AccueilFinanceBanquesL’exercice de l’activité de finance islamique dans la Cemac à travers la...

L’exercice de l’activité de finance islamique dans la Cemac à travers la fenêtre islamique

-

(BFI) – Au cours de ces deux (2) dernières décennies, la finance islamique est devenue incontournable dans le secteur financier à travers le monde. Initialement pratiquée dans le monde arabo-musulman, elle s’intègre progressivement dans les pays occidentaux (avec la création des institutions financières islamiques telles la Islamic Bank of Britain ou la European Islamic Investment Bank) et ceux du tiers-monde dotés du système bancaire classique.

La finance islamique se définit comme des services financiers et opérations de financement principalement mis en œuvre pour se conformer aux principes de la Charia, la loi islamique. Ayant puisé son origine dans la religion musulmane, elle a connu son essor dans le monde moderne à partir des années 70 grâce à la création de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) regroupant un nombre important de pays musulmans et à son arme financière, à savoir la Banque Islamique de Développement (BID)1.

Il s’agit en réalité d’un système financier basé sur cinq (5) fondements, notamment l’interdiction de l’intérêt, le principe des 3P ou PPP2, l’interdiction de l’incertitude et de la spéculation (Gharar et Maysir), la tangibilité de l’actif et la prohibition des activités illicites3.

Cette « manne financière » apportée par les vents chauds du golfe arabique n’a pas laissé indifférente la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) à l’instar des autres zones économiques d’Afrique. En effet, faut-il le rappeler, conscients de la sensibilité de certains clients de confession musulmane face à l’usure pratiquée dans le système bancaire traditionnel, certains établissements de crédit et de microfinance, s’imprégnant de l’essor de cette activité dans l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), ont commencé à offrir des services et produits de finance islamique à des populations de la CEMAC, et ce, avant que le législateur communautaire établisse un corpus devant encadrer cette activité. C’est donc dire que comme ce fut le cas pour la monnaie électronique, l’activité de finance islamique a également bénéficié d’une réglementation a posteriori dans la sous-région.

En tout état de cause, dans sa quête de conformité aux standards internationaux de cette finance, le législateur CEMAC de 2022 la définit comme : « tous produits, services, transactions et opérations commerciales, financières et d’investissement commercialisés ou réalisés à titre habituel par un établissement assujetti, reposant sur les principes suivants : interdiction de la perception ou du versement d’intérêt, interdiction de l’incertitude et de la spéculation, interdiction d’investir dans des activités illicites, adossement à des actifs tangibles, partage des profits et de pertes »4.

Même si le législateur communautaire a consenti assez d’efforts en 2018 en instituant dans la CEMAC une nouvelle figure d’établissement assujetti à la réglementation bancaire, en l’occurrence l’établissement de paiement5, il ne faut pas cependant perdre de vue que dans le cadre de l’exercice de l’activité de finance islamique, seuls les établissements de crédit et les établissements de microfinance peuvent fournir les services et produits de cette finance particulière.

Ainsi, aux termes des dispositions de l’article 7 du règlement n°04/22/CEMAC/UMAC/COBAC du 09 novembre 2023 relatif aux conditions d’exercice et de contrôle de l’activité de finance islamique dans la CEMAC, il ressort que les établissements de crédit et de microfinance « peuvent exercer une activité de finance islamique à titre exclusif ou à titre partiel ».

L’exercice à titre exclusif de l’activité de finance islamique est subordonné à l’agrément de l’Autorité Monétaire Nationale, en l’occurrence le Ministre des Finances, délivré après avis-conforme de la COBAC. Quoique l’établissement de crédit ou de microfinance l’exerce de façon exclusive, il lui est cependant loisible de fournir les opérations connexes, notamment les opérations de change, la location de compartiments de coffres forts, le conseil et l’assistance en matière financière.

En revanche, si l’établissement assujetti décide d’exercer l’activité de finance islamique à titre non-exclusif ou partiel, il doit le faire à travers une structure dédiée appelée « fenêtre islamique ».

BALNDA TANGAR Wilfried – Juriste

Dès lors, quel est le régime juridique applicable à la finance islamique exercée par le biais de la fenêtre islamique dans la CEMAC ?

L’analyse du règlement précité nous donne les premiers éléments de réponse à cette question. En effet, d’après l’alinéa 1er de l’article 11 dudit règlement, « l’ouverture d’une fenêtre islamique par un établissement de crédit ou un établissement de microfinance agréé est soumis à l’autorisation préalable de la COBAC. L’établissement ne peut exercer l’activité de finance islamique qu’à compter de la date de délivrance de l’autorisation préalable de la COBAC ».

