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LES NOUVEAUTES FISCALES EN 2022 AU CAMEROUN

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(BFI) – Fidèle à son traditionnel regard de critique et sa contribution singulière sur la loi des Finances du Cameroun, Dr Albert léonard DIKOUME, Docteur en Droit de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chargé de cours associé des Universités, consultant international et Expert consultant auprès de l’African Petroleum Institute (API/APPO), relève, pour la loi de Finance 2022, 30 nouveautés fiscales qu’il partage avec l’audience de Business Finance International.

1.- Suivant les prescriptions du Président de la République contenues dans la lettre circulaire n° 0001/CAB/PRC du 30 août 2021 relative à la préparation du Budget de l’Etat pour l’exercice 2022 et des dernières évolutions de la conjoncture économique mondiale et nationale, l’optimisation du système fiscal camerounais devra se poursuivre, à travers le renforcement de la mobilisation des recettes internes non pétrolières. Les leviers d’actions devront prioritairement porter sur la mise en service des grands projets infrastructurels, la poursuite de la mise en oeuvre du plan de soutien à la production des biens de grande consommation et l’amélioration du climat des affaires.

2.- Au plan de la fiscalité interne, les mesures nouvelles pour l’exercice 2022 devraient, outre la recherche de l’optimisation des recettes internes non pétrolières, promouvoir un environnement fiscal favorable au développement des affaires, grâce à des mesures ambitieuses de simplification des procédures et d’allègement du cout de la discipline fiscale, au travers de – la poursuite de l’allégement des charges fiscales des entreprises directement affectées par la crise sanitaire, à travers la consécration d’un taux d’amortissement accéléré ; – la clarification du régime du précompte applicable a certains produits de grande consommation (boissons, minoterie, ciment, etc.) ; – l’allégement du cout de la discipline fiscale, en particulier pour · les petits contribuables, par l’aménagement d’avantages fiscaux en faveur de ceux-ci ; – la simplification du régime de taxation des mutations a titre gracieux, notamment les successions et les donations – la réduction du nombre de paiements en matière d’impôts et taxes locaux ; – l’allégement des modalités d’imposition des Petites et Moyennes Entreprises (PME) ; – la promotion de la mise en conformité fiscale des contribuables par la mise en place d’un programme de régularisation volontaire.

3.- En matière de fiscalité de porte, le soutien économique porte sur : – la mise en oeuvre des mesures douanières de renforcement de la compétitivité économique des entreprises nationales, d’industrialisation et de promotion du commerce licite ; – la poursuite de la politique de d’import-substitution, à travers le relèvement de la taxation de certains biens pour lesquels le Cameroun est engagé dans un processus de production domestique, a l’exception des produits de grande consommation ; l’intensification de la lutte contre la fraude commerciale ; – le renforcement du dispositif douanier de surveillance aux frontières et dans le rayon des douanes pour une meilleure protection de l’espace économique national ; – la facilitation des échanges, à travers la réduction des couts et délais de passage des marchandises aux frontières ; – la dynamisation de la démarche partenariale, à travers la multiplication des cadres d’échanges et de concertation avec la chaîne logistique et la communauté des affaires.

4.- Dans cette perspective, le budget de l’Etat pour l’exercice 2022 a été arrêté à la somme de 5 752 400 000 FCFA en recettes et en dépenses, en hausse de 5,0 % par rapport à l’exercice 2021, soit environ 2,5 points de plus que l’inflation. L’exploit réalisé en 2017, consistant à rendre public le Projet de Loi de Finances avant que les Parlementaires ne se retrouvent en session, même sans son exposé des motifs, n’a toujours pas été égalé. L’on demeure ainsi en marge des dispositions de l’article 57 de la loi n° 2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques. De même, le débat public déjà engagé à ce sujet depuis le projet de loi de finances pour l’exercice 2018, et encouragé par l’article 48 (2) de la loi n° 2018/011 du 11 juillet 2018 portant code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun, a progressé mais n’a pas véritablement été efficace.

5.- Pour couvrir les ressources prévues d’égal montant dont 3 608 500 000 000 FCFA de recettes propres au budget initial, relevés à 3 730 000 000 FCFA suite à l’ordonnance du 29 mai 2019 (en hausse de 10,08 % par rapport à l’exercice 2018), la Loi de Finances pour l’exercice 2019 apporte d’importants aménagements à la législation fiscale en vigueur, dont certains ne cadrent pas toujours avec les objectifs fixés. Nous commentons ci-après ces aménagements, ainsi que leurs effets possibles, qui touchent autant la fiscalité de porte (I) que la fiscalité interne (II). 

I – LES AMENAGEMENTS TOUCHANT LA FISCALITE DE PORTE

6.- L’ensemble des directives du Président de la République contenues dans la Circulaire n° 001/CAB/PRC du 30 août 2021 relative à la préparation du budget de l’Etat pour l’exercice 2022 n’ont pas pu être mises en œuvre. En tenant compte de la hausse inédite du fret maritime avec ses répercussions sur le coût des biens de consommation, de la poursuite du démantèlement tarifaire dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de Partenariat Économique (APE) avec l’Union Européenne et de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf), les aménagements de la fiscalité de porte visent trois principaux objectifs : – La poursuite de la mise en œuvre de la politique d’import-substitution, en vue du renforcement de l’offre nationale en produits de grande consommation, d’équilibre de la balance des paiements et de relance soutenue de l’activité économique (A) ; – L’amélioration du climat social et de l’environnement des affaires (B) ; – Le soutien à la dynamique de la décentralisation territoriale (C). Mais il existe aussi des mesures sans lien direct avec les objectifs fixés (D).

