(BFI) – Les dernières statistiques de la BAD sont finalement encourageantes, l’Afrique progresse, à son rythme. Toutefois, avant d’arrêter un jugement définitif, gardons à l’esprit les difficultés d’un continent composé d’États-nations très différents.
Dans sa projection pour 2023, la Banque mondiale décrit avec précision la composition unique du continent de la manière suivante : « La région est composée de pays à revenu faible, moyen inférieur, moyen supérieur et élevé, dont 22 sont fragiles ou touchés par des conflits. L’Afrique compte également 13 petits États, caractérisés par une faible population, un capital humain limité et une superficie restreinte. »
Gardons également à l’esprit que nous ne vivons pas une époque « normale », quelle que soit la définition que l’on donne à la normalité dans un monde généralement chaotique et imprévisible. Une guerre en Ukraine peut conduire (et conduit) à la famine en Somalie et à des familles qui ne peuvent pas se chauffer dans certains pays occidentaux.
Ces statistiques sont très encourageantes, surtout si l’on considère que la croissance de l’Afrique subsaharienne a ralenti et que l’inflation des prix des denrées alimentaires continue de peser sur la majorité des Africains.
Au cours des périodes relativement « normales » du passé, les économies avancées, puissantes et extrêmement diversifiées, ont été en mesure de surmonter ces tempêtes et de disposer de suffisamment de ressources pour aider les régions les plus vulnérables du monde.
Cette fois-ci, même les puissants sont fragiles. La hausse rapide des prix des denrées alimentaires et des carburants fait grimper l’inflation à deux chiffres, réduisant la valeur des salaires à tel point qu’au Royaume-Uni, des familles doivent choisir entre la nécessité de se chauffer ou de manger. Cette situation incite à son tour les syndicats à entamer des grèves prolongées pour réclamer des augmentations de salaire, ce qui réduit encore la productivité, augmente les coûts et alimente le monstre de l’inflation.
Lorsque les temps sont durs, l’instinct de conservation prime. Les pays occidentaux ont réduit leur aide et leurs subventions, ce qui a entraîné de grandes difficultés dans certains des pays les plus vulnérables, notamment en Afrique. La pression économique conduit à des émeutes et à des coups d’État – comme on le voit au Sahel et ailleurs.
Une histoire de résilience
Mais, tout comme l’effet réel de la Covid-19 a été beaucoup moins grave en Afrique que prévu, les retombées économiques de la crise mondiale actuelle sont moins importantes en Afrique.
Bien sûr, il faut tenir compte des pays embourbés dans des conflits ou dévastés par des catastrophes naturelles, mais, à la surprise de nombreux experts, l’Afrique résiste à la tempête et ne se porte pas trop mal.
En fait, la Banque africaine de développement nous informe que la région devrait « dépasser le reste du monde en termes de croissance économique au cours des deux prochaines années », avec un PIB réel qui augmentera d’environ 4 % en moyenne en 2023 et 2024. Ce chiffre est supérieur aux moyennes mondiales prévues de 2,7 % et 3,2 % respectivement.
Qui plus est, l’analyse figurant dans ce rapport sur les performances et les perspectives macroéconomiques de l’Afrique indique que les cinq régions du continent (avec les réserves habituelles pour quelques pays individuels) « restent résilientes avec des perspectives stables à moyen terme » – ce qui, en langage de banque de développement, signifie « se porte plutôt bien ».
La Banque mondiale a des informations plus positives à partager. Elle indique que la croissance en Afrique subsaharienne « devrait rebondir à 3,5 % en 2023 et à 3,9 % en 2024. Si l’on exclut l’Afrique du Sud et l’Angola, la sous-région de l’Afrique orientale et australe devrait connaître une croissance de 4,5 % l’année prochaine et de 5,0 % en 2024. Le Kenya, par exemple, devrait connaître une croissance de 5,0 % en 2023 (contre 5,5 % auparavant) et remonter à 5,3 % en 2024. Si l’on exclut le Nigeria, la sous-région de l’Afrique occidentale et centrale devrait connaître une croissance de 5,0 % en 2023 (contre 4,2 %), et plus encore en 2024 (5,6 %).
La croissance dans les pays de l’Uemoa devrait passer de 4,9 % à 6,4 % en 2023 et à 7 % en 2024. Les véritables vedettes de cette région sont la Côte d’Ivoire, dont la croissance devrait atteindre 6,8 %, et le Sénégal, avec un taux record de 8 % en 2023 et une croissance « ferme à 10,5 % en 2024 ». Même l’Angola, dont le profil de croissance a été lamentable ces derniers temps, bénéficiera de termes de l’échange favorables pour atteindre 3,1 % en 2022, contre 0,8 % en 2021, et l’Afrique du Sud, qui stagne à environ 0,2 %, devrait connaître une croissance de 1,9 % en 2023. Ces statistiques sont très encourageantes, surtout si l’on considère que la croissance de l’Afrique subsaharienne a ralenti, passant de 4,1 % en 2021 à 3,3 % en 2022, et que l’inflation des prix des denrées alimentaires continue de peser sur la majorité des Africains, qui consacrent en moyenne 40 % de leurs revenus à l’alimentation.
Néanmoins, l’Afrique dans son ensemble progresse. Cette performance n’est pas le résultat d’une politique magique, mais de la lente accumulation de milliers d’améliorations dans la gestion des économies du continent.
À ce rythme, le rêve de réaliser l’Agenda 2063 de l’Afrique pourrait se réaliser un peu plus tôt.
Anver Versi, rédacteur en chef de NewAfrican.