(BFI) – Confrontés à une série de crises internationales qui ont déstabilisé les chaînes de valeurs et provoqué une pénurie de certains produits, les États africains visent la souveraineté alimentaire. Au Salon de l’agriculture de Paris, plusieurs pays sont venus plaider la cause de leur agriculture et exposer leurs politiques.
« Au Sénégal, nous sommes passés d’1,5 million de tonnes de céréales, toutes céréales confondues en 2010, à 3,5 millions de tonnes ». Comme le rappelle Aly Ngouille Ndyaye, le ministre sénégalais de l’Agriculture, les pays africains n’ont pas attendu le Covid et la guerre en Ukraine pour accroître leurs rendements agricoles. Mais ces crises qui ont raréfié et renchéri les importations de denrées poussent les pays à aller plus loin. La souveraineté alimentaire est devenue le mot d’ordre général.
La stratégie passe par un investissement public massif. « Nous avons mis en place cette stratégie alimentaire avec un budget prévisionnel d’environ cinq mille milliards [de francs CFA, NDLR] sur cinq ans, indique Aly Ngouille Ndaye. Pour être pratiquement autosuffisants sur l’essentiel des produits de consommation. »
Des besoins supplémentaires à la production nationale
La stratégie de souveraineté alimentaire passe aussi par la recherche. Et la mise à disposition des agriculteurs de semences et de techniques améliorées. « Si d’aventure, on utilise du matériel végétal approprié que le CNRA propose avec des rendements qui vont doubler les rendements actuels, ce sera facile de combler le gap, estime le docteur Jean-Louis Konan, directeur scientifique au Centre national de recherche agronomique de Côte d’Ivoire (CNRA). Que ce soit en production de riz, où on a besoin d’1,2 million de tonnes complémentaires, que ce soit au niveau de la banane où on a besoin de 300 000 tonnes complémentaire par rapport à la production nationale, ou que ce soit au niveau du maïs où on a besoin de 200 000 tonnes complémentaires. »
Des importations à bas coût, amortisseurs de crise sociale
Ce n’est pas si paradoxal qu’il y paraît, mais les cultures de rente peuvent, elles aussi, aider à la souveraineté alimentaire. L’agriculture ivoirienne, qui est la plus développée d’Afrique de l’Ouest, mise sur ses zones économiques spéciales pour créer de la valeur ajoutée dans ses filières et donc au final pour relancer les investissements agricoles. « Nous avons des zones industrielles dédiées à la transformation. Il y a des plates-formes qui sont établies où il y a de l’eau et de l’électricité. Donc l’État fait l’essentiel, et on vient seulement pour s’y installer », explique Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre ivoirien de l’Agriculture.
Si le protectionnisme agricole revient dans le débat public chez les grandes puissances, en revanche, les dirigeants africains plaident pour des systèmes ouverts. En période de forte inflation, les importations à bas coût restent des amortisseurs de crise sociale. Mais ils souhaitent aussi que la libre circulation aille dans les deux sens. À cet égard, les dispositions adoptées en décembre par les Européens contre les produits issus de la déforestation sont l’objet de critiques virulentes en Afrique.