A – LA PROMOTION DE LA POLITIQUE D’IMPORT-SUBSTITUTION

7.- Soutien aux secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la santé humaine et animale ainsi qu’aux activités de transformation locale du bois (article cinquième).- En vue de favoriser l’importation des équipements, matériels et autres facteurs de production de nature à booster la production nationale dans les secteurs précités, la Loi de Finances leur accorde, à partir du 01er janvier 2022, l’exonération totale des droits et taxes de douane. L’exonération est néanmoins encadrée et limitée dans le temps pour certains secteurs. C’est ainsi qu’au niveau de la santé, elle est limité à 24 mois et vise le relèvement du plateau technique dans les formations sanitaires. Au niveau du bois, l’exonération concerne l’importation d’équipements, matériels et outils, non disponibles localement, utilisés dans le cadre de la « transformation plus poussée » du bois. Les listes des biens visés seront ainsi fixées par voie réglementaire. Il convient de relever que l’expression « transformation plus poussée » n’est définie ni dans la présente Loi de Finances, ni dans les textes régissant l’activité forestière. Elle correspond simplement au sous-titre du forum organisé à Brazzaville (République du Congo) en octobre 2013. Dans le secteur du bois, on parle couramment de la première, deuxième et troisième transformation. La Loi de Finances aurait dû viser précisément l’une de ces étapes. Telle que formulé, cet aménagement de la Loi ouvre la voie à tous types de transactions. Ceci sera d’autant plus marqué que dans l’ensemble, le soutien aux secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la santé humaine et animale ainsi qu’aux activités de transformation locale du bois est supposé engendrer une perte de recettes douanières de 3,8 milliards de FCFA pour l’exercice 2022 seul.

8.- Droit d’accises à l’importation de certaines marchandises (article sixième).- Afin de réduire leur importation ainsi que les sorties de devises, certains biens sont dorénavant soumis au droit d’accises ad valorem à l’importation soit au taux normal de 25 % (thé, café, fruits comestibles, poivre, piment, pommes de terre, miel) soit au taux réduit de 12,5 % (beurre de cacao, viandes et abats). Le gain de recettes douanières estimé pour cette mesure est de 1,8 milliards de FCFA

9.- Taxation à l’exportation (article neuvième).- Afin de réduire leur exportation, les dispositions de l’article cinquième alinéa 1 de la Loi de Finances pour l’exercice 2020 relatives à la taxation à l’exportation ont été modifiées et complétées. Ainsi, le poivre et le miel sont exonérés du droit de sortie à l’exportation, qu’ils soient manufacturés ou non. Dans l’ancienne formulation, ils ne pouvaient bénéficier de cette exonération que s’ils avaient subi une ouvraison substantielle ou avaient été transformés au sens de produit fini.

D’un autre côté, le taux du droit de sortie applicable aux bois exportés en grumes passe de 35 % à 50 % de la valeur FOB des essences. Dans sa note à l’Assemblée Nationale, le gouvernement a affirmé à tort qu’en plus d’encourager la transformation locale du bois, cette mesure concoure à limiter la déforestation. Pour parvenir à cette limitation de la déforestation, le gouvernement aurait dû procéder plutôt par un relèvement de la taxe d’abattage. Or cette taxe a été revue à la baisse à travers la Loi de Finances pour l’exercice 2021, de 4 % à 3 %, pour les entreprises forestières justifiant d’une certification en matière de gestion durable des forêts dûment délivrée par les instances compétentes. Nous y avons fait d’importants développements dans nos Analyses et Commentaires du projet de Loi de Finances pour l’exercice 2021.

B – AMELIORATION DU CLIMAT SOCIAL ET DE L’ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES

10.- Préalables à la couverture santé universelle.- Dans l’optique du confort social des populations, le gouvernement a entrepris, tel que nous l’avons vu plus haut au point 7 une exonération totale des droits et taxes de douane, à l’importation des logiciels à usage médical, et pour une période de deux ans, à l’importation des équipements et des matériels médicaux nécessaires au relèvement du plateau technique national, au service de l’amélioration de l’offre nationale en soins de santé. Suivant les déclarations du gouvernement à l’Assemblée Nationale, tout cela vient en prélude au lancement de la Couverture Santé Universelle, ainsi qu’à la limitation des évacuations sanitaires à l’étranger.

11.- Clarification du principe de cautionnement des opérations douanières (article dixième).- La caution bancaire constitue la garantie normale en couverture des opérations douanières et des activités liées auxdites opérations. Mais à compter du 01er janvier 2022, la caution bancaire pourra être remplacée par une caution morale, sous la forme confraternelle ou diplomatique, dans les conditions fixées par la réglementation en vigueur. Ces conditions, qui sont toujours attendues, auraient pû faire partie intégrante de la Loi, comme cela a été le cas avec la redéfinition de la valeur imposable de certains véhicules importés (infra, n° 15)

12.- Mise en œuvre du Code et du Tarif des Douanes révisés de la CEMAC (articles onzième et douzième).- La version révisée du Code des Douanes de la CEMAC, adoptée par le Règlement N° 05/19-UEAC-010ùA-CM-33 du 08 avril 2019 entre en vigueur dès le 01er janvier 2022 sans rétroaction. Il mettrait un accent particulier sur le renforcement des droits des contribuables. Par ailleurs, le Système Harmonisé de désignation et de codification des marchandises entre en application à la même date et emportent une révision du Tarif des Douanes.

