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Makhtar Diop [IFC] : « Notre stratégie consiste surtout à créer des marchés dans les pays les plus fragiles d’Afrique »

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(BFI) – Directeur général de la Société financière Internationale (IFC) depuis le 1er mars 2021, Makhtar Diop a effectué au Maroc la semaine dernière sa première « visite-pays » officielle sur le continent africain. Dans cet entretien, le patron de la principale institution de développement axée sur le secteur privé dans les pays émergents revient sur son séjour marocain et sa stratégie pour l’Afrique, précise l’engagement d’IFC dans les 80 milliards de dollars annoncés par le G7 pour les entreprises africaines au cours des cinq prochaines années et aborde d’autres sujets cruciaux dont la Zlecaf, le financement des PME ou le secteur informel.

Vous avez accompagné le président Emmanuel Macron au Rwanda et en Ethiopie en mai dernier. Mais votre visite officielle au Maroc la semaine dernière représente la première du genre en Afrique depuis votre nomination à la tête d’IFC. C’est également, faut-il préciser, la première visite du directeur général de cette institution au royaume chérifien depuis 15 ans. Ce déplacement revêt-il une symbolique particulière pour vous ? Pourquoi avoir choisi le Maroc pour cette étape ?

Le Maroc, hub économique et financier régional, est un pays prioritaire pour IFC. Il est au cœur de notre stratégie pour l’Afrique qui vise à promouvoir une croissance durable et inclusive portée par le secteur privé avec une dimension sud-sud. Le nombre de nos employés, ici à Rabat, a plus que doublé en deux ans et nos investissements au Maroc (300 millions de dollars pour l’exercice fiscal 2021) ont quadruplé par rapport à notre moyenne historique. D’autre part, l’intégration régionale est pour le Maroc d’une importance cruciale tout autant que pour notre institution qui accompagne le développement de champions marocains en Afrique (60% de nos investissements au Maroc ont une dimension sud-sud). Nous venons d’ailleurs d’annoncer un financement de 100 millions de dollars US en faveur du Groupe OCP afin de favoriser l’émergence de systèmes alimentaires durables dans la région.

Le Maroc est aussi un pays qui accorde beaucoup d’importance à l’amélioration du climat des affaires et où le secteur privé va être amené à jouer un rôle beaucoup plus important dans le cadre du nouveau modèle de développement que le pays a lancé qui préconise des réformes structurelles et règlementaires visant à promouvoir compétitivité et innovation et développer les marchés de capitaux. Nous avons signé, lors de ma visite, un protocole d’entente avec le gouvernement marocain afin d’aider à créer des opportunités pour le secteur privé à travers un soutien à la réforme des établissements publics, au Fonds Mohammed VI pour l’investissement et aux partenariats publics-privés (PPP). Notons aussi que le Maroc s’est également illustré par sa gestion de la pandémie. Enfin, Marrakech accueillera les Assemblées annuelles du FMI et du Groupe de la Banque mondiale en octobre 2022. Autant de raisons qui font du Maroc une destination de choix.

Le G7 et plusieurs institutions financières dont IFC promettent un financement inédit de 80 milliards de dollars au secteur privé africain au cours des cinq prochaines années, afin de soutenir la reprise économique et la croissance durable. Que représente cet engagement pour l’IFC ? A quelle hauteur IFC y participe-t-elle? Quels sont les secteurs auxquels vous donnerez la priorité ?

Sur les 80 milliards de dollars annoncés au cours de G7, 30 milliards proviendront de l’IFC (sur les 5 prochaines années). Au cours de la dernière décennie, nos investissements annuels en Afrique ont plus que doublé passant de moins de 2 milliards de dollars en 2011 à plus de 5 milliards en 2021 avec l’objectif de 10-12 milliards par an d’ici 2030 (mobilisation y comprise). Dans le contexte de la pandémie, qui a mis en lumière les défis structurels sur les marchés africains, IFC a déployé une réponse rapide pour accroître l’accès à la santé et relancer la machine économique avec un accent particulier sur les petites et moyennes entreprises (PMEs). Dans le secteur de la santé, nous cherchons aussi à faciliter l’essor d’une industrie pharmaceutique en Afrique.

Réduire le déficit énergétique en misant sur le renouvelable à travers des initiatives comme Scaling Solar, combler la fracture numérique, répondre au défi du changement climatique, font également figure de priorités. S’agissant du numérique, le déploiement des câbles sous-marins Equiano et 2Africa— permettra d’accélérer la transformation numérique de l’Afrique, en multipliant par 30 la connexion haut-débit du continent et en intensifiant la concurrence, ce qui réduira les coûts de l’internet. C’est une aubaine pour les entreprises du continent (petites et grandes) et les investisseurs, le continent représentant un marché colossal —à condition que les réformes visant à faciliter l’essor du numérique suivent le rythme. Par ailleurs, la réglementation bancaire devra être adaptée aux nouvelles opportunités qu’offrent les fintechs, sujet dont nous avons discuté lors d’un excellent évènement réunissant l’écosystème de la fintech marocaine organisé à Casablanca Finance City en partenariat avec La Tribune Afrique.

Notre stratégie consiste enfin et surtout à créer et développer des marchés dans les pays les plus fragiles afin d’attirer des investissements. Pour cela nous avons développé toute une ingénierie financière autour du risque qui consiste à « dérisquer » les investissements. Après avoir plus que doublé notre programme dans les pays en situation de fragilité au cours de la dernière décennie, notre ambition est d’y recenser 40% de nos investissements ainsi que dans les pays de l’Association internationale de développement (IDA) d’ici 2030.

