(BFI) – La méga-raffinerie de Dangote change la donne avec une expédition historique de sa première cargaison d’essence vers les États-Unis, confirmant ainsi l’ambition du Nigeria de s’imposer comme un acteur majeur sur le marché mondial des produits pétroliers.
Le 26 août, le pétrolier Gemini Pearl a quitté la jetée de l’usine située près de Lagos avec à son bord environ 300 000 barils d’essence. Selon les données de la société Kpler et des sources industrielles, la cargaison est attendue sur la côte Est américaine, probablement à New York ou au New Jersey. Il s’agit du tout premier envoi direct d’essence nigériane vers l’Amérique, alors même que le brut du pays alimente depuis longtemps les raffineries américaines. Jusqu’ici, le Nigeria restait paradoxalement dépendant des importations pour couvrir ses propres besoins en carburant.
La mise en service progressive de la raffinerie de 20 milliards de dollars, conçue pour une capacité de 650 000 barils par jour, change désormais la donne. Elle permet au Nigeria de basculer du statut d’importateur chronique de produits finis à celui d’exportateur, renforçant sa sécurité énergétique tout en ouvrant de nouveaux débouchés commerciaux.
Ce premier voyage vers les États-Unis intervient dans un contexte de tension sur les marchés. La flambée des prix de l’essence sur la côte atlantique américaine et la faiblesse des stocks dans la région ont créé des opportunités d’arbitrage pour les fournisseurs lointains.
Depuis juin, la raffinerie a déjà démontré sa capacité à s’insérer dans le commerce mondial en expédiant trois cargaisons de taille LR2 vers Singapour et le Moyen-Orient. Ces premiers tests ont positionné l’installation comme un fournisseur capable de répondre aux déficits d’approvisionnement au-delà du continent africain. À terme, elle pourrait même viser l’Europe, traditionnellement exportatrice d’essence vers l’Afrique de l’Ouest.
Pour les États-Unis, cette première cargaison nigériane n’aura pas d’effet immédiat sur les fondamentaux du marché, mais elle illustre la diversification progressive des sources d’approvisionnement. Si la raffinerie stabilise ses opérations et maintient le rythme des exportations, de nouveaux flux commerciaux pourraient émerger au sein du bassin atlantique.
Au niveau mondial, l’entrée de Dangote se produit alors que les raffineurs européens, fragilisés par des coûts croissants et des contraintes environnementales plus strictes, réduisent leurs capacités. En parallèle, l’Asie et le Moyen-Orient multiplient les nouvelles unités et accentuent la concurrence. Dans ce paysage en mutation, l’usine nigériane bénéficie d’un double atout : une taille colossale et un emplacement stratégique sur la côte atlantique, lui permettant de se tourner aussi bien vers l’Est que vers l’Ouest en fonction des opportunités de marché.
Bouba Yankréo