13.- Abattement de 80 % sur le montant du fret maritime des marchandises importées.- Cette mesure ne relève pas directement de la Loi de Finances pour l’exercice 2022, mais influence fortement cette dernière. Elle fait suite à la hausse exponentielle de près de 400 % qu’a connu le fret maritime international, qu’on a appelé la « crise des conteneurs » et qui impacte violemment les coûts de divers produits de grande consommation. Ainsi, depuis la décision n° 00844/MINFI/DGD du 16 novembre 2021 fixant le taux du fret à prendre en compte pour la détermination de la valeur en douane des marchandises importées par voie maritime, le montant du fret à intégrer dans la valeur en douane des marchandises importées par voie maritime est affecté d’un abattement de 80 % de la somme totale effectivement payée ou à payer pour l’acheminement desdites marchandises. Cette mesure, qui court jusqu’au 28 février 2022, est renouvelable et le sera sans doute. Pour certains, cette mesure est taxée d’inefficace sans argument. Mais nous pensons que les pouvoirs publics y sacrifient les recettes exceptionnelles qu’ils auraient perçues en termes de droits de douanes et que ce sont les importateurs qui en profitent. Il reste à s’assurer que ce gain, aussi infime soit il comme le prétendent certains, sera répercuté au consommateur final. Par ailleurs, cet abattement constitue une dépense fiscale dont l’évaluation doit être faite au moins par l’Administration des Douanes ; en fiscalité interne, les bénéficiaires seraient soumis à l’obligation de la déclarer. A titre d’illustration, si le coût de fret à prendre en compte était de 100 avant la crise, il passe à 500 après la hausse exponentielle de 400 %. Lorsque vous appliqué un abattement de 80 % sur 500, vous obtenez 400, qu’il faut soustraire de 500 et vous vous retrouvez à 100, votre point de départ. Les droits de douanes sont liquidés sur 100 et non sur 500 comme cela devait être le cas. Donc cette mesure annihile bien les effets de la hausse exponentielle du fret maritime international sur le calcul des droits de douane. Aller au-delà aurait consisté à octroyer une subvention directe aux importateurs, ce qui est contraire à l’option d’encouragement du « Made in Cameroon ».

CLE SOUTIEN A LA DYNAMIQUE DE LA DECENTRALISATION TERRITORIALE

14.- Relèvement du droit d’accises spécial au bénéfice des CTD (article septième).- Dans son point 3 de l’article cinquième, la Loi de Finances pour l’exercice 2019 a institué un droit d’accises spécial destiné au financement de l’enlèvement et du traitement des ordures au bénéfice des Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD), au taux de 0,5 % de la valeur en douane des marchandises imposables. A compter du 01er janvier 2022, ce taux est porté à 1 % de la même base. Suivant les estimations de la Direction Générale des Douanes, les recettes issues de ce droit d’accises spécial pourraient passer de 12,5 milliards de FCFA à 25 milliards de FCFA. Le problème reste de savoir quand et comment ces recettes parviennent aux CTD.

DLES MESURES SANS LIEN DIRECT AVEC LES OBJECTIFS FIXES

15.- Redéfinition de la valeur imposable de certains véhicules importés (article huitième).- Le mode de détermination de la valeur en douane de certains véhicule importés, mis en place par la Loi de finances pour l’exercice 2011 est revu avec la Loi de Finances pour l’exercice 2022. Avant la nouvelle Loi, le gouvernement encourageait l’importation des véhicules neufs et ceux de moins de sept (07) ans d’âge, en leur accordant un abattement de 30 % sur la valeur imposable. Cette disposition est rapportée depuis le 01er janvier 2022. Par ailleurs, le référentiel d’évaluation des véhicules en cours d’usage, autrefois limité à l’Argus de l’automobile et au Kelley Blue Book, est désormais étendu aux sites marchands usuels, aux lieux de commercialisation et le cas échéant, au marché d’exportation. Plusieurs cas de figure sont prévus par la Loi, pour cette évaluation : divergence des valeurs en fonction des référentiels pour un même véhicule, véhicules de tourisme de plus de 18 ans d’âge, véhicules utilitaires de plus de 13 ans d’âge, véhicule à l’état découpé, véhicule à l’état démonté… L’exposé des motifs de cette nouvelle Loi n’apporte pas d’explications précises pour ces changements, qui semblent aller à l’encontre des mesures de protection de l’environnement.

II – LES AMENAGEMENTS TOUCHANT LA FISCALITE INTERNE

16.- Les nouvelles dispositions fiscales en 2022 s’articulent autour des thématiques découlant de la circulaire, à savoir : la recherche de l’optimisation des recettes internes non pétrolières, la promotion d’un environnement fiscal favorable au développement des affaires, grâce à des mesures ambitieuses de simplification des procédures et d’allègement du cout de la discipline fiscale en particulier pour les petits contribuables. Nous pouvons alors dire que ces nouvelles mesures visent l’élargissement de l’assiette et la sécurisation des recettes (A), l’amélioration du climat des affaires et la simplification des procédures (B). Mais il existe aussi des dispositions créant de nouveaux prélèvements ou relevant le taux de certaines impositions existantes (C) et d’autres qui soit ne rentrent dans aucun de ces thèmes, soit en combinent plusieurs (D).

