(BFI) – Au lendemain de la nomination du kenyan Jeremy Awori en tant que CEO de Ecobank Transnational Incorporated (ETI), Financial Afrik s’est entretenu avec Alain Nkontchou, le président du conseil d’administration du Groupe.
A l’heure où le nom du nouveau PDG de Ecobank est dévoilé, pouvez-vous revenir sur les critères qui ont conduit à la nomination de Jeremy Awori ?
Un processus de recherche et de recrutement approfondi et robuste a été mis en place pour le recrutement du nouveau PDG. ETI a engagé une société spécialisée dans la recherche de cadres pour mener un processus de recherche détaillé et rechercher de manière proactive les PDG les plus performants, qu’ils soient ou non à la recherche active d’un nouveau rôle. Le cabinet a reçu pour instruction de prendre en considération les candidats internes et externes. Les candidats ont été soumis à un processus de sélection rigoureux afin de confirmer et de garantir qu’ils ont la qualité et les compétences requises. Une fois les candidats présélectionnés, les entretiens de la phase finale ont eu lieu, à la suite desquels le conseil d’administration a décidé que Jeremy Awori était le meilleur parmi plusieurs candidats excellents pour se voir offrir le poste. Nous sommes tous contents de ce choix et sommes prêts à assister Jeremy dans ses nouvelles fonctions.
La Banque est présente dans 35 pays et sur 3 places boursières africaines. Le programme d’expansion prévoit-il l’ouverture à de nouveaux pays africains à moyen terme ?
Le Groupe Ecobank opère dans 33 pays africains, en plus d’avoir des bureaux de représentation à Addis Abeba, en Ethiopie, et à Johannesburg, en Afrique du Sud. Le Groupe possède également un agrément bancaire en France et des bureaux à Pékin, en Chine, à Londres, au Royaume-Uni, et à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Au stade où nous en sommes, l’appétit à l’expansion est relativement limité. Nous recherchons plutôt à consolider notre présence géographique actuelle et nous assurer que nous relevons les défis auxquels nous sommes confrontés pour avoir un avantage compétitif, assurer une meilleure profitabilité et une rentabilité des capitaux investis.
Comment expliquez-vous la faible valorisation du groupe sur ses différents marchés financiers par rapport à son total bilan et à sa valeur mathématique ?
La valorisation d’une organisation comme Ecobank avec une si large présence panafricaine doit aussi tenir compte de sa performance. Si on peut constater que sa valorisation est faible, il n’en demeure pas moins de noter que cette faible valorisation est comblée par une compensation du titre en termes de dividende relativement élevée. Aujourd’hui nous voyons des progrès significatifs de la Banque par rapport à ce qu’elle était dans le passé. En 2021, nous avons distribué des dividendes après une longue période. Le rendement du dividende s’évalue autour de 8% – 10%, en fonction du taux de change utilisé. Ce rendement en dollars est assez significatif au vu de la structure des taux d’intérêt américains. Le momentum actuel de la Banque sur ces 6 dernières années est assez positif. Tout le mérite est attribué au Management et au CEO sortant pour le travail fait pour assainir le bilan et mettre la Banque sur une trajectoire relativement constante.
Aujourd’hui l’ on se démarque de notre histoire passée et on entre dans une nouvelle phase de consolidation pour générer des revenus et un rendement significatifs. Par exemple, les conditions macroéconomiques actuelles difficiles en Afrique, notamment au Nigeria, ont eu un impact sur le secteur bancaire en général. Idem l’histoire passée avec Ecobank au Nigeria. Et dans une telle situation, la valorisation d’une entreprise peut en souffrir inutilement. Cela dit, le prix de nos actions a augmenté de 45% en 2021 et jusqu’à présent en 2022, il a augmenté de 27%, surpassant les performances de nos pairs bancaires (en baisse de 13% en moyenne) sur la Nigeria Stock Exchange (NGX). La sous-évaluation d’un titre doit tenir compte de l’opportunité de le détenir via les dividendes. Et nous allons continuer à mettre les efforts en place pour distribuer des dividendes.
Le financement des PME reste problématique en Afrique. Quelle est l’approche du Groupe Ecobank à cet égard ?
Le financement des PME est au cœur de notre activité. La division de la banque commerciale d’Ecobank – qui sert les PME – s’est engagée à encourager et à soutenir les PME, y compris les entreprises appartenant à des femmes, pour qu’elles réussissent et profitent des opportunités de croissance, y compris de la Zlecaf. Ecobank a considérablement augmenté sa base de dépôts, ce qui accroît notre capacité de prêt, tout comme notre solide base de capital et notre capacité à accéder aux marchés internationaux de la dette. Au quatrième trimestre 2021, nous avons réussi à augmenter nos facilités de partage des risques auprès des institutions financières de développement (DFI’s) de 118 millions de dollars supplémentaires pour clôturer l’année avec 259 millions de dollars. Nous continuons à nous engager avec ces institutions pour augmenter notre soutien au partage des risques et nous aider à élargir l’accès au crédit pour les PME et à développer durablement l’échelle.
