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NJ Ayuk, l’avocat du gaz africain

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Faisant partie des lobbystes les plus connus du secteur de l’énergie, NJ Ayuk en est également l’une des personnalités les plus clivantes. Défenseur assumé de l’usage des énergies fossiles pour le développement africain, alors que les autres continents mènent campagne pour que les énergies renouvelables, il est devenu le justicier des uns et la figure à gênante pour d’autres. Pourtant, rien ne prédestinait cet amoureux d’Afrique qui rêvait de devenir avocat des droits civiques, à un rôle dans le secteur de l’énergie. 

« Le garçon le plus chanceux né au Cameroun »

Dans plusieurs interviews, NJ Ayuk se décrit comme « le garçon le plus chanceux né au Cameroun ». Né à Mamfè au Cameroun en 1980 à l’Etat civil Njock Ayuk Eyong, il commence son enfance au sein d’une fratrie de 6 enfants élevés seulement par leur mère. « Tout ce que j’ai, je le dois à ma mère. Elle est retournée à l’université après avoir eu six enfants et a obtenu un doctorat à l’âge de 65 ans. Elle n’a jamais cessé d’étudier. […] Je crois fermement que l’éducation vous sort de la pauvreté, qu’elle vous sort de toutes les circonstances difficiles et qu’elle vous ouvre l’esprit », raconte NJ Ayuk. 

Il a été profondément marqué par la détermination de sa mère à ne pas devenir une de ces statistiques de femme africaine frappée par la pauvreté et sans perspectives. « Lorsqu’une mère élève seule six enfants avec très peu de revenus, elle comprend qu’elle doit donner le meilleur d’elle-même et ne pas être une statistique », confie le camerounais.

Ajoutée à la détermination de sa mère, l’arrivée d’une mission chrétienne allemande à Mamfè donne une nouvelle trajectoire à la vie du jeune garçon.  En effet, les missionnaires acceptent de retourner en Allemagne avec le jeune garçon qui y fera ses études secondaires et arrive à s’en sortir financièrement en travaillant parallèlement à ses études. « J’avais deux emplois en même temps. Le premier consistait à faire le ménage dans un hôtel, et je travaillais également dans un fast food. J’avais 16 ans en Allemagne à l’époque », confie NJ Ayuk.

En 2000, il part continuer ses études aux Etats-Unis. Il débute une licence en gouvernement et politique à l’université du Maryland. Une fois le diplôme obtenu il décide de poursuivre ses études mais dans le secteur du droit.

Profondément marqué par l’histoire du mouvement des droits civils afro-américains, notamment par des figures comme Thurgood Marshall, le premier juge afro-américain de la Cour suprême, NJ Ayuk rêve de devenir avocat. « Je voulais être un avocat spécialisé dans les droits civiques […] C’est cette voie que je voulais suivre », confie-t-il. Il entre en 2004 à la Mitchell Hamline School of Law dans le Minnesota et y obtient son « Juris Doctor », le diplôme lui permettant de pratiquer en tant qu’avocat des droits civiques, en 2007. Il complète sa formation avec un MBA en finance du New York Institute of Technology. Jusque-là, rien ne semble le lier au secteur de l’énergie, mais la rencontre se fera assez vite.

La rencontre avec le secteur de l’énergie

Grand admirateur de l’ancien secrétaire d’Etat américain James Baker, NJ Ayuk fait ses premiers pas d’avocats au sein de son cabinet Baker Botts aux États-Unis. Mais, comme plusieurs membres de la diaspora africaine de cette époque, il finit par entendre l’appel du continent. « Je devais trouver des moyens d’autonomiser les gens (africains ;NDLR) parce que les luttes politiques avaient été gagnées – le colonialisme a pris fin, l’apartheid a pris fin. Maintenant, nous devions nous battre pour donner aux gens des droits économiques », raconte NJ Ayuk. 

A l’université du Maryland, l’un de ses mentors, le Dr Ron Walters, lui avait appris qu’un avocat est soit un ingénieur social, soit un parasite de la société. « Chacun d’entre nous a pour mission d’utiliser son éducation pour avoir un impact sur les communautés et pour promouvoir la croissance économique et l’autonomisation », confie le Camerounais. Pour lui, le secteur où il pouvait apporter un changement en Afrique était celui de l’énergie. « J’ai accordé beaucoup d’attention au secteur de l’énergie parce que j’avais le sentiment que la plupart des problèmes de l’Afrique provenaient du gaspillage de nos ressources naturelles, du manque d’électricité dans les communautés sans ressources et du manque de formation et d’éducation dans les communautés riches en ressources. Il était encore plus évident que les Africains ne faisaient partie d’aucune structure de négociation. Les Africains n’étaient tout simplement pas à la table des négociations, ni même dans la salle », déplore NJ Ayuk. Pour lui, de nombreux Etats se font « marcher dessus » dans les négociations des contrats du secteur de l’énergie et dans la grande majorité des négociations des industries extractives.