A – L’ELARGISSEMENT DE L’ASSIETTE ET LA SECURISATION DES RECETTES

17.- Retour dans le champ de l’IS de certains contribuables jusque-là exclus dudit champ (article 4 du CGI).- A compter du 1er janvier 2022, ne seront plus exonérés de l’impôt sur les sociétés comme cela a été le cas par le passé :

*Les bénéfices réalisés par les associations sans but lucratif organisant, avec le concours des communes ou des organismes publics locaux, des foires, expositions, réunions sportives et autres manifestations publiques correspondant à l’objet défini par leurs statuts et présentant un intérêt économique et social certain.

*Les collectivités territoriales décentralisées ainsi que leurs régies de services publics.

*Les sociétés ou organismes reconnus d’utilité publique chargés du développement rural.

*Les offices publics d’habitation à bon marché.

*Les clubs et cercles privés pour leurs activités à but non lucratif.

*La Caisse Nationale de Prévoyance Sociale pour la partie des bénéfices provenant des cotisations sur salaires.

*Les établissements publics administratifs hospitaliers.

Aucune explication de ce revirement n’est donnée dans l’exposé des motifs de la Loi de Finances. De plus, aucune valorisation de cette nouvelle mesure n’est faite dans le tableau de l’impact budgétaire des mesures nouvelles de la DGI. Soit il s’agit de la traduction d’une navigation à vue (ce qui nous semble peu probable), soit il s’agit « d’un coup fourré » pour exhiber plus tard des réalisations supérieures à l’objectif (ce qui est plus vraisemblable).

18.- Réaménagement du régime fiscal des organismes à but non lucratif (Articles 93 ter, 93 nonies bis, 93 decies, 120, 149 (4) et 546 du CGI).- Un organisme ou une association à but non lucratif est un regroupement d’au moins deux personnes, qui décident de mettre en commun des moyens, afin d’exécuter une activité ayant un but premier autre que leur enrichissement personnel. De ce fait, ces organismes ou associations ne sauraient distribuer des bénéfices à leurs associés ou membres. La loi regroupe dorénavant dans cette catégorie « toute entité dotée de la personnalité juridique ou non, publique, privée ou confessionnelle, y compris les fondations, qui n’a pas pour but la recherche de bénéfices aux fins de distribution entre ses membres et dont l’activité n’est pas en concurrence avec celles réalisées par les entités à but lucratif ». Dans l’énumération qui en est faite, nous retrouvons l’ensemble des contribuables ramenés dans le champ de l’IS à travers la modification de l’article 4 du CGI ci-dessus (supra, n° 17). Dans le dispositif en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, celui qui relève d’un cadre hors activités lucrative ne paie pas d’impôts. Mais dès qu’il se lance dans les activités lucratives en se cachant derrière son objet à but non lucratif, il paie les impôts comme tout le monde. L’Administration fiscale pense cependant que les organismes concernés avaient du mal à être pris en charge concrètement par les services fiscaux, qui eux-mêmes avaient des difficultés à administrer ces organismes. Elle estime ainsi que le régime des organismes à but non lucratif vient combler un vide. L’on peut reconnaitre que ce régime ne vise pas particulièrement un organisme ou une association, comme certains ont eu à le faire croire en ce qui concerne les tontines. En effet, tous les organismes étaient déjà légalement assujettis à des obligations fiscales, notamment lorsqu’ils posent des actes de commerce. C’est le cas des tontines qui, bien qu’étant des associations de fait, réaliseraient par exemple des opérations de restauration, de location ou toute autre activité commerciale ; elles sont alors soumises à l’impôt sur cette activité et doivent notamment collecter et reverser les impôts correspondants à l’instar de l’impôt sur le revenu et la TVA sur lesdites activités. Aucun impôt nouveau n’est créé par la loi de finances pour l’exercice 2022 à l’endroit des organismes à but non lucratif. Bien plus, ces impôts et taxes ont même été fortement diminués, autant que certaines procédures ont été allégées pour cette catégorie. Ainsi : – le taux de l’impôt sur les sociétés pour la part de leurs activités commerciales est réduit de moitié, soit de 30% à 15% ; – le taux de l’acompte de l’impôt sur les sociétés pour la part de leurs activités commerciales passe de 2% à 1% ; – le remboursement de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) à leur profit n’est plus conditionné par le visa préalable du Directeur Général des Impôts sur chaque opération réalisée, il est dorénavant soumis à la validation par le centre des impôts de rattachement ; – les dons qui sont faits au profit de certains de ces organismes (associations d’utilité publique, organismes confessionnels agréés,…) sont soumis à l’enregistrement gratis, et non plus au taux proportionnel. Cette diminution des impôts peut néanmoins amener à se poser certaines questions sur l’objectif recherché par là. En effet, un organisme à but non lucratif qui se met à poser des actes de commerce dans un secteur d’activités donné rentre en concurrence avec les acteurs traditionnels de ce secteur d’activités, mais bénéficie d’un traitement fiscal de faveur. S’agit-il d’encourager la concurrence déloyale, la création d’organismes à but non lucratif plutôt que des entreprises classiques ? Lors de la récente Coupe d’Afrique des Nations qui s’est jouée au Cameroun, on a vu des organismes à but non lucratif faire concurrence à des hôtels quatre étoiles pour l’hébergement des équipes nationales. Comment pourrait-on expliquer que ces organismes bénéficient d’un traitement fiscal de faveur par rapport aux hôtels qui sont dans leurs activités normales ? Certains points méritent d’être revus dans ce nouveau dispositif, pour lequel aucune valorisation n’est faite dans le tableau de l’impact budgétaire des mesures nouvelles de la DGI.

