(BFI) – Si le Cameroun négocie son retour dans l’AGOA, il apparaît que son déficit commercial tient à des lacunes structurelles : manque de raffinerie, dépendance aux engrais importés, une pêche insuffisante face aux besoins.
En marge de sa visite à Washigton où il conduit la délégation camerounaise aux Assemblées de printemps du FMI et de la Banque mondiale, le ministre de l’Économie, Alamine Ousmane Mey, a fait une confidence. Le Cameroun a repris les négociations avec les États-Unis afin de réintégrer le programme African Growth and Opportunity Act, l’AGOA.
Selon le ministre, cette réintégration aurait pour principal avantage d’améliorer le taux de couverture de la dette par les exportations ; donc de sortir le Cameroun d’une position de « surendettement à haut risque ».
L’AGOA permet aux pays bénéficiaires d’exporter aux États-Unis sans droits de douane ; ce dans de nombreux secteurs qui vont de l’agriculture au pétrole en passant par des biens artisanaux.
Fin 2019, les États-Unis de Donald Trump avaient exclu le Cameroun de la liste des bénéficiaires de l’Agoa, en raison de « violations flagrantes et persistantes des droits l’homme », liées aux conflits dans les régions anglophones du pays. Le Cameroun avait eu beau protester, l’Administration américaine n’était pas revenue sur sa décision. Les raisons invoquées par les États-Unis procédaient « soit d’une ignorance ou d’une méconnaissance de la situation réelle, telle qu’elle a prévalu et prévaut encore dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ; soit d’une volonté délibérée d’ignorer cette réalité », avait alors déploré le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi. Désormais, « nous travaillons de manière transparente et ouverte afin de résoudre tous les problèmes soulevés », a révélé le ministre Ousane Mey.
Pourtant, fait observer le magazine Investir au Cameroun, la sanction américaine n’a pas eu d’impact significatif sur l’économie du pays. Selon l’ambassade des États-Unis, 63 millions de dollars, sur 220 millions $ d’importations venant du Cameroun, en 2018, l’avaient été sous le régime de l’AGOA. Et 90% de cette somme provenait du pétrole brut. Au total, 28,3% des exportations camerounaises vers les États-Unis étaient placées sous le régime de l’AGOA. Et les exportations de pétrole brut ont augmenté de 65% au cours des neuf premiers mois de 2022.
Le poids des engrais importés
L’affaire est donc essentiellement politique – acter la fin des sanctions – et comptable. Cela étant, il est vrai que le solde commercial du Cameroun n’est guère reluisant.
Certes, entre janvier et septembre 2022, le Cameroun a vu son déficit commercial se réduire de 442 milliards de F.CFA (39 %) par rapport à la même période en 2021, pour atteindre à 701 milliards de F.CFA. Cette amélioration résulte d’une hausse moins prononcée des dépenses d’importation (+13%) par rapport aux recettes d’exportation (+49 %). Cela étant, cette réduction du déficit s’explique uniquement par l’exportation des produits pétroliers. Le gaz naturel liquéfié (+138%) et le pétrole brut (+65%) ont tiré vers le haut les recettes d’exportations.
À l’inverse, le Cameroun doit importer ses carburants et lubrifiants. Depuis l’incendie de la Sonara, l’unique raffinerie de pétrole du pays, le Cameroun importe la totalité de sa consommation de produits pétroliers. L’année a été marquée par une hausse des prix des produits raffinés et une augmentation des coûts du fret maritime.
La hausse des importations s’explique également par le poids des engrais, dont les prix ont fortement augmenté début 2022 avant de s’assagir. Les dépenses d’importations d’engrais du Cameroun ont augmenté de 43 % au cours des neuf premiers mois de 2022. Les engrais représentent 17% des importations du Cameroun depuis la Russie. Qui est le premier fournisseur de ces intrants, avec 43% de parts de marché contre 11% pour la Chine, calcule l’Institut national de la statistique.
Voilà maintenant dix ans que le pays attend la concrétisation d’un projet de construction d’engrais chimique, prévu dans la région du Sud-Ouest. Cet investissement, de 1 250 milliards de F.CFA (1,9 milliard d’euros) est porté par l’allemand Ferrostaal. Ce projet bute encore sur le prix du gaz naturel devant permettre d’alimenter l’usine, pourrait permettre de combler la demande locale, grâce à une production annuelle projetée à 600 000 tonnes d’ammoniac et 700 000 tonnes d’urée, rapporte Investir au Cameroun.
Qui s’étonne enfin qu’un pays doté de 400 km de côtes réputées poissonneuses importe autant de poissons congelés ; en valeur, elles ont augmenté de 42,5% en neuf mois…