pour ne citer que celles-ci y sont beaucoup plus développées. Les places boursières des pays anglophones sont beaucoup plus liquides et profondes. Résultat, elles attirent beaucoup plus d’entreprises.

A contrario en zone CEMAC, pour dynamiser la place de Libreville, le cabinet Roland Berger avait dans le cadre d’un rapport publié en 2016 suggéré l’admission à la côte des principales entreprises publiques de la zone.

Force est de constater que le chemin à parcourir est encore long. Ces entreprises doivent se mettre aux standards d’une place boursière en termes de transparence et de qualité de l’information financière transmise aux investisseurs. En outre, la liquidité et la profondeur d’un marché de capitaux ne se décrètent pas. Elles se créent à l’intérieur d’un cercle vertueux : admission de nouvelles sociétés à la cote, information financière et éducation des investisseurs, climat des affaires.

S’agissant des investisseurs constitués essentiellement de compagnies d’assurances et de banques, ceux-ci interviennent surtout dans le compartiment obligataire. En effet 3 milliards de dollars ont été mobilisés à ce jour dans le cadre d’émissions obligataires des Etats.

La réflexion doit également porter sur le profil même de l’investisseur en permettant entre autres l’émergence de fonds de pension. Il s’agit d’une tendance palpable en Afrique. Des fonds de pension se sont développés grâce à l’essor de la classe moyenne et aux réformes réglementaires qui ont permis, dans plusieurs pays, à davantage de personnes de bénéficier du système de protection sociale. Les fonds de pension sont également une alternative au régime de répartition ou de sécurité sociale qui dans certains pays ont montré leurs limites. On estime que les fonds de pension des six principaux marchés africains pourraient atteindre 7,3 milliards de dollars d’ici à 2050 (contre 800 milliards de dollars en 2014).

Aussi, l’initiative de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) mérite-t-elle d’être saluée en ce qu’elle va initier un mouvement dans la zone. En effet, elle a confié au terme d’un appel d’offres, la mission de placer une partie des fonds de sa caisse de retraite, à la société de gestion d’actif camerounaise Harvest Asset Management.

Il convient de rappeler que cette tâche incombait depuis 1999 au géant Amundi (et auparavant par la Banque de France). Cette décision se justifie par le fait que le rendement des obligations d’État en zone euro était nuls voire négatifs, contrairement à la zone CFA qui propose de meilleures perspectives.

Par Loïc Mackosso, Associé Gérant ARIES Investissements.

Rédaction
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