En 2007, quelques mois après avoir débuté en tant qu’avocat aux Etats-Unis, NJ Ayuk crée le Centurion Law Group. Basée en Afrique du Sud, le cabinet propose du conseil et de l’accompagnement aux acteurs africains dans les négociations du secteur de l’énergie et des industries extractives. Le cabinet devient en quelques années l’un des plus grands cabinets d’avocats spécialisés dans l’énergie sur le continent, avec près de 160 avocats dans toute l’Afrique. Il est également le premier cabinet d’avocats africain à être coté à la bourse allemande. « Nous avons fait quelque chose de très innovant en introduisant un cabinet d’avocats en bourse, mais nous voulions nous assurer que tous ceux qui font partie de notre cabinet d’avocats, de notre plateforme, puissent avoir une petite part de ce que nous avions », raconte le camerounais. 

La renommée africaine puis mondiale à la COP 27

Au fil des années, et du travail de Centurion Law Group, NJ Ayuk devient connu dans le secteur de l’énergie et son entreprise s’étend sur le continent. Centurion Law Group accompagne par exemple la Guinée Equatoriale dans son processus d’adhésion à l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP). L’entreprise s’étend au Ghana, au Cameroun et à Maurice.

En 2013, NJ Ayuk intègre les Global Shapers, une fondation à but non lucratif, créée par le World Economic Forum, afin de fédérer une communauté de jeunes leaders.

En 2015, le camerounais est cité par le magazine Forbes parmi les 10 hommes les plus influents d’Afrique. Il doit autant cela au rayonnement de Centurion Law Group qu’à son combat pour changer le narratif sur les énergies et spécialement l’industrie du pétrole en Afrique. « Dans certains pays, le pétrole a été une malédiction. Mais dans d’autres aussi, il a été une bénédiction. Certains pays ont accédé à l’indépendance avec d’énormes problèmes, puis ils ont bénéficié de la richesse pétrolière. Dans certains cas, cette richesse n’a pas été gérée correctement », explique NJ Ayuk.

En 2018, celui que beaucoup considèrent désormais comme l’un des principaux influenceurs africains du secteur de l’énergie est choisi pour diriger la Chambre Africaine de l’Energie. L’organisation a pour but d’accompagner le développement du secteur africain de l’énergie et d’y promouvoir les bonnes pratiques. C’est à sa tête qu’en 2022, NJ Ayuk va devenir l’une des principales figures de la justice énergétique africaine lors de la COP 27. Lors de la conférence qui a pour but de réduire le réchauffement climatique en réduisant la pollution du fait de l’action humaine, NJ Ayuk s’oppose à l’abandon des énergies fossiles par l’Afrique. « Nous n’avons pas à abandonner des ressources pour attendre un messie qui ne vient pas », affirme-t-il rappelant aux nations les plus polluantes qu’elles n’ont jamais tenu leurs promesses de la COP 26 de 100 milliards $ pour aider les pays en développement à lutter contre les changements climatiques. De nombreuses voix s’élèvent pour soutenir NJ Ayuk qui devient l’un des porte-voix d’un mouvement réclamant une justice énergétique pour l’Afrique. Ses leaders déclarent que l’Afrique n’a pas à se priver des énergies fossiles pour se développer sachant qu’elle est encore loin de l’autonomie énergétique et que le fossile a permis aux nations riches de l’atteindre.

De nombreuses voix s’élèvent pour soutenir NJ Ayuk qui devient l’un des porte-voix d’un mouvement réclamant une justice énergétique pour l’Afrique. 

Dans la foulée, NJ Ayuk gagne une renommée mondiale. Certains médias publieront alors des articles l’accusant d’avoir participé à des fraudes pour obtenir des visas à d’autres Camerounais, alors qu’il vivait aux Etats-Unis. Malgré les nombreuses accusations et le fait que son point de vue dérange NJ Ayuk continue de le défendre dans des tribunes et dans ses livres.

Il publie notamment, en 2023, « A Just Transition : Making Energy Poverty History With an Energy Mix». Il y défend l’idée que le gaz naturel est la clé d’une transition énergétique juste sachant qu’il est également utilisé par les nations les plus avancées malgré leur agenda affiché de passer aux énergies moins polluantes.

« Les États-Unis utilisent environ un tiers du gaz naturel produit dans le monde, et la demande ne cesse de croître. Il y a de bonnes raisons à cela, à commencer par le fait que le gaz naturel est le combustible fossile le plus propre. Il émet 50 à 60 % de dioxyde de carbone en moins que le charbon lorsqu’il est brûlé et jusqu’à 30 % de CO2 en moins que le pétrole brut. Si le gaz naturel est une bonne option pour les pays riches comme l’Amérique, pourquoi les pays en développement ne pourraient-ils pas bénéficier des mêmes avantages ? »

Pour celui en qui beaucoup voient l’avocat de la justice énergétique, ce combat vaut la peine d’être mené. « Ma mère, ma grand-mère devaient brûler du charbon de bois pour cuisiner. Ces réalités et ces images vivantes restent gravées dans ma mémoire », assure -t-il.

A la fin de 2023, il quitte la tête du Centurion Law Group, peut-être pour s’impliquer davantage dans des projets liés à la justice énergétique. Quoi qu’il en soit, avec l’importance qu’il a acquise dans le secteur de l’énergie, on voit mal les débats liés aux changements climatiques être menés en Afrique sans NJ Ayuk. 

In Ecofin

Rédaction
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