(BFI) – Selon le rapport Compact Energy Pays du ministère de l’Eau et de l’Énergie (Minee), Eneo Cameroun, concessionnaire de la distribution d’électricité, affichait fin 2024 un endettement global de 800 milliards FCFA, dont 500 milliards de dettes envers ses fournisseurs et 80 milliards de créances souligne le média Investir au Cameroun. En 2022, cette dette atteignait déjà 700 milliards FCFA, dont 336 milliards dus aux fournisseurs, soit 48 % du total. Parmi ces créanciers figurent plusieurs entreprises publiques : Sonatrel, EDC, Sonara, SNH-Tradex et le régulateur Arsel.
Filiale du fonds d’investissement britannique Actis (51 % du capital), Eneo a renoué avec les bénéfices en 2022, enregistrant un résultat net de 10 milliards FCFA après une perte de 35,5 milliards en 2021, puis 8,4 milliards en 2023. Mais cette amélioration comptable masque une détérioration de sa trésorerie : selon son rapport 2023, le solde global est passé de +3,62 milliards en 2022 à -1,58 milliard FCFA fin 2023.
Le Minee considère désormais Eneo comme un risque budgétaire pour l’État. L’entreprise, jugée incapable de couvrir ses dépenses d’exploitation, représente « un facteur pouvant entraîner un écart entre les prévisions et la réalisation effective des recettes ou dépenses de l’État ». Le 8 juin 2023, Lionel Omgba Oyono, alors directeur de l’électricité, alertait sur « un risque élevé de cessation de paiement du concessionnaire » lors d’une rencontre avec la Banque mondiale.
Le Minee identifie plusieurs faiblesses : un manque de mobilisation de financements pour moderniser les infrastructures, un déficit chronique d’investissements dans le transport et la distribution, et une gouvernance jugée défaillante. Entre 2014 et 2022, Eneo a investi 320 milliards FCFA, dont 40 % (128 milliards) dans le réseau de distribution, un niveau jugé insuffisant par l’entreprise elle-même. La société n’a pas réussi à obtenir un prêt de 210 milliards FCFA sollicité auprès de la Société financière internationale (SFI), en raison de « la santé financière et de la qualité de la gouvernance ».
L’entreprise dépend largement de prêts de court terme auprès de banques locales et souffre d’un réseau vétuste. En 2023, les pertes techniques et commerciales ont chacune atteint 14 %, tandis que le taux de recouvrement reste faible, plombé par la fraude et les impayés des entités publiques.
Un plan gouvernemental pour la restructuration d’Eneo
Face à cette situation, le gouvernement prépare un plan de redressement complet à l’horizon 2026. Il comprend le rachat des parts d’Actis dans Eneo en 2025, un diagnostic assorti d’un plan de restructuration d’ici février 2026, et la réorganisation de la dette sur la même période. Un mécanisme de recouvrement renforcé des factures publiques doit également entrer en vigueur d’ici 2026 pour alléger la pression financière sur l’électricien.
Depuis 2023, un réajustement progressif des tarifs a été engagé pour les clients moyenne tension (3 à 10 MW), avec une hausse annuelle de 10 % jusqu’en 2026, afin d’aligner les prix sur le coût réel du service. Cette mesure a permis à Eneo d’accroître son chiffre d’affaires d’environ 18 milliards FCFA entre 2023 et 2024, soit près de 30 millions de dollars US.
La tâche reste considérable. Selon le Minee, la viabilité du système électrique passe par une refonte de la distribution, une discipline financière accrue et une modernisation des infrastructures. Le gouvernement vise un retour à l’équilibre d’ici 2028, avec trois objectifs principaux : atteindre un recouvrement intégral des factures à partir de 2026, améliorer le rendement de distribution à 88 % d’ici 2030, et élaborer un modèle financier global du secteur avant fin 2025.