(BFI) – Après avoir compté ses morts, le continent devra faire face à un défi encore plus grand, celui de relever une économie déjà fébrile, de redresser un continent fragile et de faire entrer définitivement l’Afrique sur la voie de la croissance inclusive et durable.
La crise du Covid-19 n’épargnera pas l’Afrique. Telle une évidence, ce constat est à observer bien sûr sous l’angle humain. Mais au-delà du lourd bilan sanitaire imputable à la propagation du virus sur du (nous l’espérons) court terme, l’Africain sera impacté bien au-delà des quelques mois que durera la pandémie.
Touchés de plein fouet par la crise économique mondiale, dont d’aucuns considèrent déjà qu’elle sera de même ampleur que celle qui bouleversa l’Occident en 1929, les pays africains n’auront d’autres choix que de prendre des décisions radicales, pour enfin travailler à ce qui les rendra définitivement plus forts, à savoir la diversification de leurs économies.
Vers une économie plus verte et plus résiliente
Les États sont pour la plupart encore trop dépendants des cours des matières premières, qu’il s’agisse d’hydrocarbures ou de produits miniers, et bien trop vulnérables à la volatilité des prix. Les gouvernements le savent depuis longtemps et tentent depuis quelques années déjà de s’affranchir du carcan que constitue l’économie de rente. Espérons qu’il ne soit pas trop tard.
Pour se relever, les pays du continent devront miser sans compter sur des secteurs porteurs et mettre eux-mêmes un terme à cette stratégie mondiale qui permet un tel marchandage des précieuses ressources, au détriment de l’immense majorité des populations. En misant sur la transformation des produits bruts et sur des secteurs à forte valeur ajoutée, pêche, agriculture, bois, nouvelles technologies et numérique, les pays africains ont une chance de s’en sortir.
Ces domaines porteurs doivent être les branches d’une économie plus verte et plus résiliente, pour l’Homme comme pour l’environnement. Car le Covid-19 a révélé au monde la fragilité des écosystèmes. Ainsi, les investisseurs et partenaires au développement n’auront d’autre choix que de garder l’œil et le portefeuille bien ouverts pour répondre à cette problématique, en prenant en considération la composante environnementale dans leurs choix stratégiques.
S’engager à investir
Nos pays ne peuvent pas, seuls, faire face aux conséquences économiques d’un tel fléau. Le gel immédiat du remboursement des intérêts de la dette des pays africains pour l’exercice 2020 est une absolue priorité. L’effort international doit être multidirectionnel et les pays occidentaux, tout comme la Chine, ne doivent s’en affranchir sous aucun prétexte. Cette mesure pourrait avoir le mérite de dégager des marges budgétaires conséquentes susceptibles de financer immédiatement la réponse à la pandémie.
Poursuivie sur cinq ans, ce mécanisme sera une bouffée d’oxygène bienvenue, si tant est qu’il soit conditionné par des mesures nationales adéquates. Ainsi, chaque État doit s’engager à inscrire dans son budget les fonds ainsi dégagés pour l’investissement dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’eau, de l’énergie et de l’agriculture. Et ce, pour assurer une certaine stabilité du tissu économique et la pérennité des politiques publiques en direction du bien-être des populations.
Les institutions financières internationales devront elles aussi y mettre du leur, en assouplissant les normes d’aides et de prêts n’est pas une option si l’on veut éviter l’asphyxie à l’Afrique et ses populations. Même combat au niveau national, la relance par la consommation est une nécessité. Pour y parvenir, les banques centrales devront là jouer leurs cartes et les États s’affranchir de toute politique de rigueur ou d’austérité.
Enfin, le renforcement des échanges commerciaux entre pays africains est l’une des clés qui nous permettra de sortir grandie de cette funeste expérience. Le lancement de la zone de libre-échange africaine (Zleca) doit rester pour tous une priorité. Couplée à des politiques nationales ambitieuses et à une réponse rapide des gouvernements, de concert avec les partenaires et le secteur privé, la solidarité panafricaine sera, dans ces conditions, l’une des voies du salut.
Par Jean Fidèle Otandault, expert-comptable, ancien ministre gabonais du Budget et des Comptes publics, ancien ministre de la Promotion des investissements.