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Oui, l’industrie africaine peut être compétitive !

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(BFI) – Comment enclencher un processus d’industrialisation permettant d’offrir un travail aux 10 millions d’Africains arrivant chaque année sur le marché ?

Karl Marx l’a écrit, « l’histoire de l’industrie est le livre ouvert des facultés humaines ». En Afrique subsaharienne, des acteurs se lancent résolument dans l’écriture de ce livre pour montrer qu’une industrialisation est possible. Car 80 % des Africains vivent dans des pays où coexistent un chômage de masse et une valeur ajoutée manufacturière inférieure à 100 dollars par habitant (contre 600, 800 et 3 000 dollars par habitant au Brésil, en Chine et en Grande-Bretagne). Mais ceci n’est pas une fatalité !

Le décollage social et économique de l’Afrique ne pourra se faire sans les deux moteurs que sont l’agriculture et l’industrie, la première servant en partie à alimenter la seconde (en bois, fibres, fruits et légumes). Mais comment enclencher un processus d’industrialisation « à l’échelle », permettant d’offrir un travail aux 30 millions d’Africains arrivant chaque année sur le marché ?

Un formidable outil de développement de l’industrie réside dans la création de zones économiques. En témoignent les « villes-usines » entourant Shenzhen ou Canton en Chine, mais aussi l’essor spectaculaire des zones industrielles de Tanger-Med au Maroc (75 000 emplois), Hawassa en Ethiopie (30 000 emplois), de Nkok au Gabon (10 000 emplois), de Filatex à Madagascar (7 000 emplois). La réussite de ces zones économiques repose sur quelques impératifs catégoriques.

« Le client est roi »

Ces parcs industriels doivent être construits et opérés pour répondre aux besoins de clients industriels exigeants (« customercentric »). Les sociétés doivent y trouver un environnement sécurisé, une logistique performante, une énergie fiable et bon marché, un écosystème favorable (sous-traitants, services communs, etc.). Ils doivent idéalement pouvoir disposer d’une offre résidentielle (logements) et récréative et d’une offre de financement (fonds de roulement, crédit d’investissement).

« Mettre l’homme au centre »

Les zones industrielles doivent être situées au cœur de bassins de population denses, pouvant fournir une main-d’œuvre compétitive et qualifiée. Cinq millions de personnes vivent ainsi dans un rayon de moins de 40 km du Parc de Hawassa, développé en Ethiopie en partenariat avec des industriels chinois. Des centres de formations techniques et universitaires doivent progressivement être mis en place pour disposer de cadres et contremaîtres locaux.

« L’Etat doit jouer tout son rôle et rien que son rôle »

Ces zones ne peuvent fleurir sans une forte implication de l’Etat, qui doit offrir un cadre juridique et fiscal lisible, stable, voire incitatif (zones franches) et un guichet unique administratif performant. En outre, les développeurs de ces parcs – même publics (TMSA au Maroc) ou en publics-privés (GSEZ au Gabon) – doivent fonctionner comme des acteurs privés, souples et entrepreneuriaux, pour s’adapter au « client roi ».

« Pour avoir des flammes, il faut du bois et du vent »

Des parcs viables nécessitent des matières premières compétitives et des financements de long terme. Nkok se développe autour des métiers du bois. Une nouvelle zone en cours de lancement au Bénin vise la transformation de produits agro-industriels locaux (coton, anacarde). Les zones éthiopiennes sont spécialisées dans les métiers du cuir (et du textile), abondant dans ce pays d’élevage. Chacun de ces parcs est porté par des développeurs disposant de « capital patient » (intervention des Etats, de fonds souverains, de bailleurs publics types Banque africaine de développement, African Finance Corporation).

Les développeurs de ces zones doivent par ailleurs éviter certains pièges, le risque étant d’avoir des « éléphants blancs » aussi somptuaires qu’inutiles. Il faut construire de façon frugale, « éviter de proposer une Rolls Royce quand une Toyota suffit ». Il faut s’efforcer d’être autosuffisant en énergie et ne pas négliger les actions de RSE, nécessaires pour maintenir la fameuse « licence sociale pour opérer ». Il faut à tout prix éviter de devenir des zones « poubelles », juste bonnes à accueillir les industries polluantes que les autorités des pays développés et de la Chine souhaitent voir délocalisées.

Oui, l’Afrique n’est pas condamnée à être un désert manufacturier. L’industrie du continent peut être compétitive. « Voir grand, faire frugal et aller vite », voici l’enjeu pour les autorités publiques et les promoteurs privés auxquels revient la responsabilité de propulser l’Afrique dans le XXIe siècle.

Rédaction
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