(BFI) – Analyser les changements profonds et multiformes apportés par la loi de Finances et leur impact sur la stratégie fiscale des entreprises. Tel a été l’objectif des deux ateliers organisés par le Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam) respectivement le 31 janvier à Douala et le 4 février à Yaoundé.
Ces ateliers de formation étaient destinés aux dirigeants d’entreprises, membres du Comité de direction, gestionnaires d’entreprises, directeurs financiers, comptables, et contrôleurs de gestion. De 9 heures à 17 heures, ils ont été édifiés sur les contours de ladite loi ainsi que de ses répercussions au niveau du fonctionnement de leurs entreprises.
En effet, le patronat « se félicite de ce que certaines de ses propositions formulées à la Direction générale des Impôts (DGI) ont été reprises dans l’actuelle loi de Finances notamment en ce qui concerne la promotion socio-économique et de l’import substitution, le civisme fiscal, l’amélioration de l’administration de l’impôt et les mesures visant à relever les secteurs d’activités sinistrés ».
Les mesures fiscales nouvelles de la loi de finances 2025
Pour le fiscaliste Alain Symphorien Ndzana Biloa, fiscaliste, certaines nouvelles mesures fiscales contenues dans la présente loi de Finances auront un impact positif sur les entreprises notamment les petites et moyennes entreprises (PME).
C’est le cas notamment des abattements sur les bases imposables à l’importation en soutien au secteur de l’élevage et à la promotion de l’énergie verte. A cela s’ajoute la réduction du taux de l’Ircm sur les dividendes distribués par les PME de 15 à 10%. L’assouplissement des conditions de déductibilité des créances irrécouvrables, ainsi que l’exonération du droit d’accises dont bénéficient les intrants des produits passibles dudit droit acquis auprès des entreprises locales.
« Pour être complet, il faut ajouter les innovations de la loi n°2024/020 du 23 décembre 2024 portant fiscalité locale qui s’inscrivent dans ce registre. On peut citer : la suppression du droit d’occupation temporaire de la voie publique à l’origine des conflits avec les municipalités, de la taxe sur les spectacles, de la taxe de stationnement ; l’institution de l’impôt général synthétique né des cendres de l’impôt libératoire et qui récupère au passage les contribuables qui relevaient du régime simplifié d’imposition, et la création des Centres des impôts locaux et des particuliers », explique l’expert cité plus haut.
Les retombées escomptées pour les entreprises
Pour ne pas exacerber la pression fiscale jugée excessive par les entreprises, le gouvernement camerounais à travers la loi de Finances 2025 a pris un certain nombre de mesures visant à élargir l’assiette fiscale. Comme mesure, on peut citer la taxe sur les transferts d’argent (TTA).
Elle est désormais applicable sur les retraits effectués à partir des plateformes électroniques de jeux de hasard et de divertissement. Le taux de la TTA qui est normalement de 0,2% est porté à 1% pour les transferts et retraits d’argent réalisés via des plates-formes électroniques de jeux de hasard et de divertissement. Le montant de la TTA obtenu après application du taux de 1 % est majoré de 4 Fcfa par transaction, y compris celles effectuées par les établissements de crédit et de microfinance.
L’autre a trait à la réduction du seuil de déductibilité fiscale des bases de l’Impôt sur les sociétés (IS) des commissions sur achats facturées aux entreprises situées au Cameroun par des entreprises étrangères. Elle passe de 5 % à 1 % du montant des achats. Il y a aussi consécration de la non-déductibilité des bases de l’IS des charges justifiées par des factures ne remplissant pas certaines conditions de forme, ainsi que les mesures de promotion de l’énergie verte.
En matière de promotion de l’import-substitution, la principale innovation fiscale de 2025 est la non-déductibilité des rémunérations versées à un étranger (hors Cemac) au titre des services comptables et fiscaux. Les frais d’assistance versés à un étranger pour l’achat des prestations intellectuelles (assistance comptable et fiscale) ne seront plus déductibles. L’objectif ici est la promotion du recours aux compétences locales en matière de fourniture de services intellectuels comptables et fiscaux.
A cette mesure s’ajoute l’exonération de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les farines à base de maïs, son de maïs, patate et manioc produits localement. En outre, sont désormais exonérés des droits d’accises les intrants des produits passibles de ces droits à condition qu’ils soient acquis par les entreprises locales de production soumises aux droits d’accise. L’autre mesure non la moins importante est la rationalisation des facilités douanières à l’importation.
La loi de Finances 2025 exclut des facilités douanières à l’importation pour les biens importés ayant des similaires produits localement, à l’exception notamment des situations de carence de la production nationale attestée par le ministre du Commerce. Il s’agit d’une mesure visant à protéger le tissu industriel local face à la concurrence des produits importés.
Les réserves du Gecam
Malgré les incitations susmentionnées, le Gecam dénonce l’extension des Centimes additionnels communaux (CAC) aux droits d’accises (DA), aux droits d’enregistrement sur la commande publique et à la Taxe spéciale sur le revenu (TSR) à un taux de 5 % du taux des droits ou taxes concernés.
« Cette innovation devrait logiquement aboutir à une augmentation de la charge fiscale des entreprises ce qui la rend inopportune. De manière spécifique, relativement aux CAC sur les Droits d’Accises, si l’argument suivant lequel les produits passibles des DA sont des produits soit nocifs soit dits de luxe, l’extension des CAC aux Droit d’Accises contribue tout simplement à augmenter le taux de la taxe, et en conséquence la pression fiscale », indique-t-il.
Il déplore également que l’objectif principal soit l’accroissement des ressources de l’Etat, loin de la stimulation de l’activité économique, et donc de la croissance tant attendue. Pour les patrons, « la politique budgétaire a pris le pas sur la politique économique, au vu du peu d’incitations pertinente relevées ».