19.- Extension du précompte sur achat aux achats effectués par les particuliers et suppression du taux de 15 % (Article 21 (3) du CGI).- Suivant la formulation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, « …les achats effectués par des commerçants auprès des industriels, agriculteurs, importateurs, grossistes, demi-grossistes, exploitants forestiers donnaient lieu à perception d’un précompte… ». Ce paragraphe est ainsi reformulé avec la Loi de Finances pour l’exercice 2021 « … les achats effectués auprès des industriels, importateurs et exploitants forestiers donnent lieu à perception d’un précompte… ». Il n’est donc plus besoin d’être commerçant pour être soumis au précompte lors des achats auprès des industriels, importateurs et exploitants forestiers. Par contre, suivant cette même reformulation, les achats auprès des grossistes et demi-grossistes ne donnent plus lieu à perception du précompte. Une véritable explication n’a pas été donnée pour ce changement, autant que celui consistant en la suppression du taux du précompte de 15 % du montant des opérations, pour les contribuables ne relevant pas du fichier d’un centre des impôts et effectuant des opérations d’importation. Ce taux était porté à 20 % lorsque ce contribuable procédait à des ventes sous douane. En réalité, cette disposition était devenue redondante dans la mesure où la Loi de Finances pour l’exercice 2018 a consacré l’exigence d’inscription au fichier des contribuables actifs comme préalable pour procéder aux opérations douanières, la seule détention d’un NIU n’étant plus suffisante. Cette suppression devait intervenir depuis 2018.

20.- Régularisation du droit de timbre spécifique de 25 000 FCFA sur les demandes de remise gracieuse (Article L 143 du CGI).- Jusqu’au 31 décembre 2021, les demandes tendant à obtenir soit une remise, soit une modération d’impôts n’étaient pas soumises au droit de timbre. Pourtant, l’article 470 bis du même CGI les assujettissait formellement à un droit de timbre spécifique. L’article 557 bis du CGI fixe ce droit de timbre spécifique à 25 000 FCFA. La Loi de Finances pour l’exercice 2022 vient simplement harmoniser les articles 470, 557 et L 143 du CGI en soumettant les demandes de remise gracieuse au droit de timbre fiscal spécifique de 25 000 FCFA. Aucune valorisation de cette nouvelle mesure n’est faite dans le tableau de l’impact budgétaire des mesures nouvelles de la DGI.

B – L’AMELIORATION DU CLIMAT DES AFFAIRES ET LA SIMPLIFICATION DES PROCEDURES

21.- Mise en œuvre extensive du Règlement COBAC N° 2018/01 du 16 janvier 2018 (Article 7C du CGI).- Le règlement COBAC n° R-2018/01 du 16 janvier 2018 relatif à la classification, à la comptabilisation et au provisionnement des créances des établissements de crédit, prévoit que les créances douteuses qui ont fait l’objet d’un provisionnement sur une période de 5 ans, sont d’office admises en cote irrécouvrable. Cette mesure devait s’appliquer depuis lors aux établissements de crédit opérant au Cameroun, mais cela n’était pas le cas jusque-là. La déductibilité de ces charges était conditionnée à la justification par l’établissement de crédit de l’épuisement de l’ensemble des voies et moyens de recouvrement amiable ou forcé prévus par l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’exécution. La Loi de Finances pour l’exercice 2022 met un terme à cette pratique non justifiée et étend ce bénéfice à l’ensemble des contribuables, sans doute pour se racheter par rapport au retard pris dans sa mise en œuvre. Mais Officiellement cette extension est considérée comme une mesure d’accompagnement post-covid-19. Aucune valorisation de cette nouvelle mesure n’est faite dans le tableau de l’impact budgétaire des mesures nouvelles de la DGI.

22.- Mise en conformité du transfert des créances fiscales avec l’Acte Uniforme OHADA sur les sociétés (Articles 149 (5) et L 94 quinquies du CGI).- Les créances fiscales et notamment les crédits de TVA relèvent normalement du patrimoine qu’une entreprise peut apporter / reprendre dans le cadre d’une restructuration d’entreprises. C’est le principe de la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à celle absorbante, posé par l’acte uniforme OHADA sur le droit des sociétés dans le cadre de la fusion absorption. La transmission universelle du patrimoine n’engage pas l’échange des titres, car elle implique un seul associé. Dans sa rédaction antérieure, le CGI ne prévoit pas spécifiquement ce principe. A compter du 01er janvier 2022, les créances et les dettes fiscales seront transférable de l’entité dissoute à l’entité absorbante. La société absorbante pourra ainsi bénéficier du transfert des crédits de TVA de la société absorbée et partant, les déduire dans ses déclarations de TVA et, même en demander le remboursement conformément aux dispositions du CGI.

23.- Précisions sur certaines réformes liées à la dématérialisation des procédures (Articles L 1, L 2 ter et L 8 quater du CGI) .- En droite ligne des réformes de dématérialisation de la procédure d’immatriculation, l’exigence d’une certification préalable des attestations de localisation avait déjà été levée par voie administrative. Avec la Loi de finances pour l’exercice 2022, cette levée d’exigence est transposée au plan légal. D’autre part, l’inscription au fichier des contribuables nouvellement immatriculés est dorénavant conditionnée par la souscription de la première déclaration. Enfin, toutes les principales opérations réalisées au sein de l’Administration se faisant désormais par voie électronique, les pièces de procédures notifiées par voie électronique sont réputées avoir été reçues 48 heures après l’émission de l’accusé de réception par le système informatique de l’Administration fiscale. Les délais de procédure sont décomptés à partir de cette date.

