(BFI) – Une partie des employés du troisième opérateur de téléphonie mobile du Cameroun observe depuis ce 11 juin 2020 une cessation d’activités après plusieurs échecs de conciliation avec Haman Oumar, le Directeur général de Viettel Cameroun S.A.
«Nous sommes dans le regret de vous annoncer que les multiples tentatives pour faire respecter les revendications des salariés contenues dans le mémo déposé le 12 mai 2020 ont été vaines par votre fait. En concertation avec l’ensemble des travailleurs syndiqués et notre hiérarchie syndicale, nous avons pris la décision de déposer auprès de vous, Directeur général adjoint de Viettel Cameroun S.A, le présent avis de grève illimitée et pacifique». Le bureau du Syndicat national autonome des travailleurs des nouvelles technologies et l’information et de la communication (Syntic) adressait ainsi ce 10 juin 2020, à Haman Oumar, le Directeur général de Viettel Cameroun, leur intention de cesser toute activité pour l’opérateur de téléphonie mobile. Ce 11 juin en effet, les membres de ce syndicat ont mis leur menace à exécution. Munis de pancartes, ils campent, masques faciaux portés, devant la Direction générale de Viettel Cameroun à Akwa-Douala.
Dans l’avis de grève du bureau syndical du Syntic les réclamations sont plus explicites. «En date du 23 mars 2020, vous avez décidé de façon unilatérale de réduire de 50% les salaires des employés déjà insignifiants, ceci au mépris des dispositions de Convention collective nationale des télécommunications et des métiers connexes» peut-on lire. La correspondance signée par Benjamin Lavoisier Bote Bakel, Rabelais Feutseu, Nadia Soun Mbock, Priso Dikongue, Armelle Monique Lemi, Paul Wilfried Mbang et Aude Djine indique également qu’en date du 12 mai 2020, «le mémo, ressortant certains abus de la non-application du Code du travail et de la convention collective a été déposé à votre attention, et demandant de vous que vous instauriez le dialogue social entre vous et nous. Au lieu de ça vous avez muté sans l’avoir consulté le coordonnateur syndical dans une zone dangereuse sans lui donner les moyens d’accompagnement tels que recommandé par le code de travail et la convention collective et vous avez licencié abusivement 7 de nos camarades, ceci pour fragiliser la dynamique mise en place».
Exigences
Au rang des exigences des grévistes, il y’a la réintégration des employés licenciés abusivement depuis la mise sur pied du syndicat, le reclassement des employés selon leur ancienneté, le paiement systématique des frais de déplacement en cas de mutation, l’élection des délégués du personnel, et la réinstauration des congés annuels payés. A cela s’ajoute le respect des normes sécuritaires pour les employés des zones à haut risques (Noso et Extrême Nord), remplacement du Directeur général, du Directeur des ressources humaines et du Secrétaire général, reprise des visites systématiques annuelles d’entreprises, et l’allocation des ressources financières et matérielles pour l’atteinte des objectifs fixés entre autres.
Le BIT s’en mêle
Acculé par plusieurs correspondances, la procédure de conciliation et la pression du Syntic, Haman Oumar avait vite fait de réagir le 27 mai 2020 «Mesdames et messieurs les employés de Viettel Cameroun SA (Nexttel), l’occasion m’est donnée de m’exprimer à travers cette lettre pour vous informer de ce qui se trame dans notre entreprise depuis un certain temps, et émanant d’une poignée d’employés se réclamant d’un certain syndicat. Je voudrais à cette occasion, vous rappeler que Viettel Cameroun est une entreprise privée de droit camerounais qui a certes ses obligations et ses droits envers les employés, mais ceci dans le respect et la dignité. Pour ceux qui sont dans l’entreprise depuis sa création, ils savent pertinemment ce que le top management a fait pour qu’elle soit plus fournie en ressources humaines, comparativement aux deux autres entreprises concurrentes, plus anciennes et plus riches que nous parce qu’elles se sont installées quinze années avant notre existence. Et que vous n’êtes pas sans ignorer que depuis lors, notre entreprise cherche à imprimer sa marque en dépit d’une concurrence déloyale savamment entretenue par les opérateurs présents sur le marché. Quand vous aurez des problèmes, la seule chose que le syndicat peut faire pour vous, s’il a des moyens, c’est de vous chercher un avocat, et entre temps, vous auriez perdu l’emploi, et ce, avec toutes les conséquences sociales qui peuvent en découler », écrivait le Directeur général.
La sortie d’Haman Oumar a précédé celle de Karen Curtis sur cet épineux dossier. La responsable du Service de la liberté syndicale à l’Organisation internationale du travail (Oit) annonce dans une lettre datée du 10 juin 2020 que le Bureau International du travail(Bit) a saisi le gouvernement camerounais sur les revendications du Syntic. « Le BIT est intervenu auprès du gouvernement». Elle ajoute que le Syntic sera informé sur « toute observation que le gouvernement transmettra sur cette affaire ». Sur le terrain, les grévistes campent sur leur position malgré une présence discrète des éléments des forces de l’ordre.
Nexttel Cameroun est la filiale camerounaise du vietnamien Viettel S.A. 3ème opérateur de téléphonie mobile au Cameroun et premier opérateur à déployer la technologie 3G dans le pays, l’entreprise lance ses activités en 2014.