Vous annonciez en outre à la mi-mai un financement inédit de 2 milliards de dollars d’IFC au bénéfice des PME africaines. Cette catégorie d’entreprises représente l’écrasante majorité du secteur privé africain. Quel est votre regard sur l’accompagnement dont elles bénéficient et comment favoriser l’accélération de l’accès au financement des PME ? A ce sujet, IFC a-t-elle des attentes vis-à-vis des gouvernements ?

Lors du sommet sur le financement des économies africaines, nous avons en effet annoncé un engagement de 2 milliards de dollars pour soutenir les petites et moyennes entreprises et accroître le commerce international en Afrique. Les PME, épine dorsale des économies africaines, représentent près de 75% du secteur marchand en Afrique mais leur accès aux financements bancaires demeure extrêmement limité. Il nous faut donc combler cette faille de marché et repenser en profondeur notre approche de leur financement.

Ma visite au Maroc a d’ailleurs été l’occasion de signer un partenariat avec Bank Al Maghrib visant à améliorer l’accès au financement des PME marocaines à travers le développement d’une stratégie nationale de financement des chaînes d’approvisionnement (ou Supply Chain Finance en anglais). L’objectif est de promouvoir l’inclusion financière en réduisant notamment les délais de paiement, première cause de faillite des TPME au Maroc. Des solutions comme l’affacturage inversé qui donne accès à des paiements anticipés à des taux avantageux, réduisent les risques de rupture de la chaine d’approvisionnement. Il s’agit donc d’une stratégie « gagnant gagnant » aussi bien pour les entreprises que pour les fournisseurs.

Nous mettons également l’accent sur l’innovation et les startups. Nous avons annoncé à VivaTech, le sommet de la Tech qui vient de se tenir à Paris, que nous serons partenaire officiel des AfricaTech Awards 2022, programme qui vise à récompenser les startups africaines les plus innovantes. Au Maroc, nous aidons les startups à travers notre programme Start Maghreb, qui rassemble des startups, des incubateurs, des accélérateurs, des investisseurs, des institutions publiques et des bailleurs de fonds afin de partager des connaissances, d’identifier les points de blocage et de trouver des solutions pour favoriser le développement de ces jeunes entreprises à travers le Maghreb.

Comme le reste de la planète, les pays africains doivent combattre la pandémie de Covid-19 et gagner le pari de la relance économique. Alors que la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) offre un terreau d’opportunités, son déploiement efficace requiert encore des préalables pour plusieurs pays. Alors que le secteur privé sera le moteur de ce libre-échange continental, quelle est dans ce contexte la vision stratégique d’IFC sur le continent ?

 La pandémie a provoqué des perturbations majeures dans les échanges commerciaux sur le continent, notamment pour des biens essentiels tels que les fournitures médicales et denrées alimentaires. Or l’intégration régionale représente un pilier essentiel de la relance économique tant à l’échelle continentale avec la zone de libre-échange continentale africaine qu’au niveau de la sous-région au sein des principaux blocs économiques régionaux. Selon un rapport de la Banque mondiale, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) permettrait d’accroître de 560 milliards de dollars les exportations africaines, essentiellement dans le secteur manufacturier.

Lors du sommet de Paris, nous avons annoncé 1 milliard de dollars supplémentaires en appui au financement du commerce international pour l’Afrique. Cette initiative pour la reprise du commerce africain soutiendra les flux commerciaux de biens essentiels en fournissant des garanties commerciales, des facilités de partage des risques et un soutien aux PME importatrices et exportatrices. Outre les produits alimentaires et médicaux, l’accent sera mis sur le soutien du commerce dans le secteur des énergies vertes et de l’agriculture favorable au climat.

Bien entendu, la création d’un marché à l’échelle du continent exigera des lois et réglementations permettant aux marchandises, aux capitaux et aux informations de traverser librement les frontières, de créer un environnement commercial compétitif à même de stimuler la productivité et l’investissement, et de promouvoir la compétitivité vis-à-vis de l’extérieur ainsi que les investissements directs étrangers.

L’économie informelle reste un souci majeur dans les pays en développement, représentant en moyenne 38% du PIB en Afrique subsaharienne et 22% au Nord du continent. D’ailleurs, une étude du Groupe de la Banque mondiale publiée en mai dernier alerte quant au frein que pourrait représenter l’informel pour la relance. Comment l’institution que vous dirigez répond-t-elle à cette problématique ?

Le manque d’accès au financement et aux marchés explique la prépondérance du secteur informel en Afrique, Des enquêtes d’IFC auprès de petites entreprises du secteur informel confirment que ces dernières sont beaucoup moins susceptibles d’avoir un compte bancaire et que leurs clients ont tendance à payer en espèces.

En février, IFC a lancé un programme « base de la pyramide » afin d’aider les institutions de microfinance à financer les entreprises du secteur informel. IFC aide également les banques à développer de nouveaux outils de crédit adaptés aux TPME, y compris dans le secteur informel. Nous soutenons aussi le déploiement de réseaux d’argent mobile et d’agents bancaires dans les zones rurales et isolées ciblant des populations non bancarisées.

Enfin, IFC investit également dans la fintech, source d’inclusion financière et des entreprises qui aident les entrepreneurs du secteur informel à se connecter à des marchés et services numériques. C’est par exemple le cas de Twiga Food au Kenya dont les clients sont les petits agriculteurs.

La Tribune Afrique

Rédaction
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Média multi-support édité par l’Agence Rhéma Service, cabinet de communication et de stratégie basé à Douala, Business & Finance International regroupe des partenaires internationaux issus du monde des médias, des affaires et de la politique, mus par la volonté de fournir une information vraie, crédible et exploitable pour un investissement sûr en Afrique.

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