C – CREATION DE NOUVEAUX PRELEVEMENTS ET RELEVEMENT DU TAUX DE CERTAINES IMPOSITIONS EXISTANTES

24.- Relèvement du taux de l’impôt sur le revenu foncier (Article 89 du CGI).- Depuis le 01er janvier 2022, l’impôt sur le revenu foncier est liquidé au taux libératoire de 10%, majoré de 10 % au titre des centimes additionnels communaux. Il était jusque-là liquidé au taux de 5 % sans précision sur les Centimes Additionnels Communaux. Comme par le passé, il est acquitté sur déclaration du propriétaire, bénéficiaire des loyers au plus tard le 15 du mois qui suit la fin de chaque trimestre. Il convient de préciser que ce taux de 5 % et ces modalités de paiement de l’impôt sont entrés en vigueur avec la Loi n° 2002/014 du 30 décembre 2002 portant Loi de Finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2003 et consacrant l’IRPP, contrairement à ce qui est dit dans l’exposé des motifs. Il y est en effet mentionné que l’obligation déclarative était jusque-là mensuelle. C’est lors de son institution, avec la Loi de Finances pour l’exercice 1990/1991, que la déclaration était mensuelle, avec une retenue de 20 % sur les loyers perçus. Ces dispositions sont demeurés applicables jusqu’en 2002. Le tableau de l’impact budgétaire des mesures nouvelles de la DGI montre que ce changement pourrait apporter 3,5 milliards de FCFA de plus pour les Finances Publiques.

25.- Institution d’une Taxe sur les transferts d’argent (Articles 228 bis, 228 ter, 228 quater, 228 quinquies et 228 sexies du CGI).- En 2019, nombre d’abonnés de la téléphonie mobile était déjà supérieur à 21 millions, tous opérateurs confondus. En 2021, le montant des flux financiers qui transite par la téléphonie mobile est estimé à plus de 11 000 milliards de FCFA par an, qui échappent aux contrôles classiques et à l’imposition idoine. Si les transferts d’argent par la téléphonie mobile simplifient l’activité pour certains « petits opérateurs », il convient de relever qu’ils constituent pour beaucoup un moyen de se soustraire à la rigueur documentaire en vigueur dans les banques, notamment depuis la mise en œuvre du Règlement N° 0I/CEMACEMAC/CM du ll avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale. On peut en effet vérifier que les volumes de transfert les plus élevés ne se situent pas dans les zones reculées et faiblement bancarisées comme certains essaient de le faire croire. On les retrouve plutôt dans les zones urbaines suffisamment bancarisées. Les pouvoirs publics se devaient de capter une part de cette activité financière quasi informelle. Cela a été fait à travers l’instauration d’une taxe spécifique applicable à toutes les opérations de transferts d’argent réalisées par les entreprises par voie électronique, téléphonie mobile, télégraphique ou par voie de télex ou télécopie, à l’exception des virements bancaires et des transferts pour règlement des impôts, droits et taxes. La taxe est liquidée au taux de 0,2 % du montant transféré ou retiré. Elle a fait couler beaucoup d’encre et de salive, avant de donner lieu à une communication assez claire de la Direction Générale des Impôts. Le tableau de l’impact budgétaire des mesures nouvelles de la DGI montre que cette nouvelle taxe pourrait apporter 20 milliards de FCFA de plus pour les Finances Publiques.

D – LES AUTRES MESURES

26.- Instauration de taux d’amortissements réglementaires à côté de taux d’amortisse-ments légaux (Article 7D du CGI).- L’amortissement des éléments d’actifs permet de déterminer la perte de la valeur d’une immobilisation subie du fait de l’usage et du temps. En principe, la période d’amortissement des immobilisations correspond à la durée normale de leur utilisation. Au plan fiscal, cette durée ainsi que les taux applicables sont arrêtés à l’article 7-D du CGI. L’administration fiscale reconnait que cette liste n’a pas connu de mise à jour régulière et la dernière remonterait à 2007. Ainsi, les immobilisations de certains secteurs d’activité qui se sont développées postérieurement à 2007 sont amortissables à des taux ne correspondant pas aux conditions d’utilisation spécifiques de celles-ci. Cette liste devrait donc simplement être mise à jour à travers les Lois de Finances successives, à l’issue des concertations avec les secteurs d’activités concernés. Au lieu de cela, l’administration préfère laisser la possibilité de fixer des taux d’amortissement par voie réglementaire, ce qui pourrait ouvrir la voie à des transactions de toute sorte. Il convient de rappeler que les taux d’amortissement spécifiques existaient déjà dans le secteur pétrolier amont. Ces taux étaient fixés dans les Conventions d’Etablissement et plus tard dans les Contrats pétroliers. Mais qu’il s’agisse de Convention d’Etablissement ou de Contrat pétrolier, leur caractéristique commune est qu’ils sont tous entériné par une Loi. Autrement dit, les taux d’amortissement qui y sont contenus relèvent de la Loi. L’amortissement, bien qu’il ne puisse pas être considéré comme un facteur fiscal proprement dit, peut avoir une incidence importante sur le montant de l’impôt. Par exemple, un régime qui autorise un amortissement très rapide peut conduire à des exercices déficitaires les premières années d’exploitation, quand la production est encore faible, ce qui réduit d’autant l’impôt. Au contraire un régime plus sévère conduit à des rentrées fiscales dès le début de l’exploitation et plus régulièrement étalées dans le temps. L’impôt qui est du domaine de la Loi pourrait ainsi être modulé par une mesure réglementaire. Aucune valorisation de cette nouvelle mesure n’est faite dans le tableau de l’impact budgétaire des mesures nouvelles de la DGI.

