(BFI) – France-Afrique, Chine-Afrique, Royaume-Uni/Afrique, Ticad (Japon-Afrique), Inde-Afrique, Turquie-Afrique… Mais la question que d’aucuns se posent est : ces « vis-à-vis », déplaçant régulièrement des dizaines de dirigeants africains, avec un partenaire « unique », profitent-ils au continent?
Les sommets impliquant l’Afrique sont une compétition ouverte entre puissances économiques, établies ou émergentes, depuis la décennie 1990-2000. De nombreuses rencontres multilatérales qui ont pour enjeu la pénétration d’un marché de près de 1,2 milliard de consommateurs mais également une portée géostratégique, militaire et politique, certaine. L’on veut cependant, à Washington, Paris, Tokyo, Pékin ou Londres, présenter ces fora comme la nouvelle forme de l’Aide publique au développement (APD).
Du point de vue de ces puissances lancées à la (re)conquête d’un continent africain vu comme l’avenir du monde, cette forme d’aide, est plus structurée et mieux « pertinente » que ce que ces pays allouent aux organismes internationaux dont les mécanismes accusent une certaine lenteur due à une « bureaucratie multilatérale » soumise aux mêmes enjeux géostratégiques ravivés aujourd’hui par les forums Afrique.
L’appréciation de ces forums est cependant mitigée. Si un certain nombre de soupçons pèse sur la Chine, on parle de recolonisation du continent africain par ceux qui ont bâti leurs fortunes, il y a deux siècles, sur le saccage de ses richesses. De là à parler d’un nouveau partage de l’Afrique, il n’y a qu’un pas. Il s’agirait, ni plus ni moins, que de la reprise du processus de compétition territoriale entre les puissances européennes en Afrique, partie du mouvement général de colonisation de la fin du XIXe siècle (principalement entre 1880 et la Première guerre mondiale). Les deux principaux pays européens concernés étaient la France et le Royaume-Uni. L’Allemagne, l’Italie, le Portugal, la Belgique et l’Espagne y ont aussi participé, mais de façon moins importante et souvent plus tardive.
C’est aux Africains de manœuvrer intelligemment pour que l’Histoire ne se répète pas ! User de son union – cette force qu’elle n’appréhende encore pas – pour comprendre qu’en tant que groupe, quand ils entretiennent une relation partenariale ou économique avec un Etat, il faut voir d’abord ce que celui-ci peut leur apporter. L’Afrique a des ressources, elle a des potentialités, c’est un jeune continent, qui attire bon nombre d’investisseurs japonais, chinois, turcs, etc. ce qui peut expliquer la vitalité économique africaine.
Ce qui doit intéresser l’Afrique ce sont davantage les technologies, notamment les nouvelles technologies, qui font défaut dans plusieurs pays, plutôt que cette aide en dollar ou en euro qui ne dispense pas de l’aide. A ce sujet, l’exemple chinois est éloquent.
L’International Institute for sustainable development (ISSD) note que la Chine a continué d’investir massivement en Afrique pendant la pandémie. Toutefois, certains pays d’Afrique commencent à suspendre ou à examiner de plus près leurs contrats avec des entreprises chinoises.
La Chine a créé 25 zones de coopération économique et commerciale dans 16 pays d’Afrique, et a continué d’investir dans tout le continent pendant la pandémie de Covid-19. Enregistrées auprès du ministère chinois du Commerce, les zones avaient attiré quelque 623 entreprises, représentant un investissement total de 735 milliards de dollars à la fin 2020, d’après le Rapport annuel sur les relations économiques et commerciales entre la Chine et l’Afrique (2021).
Tout le monde ne veut peut-être pas courtiser l’Afrique mais bel et bien c’est un continent désiré pour ce qu’il renferme comme ressources naturelles indispensables pour le développement des grandes économies du monde : 30% des réserves mondiales minières, 54% des réserves de platine, 78% des réserves de diamant, 40% des réserves mondiales de chrome, 28% des réserves mondiales de manganèse et le continent est le premier producteur mondiale de bauxite. La seule RDC produit plus de 60% du cobalt dans le monde, ce métal « précieux » pour la production des téléphones portables et des voitures électriques !
Nul inconfort de voir s’organiser ces sommets France / Afrique, Chine/ Afrique, Japon/ Afrique, USA/ Afrique, Inde/ Afrique Russie/ Afrique ! Mais l’Afrique doit pouvoir transformer l’essai en faisant de ces forums une réelle alternative à « l’esclavage économique » qu’est aujourd’hui l’APD. Les rencontres doivent formaliser des partenariats gagnant-gagnant et cesser d’être des conclaves périodiques où les chefs d’Etat échangent des poignées de main et se donner rendez-vous au prochain…sommet !
Placide Onguéné