(BFI) – L’année 2018 qui s’achève aura notamment été marquée, sur le plan diplomatique, par deux déplacements du président de la République en Chine, dont une visite d’Etat. La relation sino-camerounaise connaît-elle un nouvel essor ou alors il s’agit simplement de la consolidation des acquis ?
Les relations diplomatiques entre le Cameroun et la Chine datent de 1971. Elles peuvent être qualifiées, très objectivement, de particulièrement solides et ont été confortées en cette année 2018 qui s’achève par les 6e et 7e séjours du président de la République en Chine respectivement en mars (visite d’Etat) et en septembre (3e Sommet du Forum de Coopération Chine-Afrique). L’année 2016 a marqué un tournant décisif dans l’évolution de la relation sino-camerounaise. En effet, les échanges commerciaux bilatéraux entre les deux pays ont atteint 1 510 milliards de FCFA et la Chine est désormais le premier partenaire commercial et le premier pourvoyeur d’investissements directs étrangers (IDE) dans les grands projets de développement du Cameroun.
Ces projets se situent notamment dans les secteurs de l’alimentation en eau potable, de la santé, des infrastructures routières et portuaires, des logements sociaux, de l’aéronautique civile et des télécommunications. En effet, le géant chinois a opéré en quatre décennies un essor économique fulgurant, enregistrant des taux de croissance supérieurs à 10% pendant près de 30 ans. Avec le mouvement Zouchuqu qui signifie « sortir des frontières » qu’il a lancé en 2000, les investissements chinois à l’étranger ont été multipliés par 40. La Chine est assise sur des réserves de change colossales de près de 3 000 milliards de dollars et son président, Son Excellence Xi Jinping, avec lequel le président de la République, Son Excellence Paul Biya, entretient une relation remarquable est aujourd’hui perçu comme ardent défenseur d’une mondialisation équilibrée et durable.
Le regain d’intensité enregistré dans les relations multidimensionnelles entre la Chine et le Cameroun repose sur la capacité des deux leaders à engager des chantiers générateurs d’immenses opportunités réciproques. Il en va ainsi, par exemple, de grands projets tels que celui de la route de la soie pour la Chine d’une part et d’autre part de l’ambitieux programme de l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Dans cette mouvance, huit accords de coopération ont été signés en 2018 entre la Chine et le Cameroun dont entres autres, un don sans contrepartie d’une valeur de 334 milliards de FCFA pour 2018 et de 84 milliards pour les années 2019, 2020 et 2021. La relation sino-camerounaise ira donc également en se renforçant toujours davantage.
N’Djamena et Abuja ont récemment abrité des sommets extraordinaires consacrés à la lutte contre la secte terroriste Boko Haram. Doit-on penser que 2019 va marquer un autre tournant dans la guerre que les Etats-membres de la CBLT mènent contre cette secte ?
Les Sommets extraordinaires du 29 novembre 2018 à N’Djamena au Tchad et du 15 décembre 2018 à Abuja au Nigeria participent effectivement d’un effort collectif des Très Hautes Autorités des pays de la Commission du Bassin du Lac Tchad en vue de l’anéantissement des dangereux terroristes de Boko Haram, de la stabilisation et du développement durable de leur espace sous-régional. Tout porte effectivement à croire que la recrudescence actuelle des attaques de Boko Haram que l’on savait fortement affaibli en raison des succès de la Force Multinationale Mixte (FMM) depuis 2015, trouvera dès début 2019 une réponse encore plus efficace sur le plan militaire en raison du renforcement de la coopération opérationnelle qui a été décidé.
Le renouvellement du mandat annuel de la FMM par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine pour 2019 ainsi que l’endossement par celle-ci de la stratégie régionale de stabilisation des zones du Bassin du Lac Tchad affectées par la crise de Boko Haram ouvriront des latitudes d’action plus importantes sur le plan de la riposte comme sur le plan du relèvement communautaire notamment par les projets à impact rapide destinés aux catégories les plus vulnérables. Cette approche doit aussi intégrer un investissement plus accru dans la paix et la prévention de l’extrémisme violent à travers le soutien à des initiatives visant à comprendre et agir sur les causes profondes du terrorisme de Boko Haram. Elle devrait également susciter encore plus de soutien de la part des partenaires internationaux des pays de la CBLT.
La CEMAC semble toujours traîner le pas en matière d’intégration sous-régionale en Afrique. Quelles peuvent être les perspectives pour une amélioration en 2019 ?
La volonté politique pour un renforcement de l’intégration régionale en Afrique centrale a été affirmée de manière constante depuis de nombreuses décennies. Des efforts louables, comme en atteste les décisions marquantes en matière de libre circulation des personnes et des biens, ont d’ailleurs été entrepris dans ce sens et sont appelés à se poursuivre sans relâche en 2019 et au-delà. L’exacerbation du souverainisme étatique qui a prévalu jusqu’au milieu des années 2000 a été nettement corrigé par une adhésion plus franche à la dynamique d’intégration qui est une attente légitime des populations, des entreprises et de la communauté internationale.
Il ne faudrait cependant pas oublier que l’Afrique centrale fait face à une conjoncture particulièrement difficile depuis fin 2014 avec notamment une diminution sérieuse des recettes budgétaires issues de l’exploitation des matières premières (le pétrole en particulier) et une contraction générale de l’activité économique qui est aggravée par une volatilité sécuritaire à laquelle certains Etats doivent répondre par des dépenses militaires importantes. Néanmoins, le travail de rationalisation et d’optimisation du fonctionnement des deux entités que sont la CEMAC et la CEEAC va continuer. Une ingénierie institutionnelle assise sur une claire compréhension du principe de subsidiarité et une affectation adéquate des ressources devra être intelligemment recherchée.
Les projets intégrateurs notamment dans le domaine des infrastructures devront être accélérés. Une coopération sous-régionale plus active sur les grands dossiers tels que la préservation des forêts et de l’environnement, l’adaptation au changement climatique, la lutte contre toutes les formes d’insécurité, l’encadrement des populations, la synergie des services de défense et de sécurité et la mobilisation des ressources sera indispensable si l’Afrique centrale veut honorer son cahier de charge en matière d’intégration régionale vis-à-vis de l’Union africaine.