27.- Institution de l’obligation de tenue de comptabilités séparées pour les entreprises réalisant des activités distinctes (Article 104 quater du CGI).- A compter du 01er janvier 2022, toute entreprise qui, en plus de son activité principale, réalise à titre accessoire, une autre activité susceptible de faire l’objet d’une exploitation indépendante à l’instar du transport par une entreprise industrielle de ses produits en vue de leur distribution, est astreinte à la tenue de comptabilités séparées ressortant le résultat de chacune des activités. Dans la pratique, plusieurs entreprises se trouvant dans cette situation, notamment en matière de transport, sous-traitent l’activité transport. Très peu d’entre elles, à l’instar de Dangote Cement, gèrent directement cette activité. Le cas échéant, ces entreprises faisaient clairement ressortir les produits et les charges conséquentes, sans forcément aller jusqu’à la détermination du résultat de cette activité accessoire. Ceci est conforme au droit des sociétés commerciales. Pour déterminer des résultats distincts pour chaque activité à soumettre à l’impôt, il faudrait créer des personnes morales différentes. La loi ajoute que pour l’activité accessoire, l’entreprise est tenue de payer, le cas échéant, les impôts spécifiques à cette activité. A ce niveau, il n’y a pas de souci, et la précision est nécessaire. Cependant, la loi termine en ces termes ; « Les bénéfices indirectement transférés d’un segment d’activité à l’autre par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente sont réintégrés aux résultats de l’activité principale ». Du moment où il n’y a qu’une personne morale, cet ajout nous semble superfétatoire. Dans son exposé des motifs, l’Administration fiscale affirme que « Dans le but d’optimiser leurs marges bénéficiaires, certaines entreprises industrielles exercent des activités auxiliaires (à l’instar du transport) en marge de leur activité principale. Dans de telles circonstances, les prix facturés au titre de l’activité accessoire peuvent obéir à des considérations autres que celles du marché. Cette pratique peut être source de déperdition des recettes fiscales… Afin d’enrayer cette forme d’optimisation fiscale, le présent projet renforce les instruments de suivi fiscal des entreprises réalisant des activités distinctes, en instituant une obligation de tenue de comptabilités séparées ressortant le résultat de chacune des activités ». Il nous semble qu’il y a une confusion entre la pratique de ces activités accessoires et la pratique courante des prix de transfert à l’intérieur des groupes de sociétés.

28.- Mise en conformité partielle avec le Code Pétrolier et réaménagement de la Taxe Spéciale sur le Revenu applicable aux contracteurs pétroliers (Articles 225 (2), 225 (3), 225 ter du CGI).- La loi n° 79/01 du 29 juin 1979 portant loi de finances de la République Unie du Cameroun pour l’exercice 1979/1980 et ses modificatifs subséquents avait institué la taxe spéciale sur les revenus, étendue aux opérations pétrolières. Dans son article 99 (4), le Code Pétrolier de 1999 exonère le Titulaire du Contrat Pétrolier et ses sous-traitants de cette TSR, pour la conduite des Opérations Pétrolières de Recherche et de développement. Cette exonération porte sur l’assistance, la location d’équipement, du matériel et sur toutes prestations de services rendues à un Titulaire par ses sous-­traitants au titre des Opérations Pétrolières, à condition que ces derniers : – ne disposent pas d’un établissement stable au Cameroun ; – fournissent à prix coûtant, pour le compte des Titulaires, des prestations de services ou des biens au titre des Opérations Pétrolières. L’article 99 (5) du même Code précise que pour toute Autorisation d’Exploitation, les Titulaires perdent l’exonération sus – visée à compter de la fin de la phase de développement. Ces dispositions sont intégralement reprises par le Code Pétrolier de 2019, dans ses articles 110 (2) et 110 (3). Le CGI reprenait, jusqu’en 2021, certaines de ces dispositions, de manière parcellaire et incomplete, dans son article 225 tirêts 8 et 10 (Il convient de souligner qu’il est courant en matière pétrolière, que des exonérations figurant dans les conventions pétrolières ou dans les codes pétroliers ne figurent dans les CGI). L’exigence de la « fourniture à prix coûtant, pour le compte des Titulaires, des prestations de services ou des biens… », qui fait partie des deux conditionnalités pour bénéficier de cette exonération montre que la pratique des prix de transfert n’est plus à démontrer dans ce secteur. Dans cet ordre, les articles 18 et 19 du CGI encadrent l’établissement de l’impôt sur les sociétés dû dans le cadre des transactions de toute nature réalisées avec des entités juridiques établies ou constituées hors du Cameroun, et qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées au Cameroun. La production des documents relatifs à la politique des prix de transfert y a évolué avec les Lois de Finances pour les exercices 2011, 2012 et 2018 (voir nos contributions intitulées Les nouveautés fiscales en 2012 et Les nouveautés fiscales en 2018). Cette dernière Loi a consacré la transmission automatique de la documentation spécifique en même temps que la Déclaration Statistique et Fiscale (DSF). Il est donc devenu difficile, pour les « contracteurs pétroliers », de remplir les conditions permettant de bénéficier de l’exonération de la TSR. La Loi de Finances pour l’exercice 2022 reprend intégralement les dispositions déjà existantes dans les codes pétroliers. Cependant, elle introduit en même temps des entorses à ces dispositions. Ainsi, les titulaires de contrats pétroliers et leurs sous-traitants en phase de recherche et de développement ne remplissant pas les conditions énumérées ci-dessus peuvent opter pour le taux réduit de la Taxe Spéciale sur le Revenu de 3 % prévu à l’article 225 ter nouveau du Code Général des Impôts. Cet article, dans sa réécriture, supprime le taux super réduit de 2 % et ramène le taux réduit de 5 % à 3 %, à la faveur des contacteurs pétroliers. Ce réaménagement correspond en réalité à une légalisation de la pratique des prix de transfert pour les contracteurs pétroliers. Aucune valorisation de cette nouvelle mesure n’est faite dans le tableau de l’impact budgétaire des mesures nouvelles de la DGI. Mais il va de soi que c’est un désavantage énorme pour les Finances Publiques, dont les pertes de recettes conséquentes devront être recherchées auprès d’autres contribuables, généralement ceux relevant du droit commun. Même si certaines autres opérations pourraient bénéficier de ce nouveau taux à l’instar des adjudicataires des commandes publiques domiciliés hors du Cameroun et les commissions versées aux entreprises de transfert de fonds situées à l’étranger, cette mesure mérite une relecture.

29.- Arimage de la législation fiscale nationale au Règlement CEMAC en matière d’assistance des contribuables (Articles L 13, L 120 et L 126 du CGI).- Dans la rédaction actuelle des articles L 13 et L 120 du CGI, les contribuables ont la faculté de se faire assister par un conseil fiscal de leur choix dans le cadre des procédures en matière fiscales. Cette disposition est contraire aux articles 1 et 2 du Règlement CEMAC n° 08/19-UEAC-010A-CM-33 du 08 avril 2019 portant révision du statut des conseils fiscaux qui en l’espèce reconnait la compétence exclusive des Conseils Fiscaux agréés CEMAC. Ainsi à compter du 01er janvier 2022, il est précisé que le contribuable a la possibilité de se faire assister par un conseil fiscal agréé CEMAC et inscrit au tableau de l’ordre ou un Centre de Gestion Agréé de son choix. L’extension de cette prérogative d’assistance aux CGA, est justifiée par le fait que ces derniers ont été mis en place par les autorités en vue d’apporter une assistance aux petits et moyens contribuables, dans l’accomplissement de leurs obligations fiscales. Toutefois, l’exclusivité de l’assistance par les Conseils Fiscaux agréés CEMAC et inscrit au tableau de l’ordre se limite aux seules procédures devant l’administration. Pour tenir compte des textes particuliers régissant les procédures juridictionnelles, notamment la loi de 1990 portant organisation de la profession d’avocat au Cameroun et les lois de 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs et de la Cour Suprême, l’article L 126 du CGI a été réaménagé pour permettre une assistance plurielle des contribuables. Ainsi, depuis le 01er janvier 2022, dans le cadre de la procédure devant la juridiction administrative, le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. Le remue-ménage observé tant auprès des avocats que des Conseils Fiscaux laisse croire que le texte nouveau n’a pas été lu entièrement.

30.- Suspension des mesures relatives à la restructuration de la SONARA.- La loi de Finances pour l’exercice 2016 avait accordé en son article septième, dans le cadre de la restructuration de la SONARA, un abattement de 50 % sur le chiffre d’affaires servant de base de calcul de l’acompte et du minimum de perception au titre de l’impôt sur les sociétés, et sur la base de la Taxe Spéciale sur le Revenu (TSR) grevant l’acquisition des matériels et équipements dans le cadre de ses travaux d’extension et de modernisation. Le bénéfice de ces mesures était limité à trois (03) ans à partir du 1er janvier 2016. Cette mesure avait été reconduite, suite à la demande de la SONARA, par la Loi de Finances pour l’exercice 2019, en son article trente-et-unième, pour une nouvelle durée de trois (03) ans s’achevant le 31 décembre 2021. Elle n’est pas mentionnée dans la Loi de Finances pour l’exercice 2022. La conséquence de cette absence est qu’à partir du 01er janvier 2022, la SONARA devra payer l’acompte d’impôt sur les sociétés entièrement, sans abattement. De même si la reconstruction des unités détruites suite au sinistre du 31 mai 2019 démarrait enfin courant 2022, la TSR se liquiderait également sans aucun abattement sur son assiette. Tout cela concourt simplement à alourdir davantage la dette fiscale de la SONARA.

PAR Albert Léonard DIKOUME                                                                          

Docteur en Droit de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Ancien Directeur Financier des sociétés SONARA – ENERCA (RCA)

Ancien Représentant du SYNDUSTRICAM

Consultant International

Chargé de cours associé des Universités

Expert Consultant auprès de l’African Petroleum Institute (API/APPO)

Membre de l’Institut International des Sciences Fiscales (2ISF)

Membre du Conseil Scientifique de La Revue européenne et internationale de Droit Fiscal

Conseil Fiscal Agréé CEMAC N° CF 243 – ONCFC N° 152

Rédaction
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Média multi-support édité par l’Agence Rhéma Service, cabinet de communication et de stratégie basé à Douala, Business & Finance International regroupe des partenaires internationaux issus du monde des médias, des affaires et de la politique, mus par la volonté de fournir une information vraie, crédible et exploitable pour un investissement sûr en Afrique.

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