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Pour une économie gabonaise industrialisée, inclusive et durable par le Pr BEKOLO EBE BRUNO

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(BFI) – La première édition du Gabon Economic Forum, tenue les 7 et 8 juillet 2025 à Libreville sous le haut patronage de Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema, Président de la République, fut un moment structurant. Cet événement stratégique, organisé par le Ministère de l’Économie, des Finances, de la Dette et des Participations, a mobilisé acteurs publics, privés, chercheurs et partenaires techniques autour du thème ambitieux : « Transformer l’économie gabonaise pour assurer une croissance durable et partagée. »

J’ai eu l’honneur d’une part, d’intervenir comme paneliste, dans le Panel 3 consacré à la problématique de la dette, et d’autre part, de modérer les travaux de l’atelier #1 – consacrés à une interrogation essentielle :

« Quels instruments de soutien à la politique industrielle locale (financements, autres leviers, etc.) ? »

S’agissant de mon intervention dans le Panel sur la dette j’ai d’entrée de jeu, souligné la nécessité de passer d’une analyse en stock privilégiant le rapport dette/PIB, pour passer à une de flux prenant en compte le rythme d’endettement, la structure de la dette, son coût, avec une attention particulière au niveau de la prime de risque, la relation entre dette/cycle du projet/retour d’investissement/charges de remboursement incluant amortissement et intérêts. J’ai insisté sur la nécessité de cibler les priorités d’investissement, en privilégiant d’abord la mobilisation des ressources internes, la dette étant un adjuvant, tout autant que l’obligation pour ceux qui décident de la dette et pour ceux qui en utilisent les fonds de rendre compte et donc de devoir répondre de leurs décisions et choix, en plus de l’obligation de toujours intégrer à la politique d’endettement, les préoccupations intergénérationnelles.

Lors de l’entretien que j’ai accordé à la presse à l’issue de cet atelier, j’ai rappelé que : « Nous ne pourrons pas continuer à parler de diversification économique sans industrialisation réelle. L’économie gabonaise doit passer d’une économie de rente à une économie de production, ancrée sur les réalités locales, notamment les PME. »

Loin d’être une simple réflexion académique, cette question touche au cœur des réformes structurelles dont notre économie a besoin. Car il ne suffit plus de diagnostiquer notre dépendance historique aux rentes extractives : il faut désormais poser les fondements d’un contrat productif national, basé sur une industrialisation endogène, centrée sur la PME locale, le capital humain et la soutenabilité.

Les échanges de l’important atelier que j’ai animé ont permis de dégager une architecture en sept piliers structurants :

1. La densification infrastructurelle : Une énergie abondante (hydraulique, thermique gazier, biomasse), des corridors logistiques multimodaux efficaces, et une connectivité numérique renforcée sont indispensables.

2. Le renforcement du tissu de PME : La nouvelle stratégie d’industrialisation doit être fondée prioritairement sur la création d’un dense tissu de PME, partant de ce consensus que « capital is made at home ». Ceci implique que la formation du capital doit partir de l’économie elle-même. De ce fait, le concept d’investissement direct national (IDN) doit devenir une priorité, et fonder la politique d’investissement. Cela implique une réforme de la fiscalité, une inclusion financière accrue et une réorientation de la commande publique vers les PME.

3. La mise en place d’une fonction d’intermédiation financière inclusive pour :la formation et la mobilisation de l’épargne interne, la facilitation de l’accès au financement ainsi que la réduction des coûts d’accès, le développement de fonds dédiés et d’instruments et mécanismes financiers innovants, la création de lignes et mécanismes de bonification des taux, la facilitation de l’accès au marché financier sous-régional, et refinancement via la BEAC doivent être activés.

4. L’investissement dans le capital humain : La disponibilité d’une masse critique de capital humain est une condition nécessaire de succès d’une telle stratégie, d’où la nécessité d’investir massivement dans l’éducation et la recherche scientifique et technologique. Ceci devra s’accompagner de mesures telles que : création d‘instituts et centres de formation dans les filières technologiques, en privilégiant les secteurs et branches prioritaire, adaptation des curricula, soutien à la recherche appliquée, valorisation des résultats et innovations issues de nos centres et instituts.

5. La refonte du cadre juridique et institutionnel : Nécessité de créer un cadre juridique, institutionnel et réglementaire garantissant la sécurité des contrats, reforme du cadre organisationnel et de la gouvernance pour une gouvernance politique et administrative optimale, lutte contre la parafiscalité illégale, rationalisation des choix budgétaires et plus grande attention à la dette intérieure.

6. L’ancrage dans le développement durable : Mise en œuvre de la RSE, gestion durable des ressources naturelles, préservation contre les nuisances, exploitation des ressources en y intégrant les priorités de transmission intergénérationnelle.

7. La mise en place de cadres de concertation efficaces : Nécessité de créer des cadres de dialogue entre les acteurs en en faisant des lieux de concertation et de convergence entre décideurs publics et privés, condition de succès des partenariats productifs. Généralisation de l’obligation de suivi, d’évaluation et de rendre compte.

Le discours d’ouverture du Ministre d’État chargé de l’Économie, M. Oyima a fixé un cap clair : atteindre une croissance nationale à deux chiffres de 10% hors pétrole d’ici deux ans, et ce après avoir rappelé que le PIB réel du Gabon a stagné autour de 1,5 % par an sur la dernière décennie, ce qui est inacceptable.

Le Vice- Président du Gouvernement, M. Barro Chambrier a quant à lui, réaffirmé la volonté politique de faire faire au Gabon un saut qualitatif irréversible, et  appelé à la refondation du modèle économique gabonais, en cohérence avec le Plan national de Croissance et en rupture avec la dépendance vis-à-vis du pétrole.

Il en résulte « Qu’il faudrait industrialiser le Gabon par et pour les Gabonais »

Le Gabon ne peut donc plus se permettre le luxe du statu quo. Les instruments d’une véritable politique industrielle sont à notre portée, mais exigent un volontarisme politique soutenu, un appareil administratif rénové, une justice économique plus équitable, et surtout une mobilisation citoyenne autour d’un idéal productif partagé.

Il a de ce fait plaider pour :

•       Un pacte national pour la transformation industrielle, centré sur les PME ;

•       La création d’un fonds souverain d’industrialisation durable ;

•       Une task force multisectorielle pour piloter la mise en œuvre des réformes identifiées.

Ce forum a montré que les idées sont là, les talents aussi. Ce qu’il faut désormais, c’est une volonté politique déterminée et la mobilisation d’une capacité d’action et de coordination, pour que les ambitions deviennent réalité.

Bruno Bekolo Ebé, Agrégé de Faculté Française de Sciences Économiques et de Gestion || Professeur Titulaire des Universités || Consultant en économie

Rédaction
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