AccueilFinanceConjonctureLe Cameroun paie le prix de sa politique de subvention aux carburants

Le Cameroun paie le prix de sa politique de subvention aux carburants

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(BFI) – Depuis le 1er février 2023, le litre de super est passé de 630 FCFA à 730 FCFA, tandis que celui du gazole a bondi de 575 FCFA à 720 FCFA, au Cameroun. Après des années d’atermoiements, le gouvernement, qui a décidé de ces mesures conformément aux directives du Fonds monétaire international, afin de sauver le programme économique et financier en cours depuis 2021, fait face à de vives critiques pour ses choix, de la part des experts.

Victoire des syndicats qui exigeaient une augmentation du coût des transports, à la suite de la hausse du prix du carburant effective depuis le 1er février ? Sans doute. Succès du gouvernement dans la conduite des négociations avec les leaders syndicaux sur ce dossier ? Incontestablement. Le prix de la course en taxi va connaître une revalorisation de 50 FCFA, passant de 250 FCFA à 300 FCFA dans la journée, et de 300 FCFA à 350 FCFA pour l’offre nocturne. Plus : le « gré à gré » entre transporteurs et usagers demeure en principe en vigueur dans la négociation du prix des prestations.

Le scénario était prévisible à plus d’un égard. La politique de subventions du gouvernement pour bloquer les prix du carburant à la pompe, malgré les fluctuations de la conjoncture internationale, n’était plus soutenable, de l’avis des experts. « Sept cents milliards de FCFA » pour l’année 2022, selon le président de la République, là où le Fonds monétaire international parlait, lui, de « 800 milliards de FCFA » durant la même période.

Hésitation

L’augmentation des prix annoncée par le gouvernement vient mettre fin à de longues années d’hésitation et de résistance aux directives constantes du FMI. Cette attitude des autorités camerounaises a failli, de peu, conduire l’institution de Bretton Woods à mettre fin, avant son terme prévu, au programme économique et financier triennal, signé en 2021, soutenu par une Facilité élargie de crédit (FEC) et un Mécanisme élargi de crédit (MEC). Conscient de l’enjeu, le pouvoir s’est ajusté.

Le 31 décembre 2022, le président Paul Biya annonçait la couleur. Pour la première fois, il laissait entrevoir un changement d’option. Restait à trancher entre plusieurs scénarios, préparés par le gouvernement et acheminés à la présidence de la République depuis de longs mois. Le 30 janvier 2023, au terme d’une mission à Yaoundé, ponctuée par une audience de haut niveau au palais de l’Unité, le FMI annonce qu’il est parvenu, avec les autorités, à « un accord au niveau des services sur les politiques économiques pour conclure la troisième revue du Programme appuyé par la facilité élargie de crédit et le mécanisme élargi de crédit ». Conséquence : le Cameroun peut prétendre à un décaissement de quelque 74,6 millions de dollars. Le lendemain de cette révélation du FMI, le gouvernement rend publics les nouveaux prix du carburant, revus à la hausse.

« Les autorités ont évité une hausse brutale et lourde, mais ont opté pour une augmentation graduelle des prix, jusqu’à l’arrêt total des subventions prévue pour 2025 », confie une source proche du dossier.  

Critiques

Entre-temps, des critiques d’experts sur les choix du gouvernement ont refait surface. L’une des plus entendues reste celle relative aux taxes qui entrent en ligne de compte dans la structure des prix du carburant. « La structure des prix à la pompe publiée par la CSPH [Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures, NDLR] pour la période allant du 1er au 31 janvier 2023 indique bel et bien que le gouvernement camerounais ajoute au prix d’un litre de carburant plus d’une vingtaine de taxes et autres droits connexes qui dépassent largement le soutien de l’État qui se situait à 133,72 FCFA. Cela veut dire qu’en réduisant simplement deux taxes sur 26, à savoir la taxe spéciale [110 FCFA] et les droits de douane [24,39 FCFA], le gouvernement n’aurait plus eu besoin de subventionner quoi que ce soit », regrette l’économiste Louis-Marie Kakdeu.

Le gouvernement aurait pu explorer d’autres voies. L’ingénieur financier Babissakana fustige le choix du gouvernement de « subventionner à l’aveuglette les carburants et le gaz domestique » plutôt que mettre en œuvre le Plan industrie de l’énergie contenu dans la Stratégie nationale de développement 2020-2030 [SND30]. Selon lui, « s’agissant des carburants, ce plan comprend le Programme gaz naturel pour véhicule [GNV] qui permettra, au regard des ressources gazières importantes du pays, de diviser la facture des carburants par huit tout en réduisant substantiellement les importations des carburants et lubrifiants [qui représentent jusqu’à 16% des importations en 2021, soit 614 milliards FCFA], et en contribuant à réduire nos émissions de CO2 et épargner nos devises. »

Dans la même veine, cet expert appelle de ses vœux une restructuration de la Société nationale de raffinerie (Sonara). « La Sonara est aujourd’hui un simple commerçant des produits pétroliers. Pour revenir à son rôle et à sa mission économique, et contribuer à la maîtrise des prix des produits pétroliers, son actionnaire majoritaire qu’est l’État doit tout mettre en œuvre pour garantir la préparation, la construction et la mise en service, le plus tôt possible, d’une usine moderne de raffinage du pétrole brut lourd camerounais », affirme le patron du cabinet Prescriptor.

Reste à savoir si de telles propositions ont encore du sens aux yeux du gouvernement.

Rédaction
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