En d’autres termes, l’autorisation préalable du régulateur bancaire est un préalable pour l’ouverture d’une fenêtre islamique pour un établissement déjà agréé pour les opérations de banques et celles connexes. Le schéma peut être le suivant : un établissement X déjà agréé dans le secteur bancaire décide d’étendre le champ de ses activités à la finance islamique. Pour ce faire, il doit nécessairement solliciter l’autorisation préalable de la COBAC. En revanche, si un établissement Y nouvellement créé veut exercer exclusivement l’activité de finance islamique, il doit obtenir plutôt l’agrément du Ministre des finances.

Quoi qu’il en soit, le soin est revenu au gendarme bancaire de définir les règles relatives aux conditions et modalités d’exercice de cette activité par le biais de la finance islamique ainsi que la procédure d’octroi de l’autorisation préalable y afférente.

Au titre des conditions et modalités d’exercice de la finance islamique, le régulateur bancaire s’est beaucoup appesanti sur l’aspect financier et personnel.

S’agissant des conditions d’ordre financier et technique, une lecture de l’article 3 du Règlement COBAC R-2022/02 du 18 novembre 2022 fixant les conditions et modalités d’exercice de l’activité islamique par les établissements assujettis à travers la fenêtre islamique révèle qu’en sus du capital minimum exigé pour l’établissement assujetti agrée dans le cadre des activités bancaires classiques, lorsque ce dernier étend son champ d’activité à la finance islamique, il doit affecter à cette dernière une dotation en capital dont le montant minimum est fixé par instruction du Président de la COBAC.

Par ailleurs, une obligation de séparation des fonds reçus dans le cadre de la finance islamique exclusivement dédiés à celle-ci et ceux afférents à l’activité bancaire classique s’impose à l’établissement assujetti.

De même, ce dernier est tenu de tenir une comptabilité spécifique à la finance islamique selon un plan de compte et les schémas comptables spécifiques dans les conditions fixées par Instruction de la COBAC.

In fine, il est également fait obligation à l’établissement assujetti de respecter les normes prudentielles et de développer les applicatifs informatiques spécifiques à ce secteur.

S’agissant de l’aspect personnel, plus précisément les ressources humaines, le législateur COBAC a apporté des innovations importantes. Ainsi, la fenêtre islamique est placée sous la direction d’un responsable désigné par le Conseil d’Administration sur proposition du Directeur Général de l’établissement assujetti. En sus des exigences académiques et professionnelles, la désignation d’un Responsable de fenêtre islamique postérieure à l’autorisation préalable est subordonnée à l’accord préalable du Secrétaire Général de la COBAC6.

Aussi, faut-il relever qu’en plus de la fonction conformité déjà existante dans les établissements bancaires, il est à créer dans le cadre de la finance islamique une fonction conformité des opérations de finance islamique exclusivement. Il en est de même des tâches de gestion de l’activité commerciale de cette finance, notamment le conseil à la clientèle et la gestion des dossiers de financement. En revanche, d’autres tâches au sein de la fenêtre islamique peuvent faire l’objet de mutualisation avec les ressources humaines dédiées à la réalisation des tâches similaires dans le cadre de l’activité bancaire traditionnelle, et ce, sous la condition sine qua non que l’établissement ait bénéficié de l’accord préalable du SG de la COBAC7.

Enfin, concernant la procédure d’octroi de l’autorisation préalable pour l’ouverture de la fenêtre islamique, il faut noter qu’elle est encadrée par le règlement COBAC R-2022/04 relatif aux demandes d’agrément et d’autorisation préalable pour l’exercice de l’activité de finance islamique dans la CEMAC. Ainsi, d’après l’article 3 dudit règlement, la demande d’autorisation préalable auprès de la COBAC doit être accompagné d’un certain nombre de documents et informations dont une note détaillée sur les prévisions relatives à l’activité de finance islamique, le détail des moyens techniques, financiers et humains allouées à cette activité et un descriptif des produits et services à proposer par la fenêtre islamique.

Par BALNDA TANGAR Wilfried – Juriste, Agent de Conformité/ Orabank Tchad, Titulaire d’un Master en Contentieux et Arbitrage des Affaires/ Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC).

Rédaction
Rédaction
Média multi-support édité par l’Agence Rhéma Service, cabinet de communication et de stratégie basé à Douala, Business & Finance International regroupe des partenaires internationaux issus du monde des médias, des affaires et de la politique, mus par la volonté de fournir une information vraie, crédible et exploitable pour un investissement sûr en Afrique.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici