(BFI) – Depuis le 16 mars 2022, le prix du sac de 50 kg de farine de blé est passé de 19 000 à 24 000 FCFA sur le marché camerounais. Dans le même temps, la baguette de pain de 200 grammes, qui coûtait officiellement 125 FCFA jusqu’ici, a été portée à 150 FCFA par les boulangers, ce qui rejoint le prix que les boulangers pratiquaient déjà de manière frauduleuse depuis plusieurs semaines, après avoir de surcroît fait maigrir la baguette revèle Investir au Cameroun.
À en croire les industriels de la minoterie (producteurs de farine) et les boulangers, cette hausse des prix a été autorisée la veille, le 15 mars 2022, à l’issue d’une rencontre avec le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana. « Je confirme effectivement qu’au sortir d’une concertation le 15 mars 2022, le ministre du Commerce a autorisé une augmentation de 5 000 FCFA sur le sac de farine de blé de 50 kg », confie Alfred Momo Ebongué, le secrétaire général du Groupement des industries meunières du Cameroun (GIMC).
Autorisation de la « haute hiérarchie »
De sources proches du dossier, le quitus donné par le ministre Mbarga Atangana aux meuniers et aux boulangers est lui-même consécutif à une autorisation de « la haute hiérarchie ». En effet, apprend-on, au cours d’une concertation entre le ministre du Commerce et le GIMC et les boulangers le 9 mars 2022, des propositions d’augmentation des prix ont été faites par les deux corporations. « Le ministre nous avait alors dit qu’il transmettrait tout cela à la haute hiérarchie qui en décidera », souffle un boulanger ayant pris part aux différentes concertations.
De plus, apprend-on, la proposition d’augmentation faite par les meuniers portait plutôt sur le prix du sac de farine à 22 000 FCFA, soit une hausse de 3 000 FCFA. Mais, les pouvoirs publics ont finalement consenti une augmentation de 5 000 FCFA. Ceci pour le bonheur des meuniers locaux, qui redoutaient déjà une pénurie de la farine, en raison des difficultés d’approvisionnement en blé depuis la Russie, pays qui fournit aux minoteries camerounaises environ 35% de cette matière première.
Embarras
En effet, depuis le déclenchement du conflit russo-ukrainien fin février, les cours mondiaux du blé sont en hausse (+65% en glissement annuel) et poursuivent d’ailleurs leur tendance haussière. Au sein de la corporation des meuniers, l’on envisage d’ailleurs de nouvelles concertations avec le gouvernement, si les cours du blé continuent de grimper.
Au ministère du Commerce, où l’on freine des quatre fers toute augmentation des prix des produits sur le marché depuis des mois, en dépit d’une conjoncture internationale difficile autour des matières premières et du fret, le quitus donné aux meuniers et boulangers suscite une certaine gêne. Tout en confirmant les informations sur la hausse des prix du pain et de la farine, diverses sources au sein de ce département ministériel se contentent d’esquisser un sourire à la question de savoir pourquoi le ministre n’a pas signé un communiqué officiel consacrant cette hausse autorisée plutôt verbalement.
« Le crédo du ministère est la lutte contre la vie chère. Vous comprenez donc qu’il soit plus aisé de signer des communiqués lorsque le gouvernement obtient une baisse ou une stabilisation des prix au sortir des concertations avec les opérateurs des différentes filières, que lorsqu’on est obligé d’autoriser des augmentations de prix », fait remarquer une source proche du dossier.
Effet de contagion
L’augmentation des prix de la farine et du pain à laquelle le gouvernement vient de consentir est susceptible de créer un effet de contagion dans d’autres filières (métallurgie-sidérurgie, ciment, poissons, etc.), dont les opérateurs n’ont de cesse, depuis plusieurs mois, de demander un réajustement des prix au consommateur. Ceci, en raison de la hausse des prix des matières premières et du fret à l’international, après l’accalmie observée autour de la pandémie du Covid-19. Par exemple, le conflit russo-ukrainien, qui a servi d’argument pour la hausse des prix du pain et de la farine depuis le 16 mars 2022, frappe aussi durement l’industrie métallurgique locale.
En effet, apprend-on de sources internes à la filière, depuis la décision prise par la Chine de réduire certaines de ses exportations pour garantir l’approvisionnement de son marché intérieur après la pandémie du Covid-19, les métallurgistes camerounais dépendent à environ 70% des importations de billettes (déchets de fer fondu sous forme de lingots et servant à la production du fer à béton, NDLR) en provenance de la Russie et de l’Ukraine.
« En l’absence d’un gisement de fer exploité dans le pays, qui permettrait de pallier l’insuffisance de la ferraille locale, les producteurs de fer à béton importent environ 50% de billettes transformées localement de la Russie et de l’Ukraine, pour satisfaire une demande de plus en plus croissante. Depuis le déclenchement des bombardements russes en Ukraine, le cours de cette matière première a augmenté d’environ 10% sur le marché. Ce qui va induire une augmentation des coûts de production des industriels de la transformation. Le pire est à craindre si le fret en provenance de la Russie et d’Ukraine augmente également comme cela se profile à l’horizon, en cas d’intensification du conflit », confiait il y a quelques jours un fin connaisseur de la filière locale.