En novembre 2020, nous avons lancé le programme « Ellever » pour fournir des financements, des services bancaires, des formations et un soutien aux entreprises féminines. À la fin du mois dernier, c’est-à-dire en août 2022, nous avions intégré 40 400 clients, accordé des prêts pour un montant de 208 millions de dollars et attiré des dépôts pour 337,4 millions de dollars. Ecobank accorde également une grande importance au soutien non financier des PME. L’année dernière, nous avons formé 450 PME dans le cadre de notre programme phare MSME Training for Financing Program dans 8 pays pilotes. Cette année, nous avons étendu le programme à tous nos marchés sur une base régionale.
En tant que banque ayant la plus large empreinte sur le continent africain, il est impératif pour nous de soutenir les initiatives visant à stimuler le commerce intra-africain et la croissance des entreprises. Nous le faisons à travers notre série de webinaires ZLECAF où les PME reçoivent des informations pertinentes sur la façon dont les clients de la banque commerciale peuvent tirer profit du nouveau marché unique africain et comment Ecobank peut les soutenir à travers nos solutions commerciales, numériques et de gestion de trésorerie. Nous aidons nos PME à acquérir une présence en ligne grâce à notre partenariat avec Google. Grâce au profil commercial Google, les clients et les clients potentiels de nos PME sont en mesure de trouver leurs entreprises lorsqu’ils effectuent des recherches en ligne.
Dans le cadre d’Ellevate Equip, notre plateforme de formation et de renforcement des capacité, nous développons une approche genre pour l’égalité des sexes. Ainsi, nous avons organisé, en partenariat avec le Global Business Schools Network, un programme de leadership pour nos meilleurs clients Ellevate entre avril et juillet de cette année. La classe pionnière de diplômés était composée de participants originaires du Cameroun, du Ghana, du Kenya, du Liberia, du Malawi, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone, de l’Ouganda, de la Zambie et du Zimbabwe. Les participants ont énormément bénéficié d’un corps professoral de classe mondiale issu du MIT Global Program, de l’Insead Africa Initiative et de l’Insead Gender Initiative, de l’American University of Cairo School of Business, de Stanford SEED et de l’University of Cape Town Graduate School. Le succès d’Ecobank dans le secteur des PME est par ailleurs démontré par les nombreux prix remportés par la banque.
L’actionnariat de la banque est aujourd’hui très différencié. Des changements sont-ils à prévoir à ce niveau ?
L’actionnariat d’ETI est concentré. Ainsi, 4 grands actionnaires détiennent environ 70% des actions en circulation (Nedbank, QNB Arise,PIC) plus les autres actionnaires. Tout changement d’actionnariat demandera au moins l’agrément de 2 d’entre eux. Je ne suis pas à même de savoir s’ils auraient des raisons de le faire. Ce qui est sûr, c’est que le soutien des principaux actionnaires (Nedbank, QNB, Arise et PIC/GEPF) est très fort. Ecobank bénéficie d’un soutien et d’une confiance importants de la part de ses actionnaires comme l’a démontré en 2021 l’un de nos actionnaires institutionnels, Arise B.V., en investissant dans la totalité de notre émission de 75 millions de dollars US d’obligations perpétuelles non cumulatives Additional Tier 1 (AT1). Le Groupe Ecobank dispose d’une base de capital solide – notre CAR total Bâle II / III a été estimé à 14,8% au 31 mars 2022 contre un minimum de 11.5%.
En gros quelle sera la mission du nouveau CEO après la consolidation réussie par Ade Ayeyemi ?
Notre objectif est de continuer à croitre, reconquérir les marchés, développer notre bilan en nous adaptant aux cycles économiques. Nos axes stratégiques s’articulent autour ces grands blocs :
– Gestion des risques
– Gestion des coûts en tirant profit de la digitalisation
– Asseoir notre leadership dans le digital
– Améliorer l’expérience clients
– Augmenter la base client et la profitabilité de cette clientèle
– Utiliser notre présence géographique et notre technologie pour étendre notre offre de produits, services et solutions à moindre coût
– Consolider les efforts menés sur le Nigéria qui est un marché important pour le Groupe, pour devenir agressif dans un environnement économique qui fait face à de nombreux défis et créer de la valeur pour le Groupe. On a confiance au futur qui s’évaluera par la gestion des prêts non-performants, de la qualité du bilan, des risques, la taille de notre base client, et notre compétitivité dans le digital. En définitive, Jeremy vient pour poursuivre et consolider ces grands blocs qui contribueront à la croissance de notre Groupe ; et le Conseil d’administration est prêt à l’accompagner dans cette mission.