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« La nouvelle stratégie se veut plus réaliste et repose sur des politiques industrielles » Pr Emmanuel Bruno Ongo Nkoa, enseignant d’économie à l’Université de Dschang.

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Dans le cadre de son projet d’émergence, le Cameroun est passé du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) à la Stratégie nationale de développement (SND) 2020-2030. Qu’est-ce que ce nouvel outil de planification économique apporte de plus ?

Le Cameroun a changé de politique de développement, s’inscrivant néanmoins dans la continuité de la planification à long terme qui ambitionne de faire du Cameroun « un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité » à l’horizon 2035. La SND30 se veut plus réaliste et repose sur des politiques d’industrialisation. Quatre grands piliers sont retenus : la transformation structurelle de l’économie nationale ; le développement du capital humain ; la promotion de l’emploi et de l’insertion des jeunes dans le circuit économique et la gouvernance, la décentralisation et la gestion stratégique de l’Etat.

De plus, la SND30 questionne de manière précise tous les secteurs d’activité et montre comment ceux-ci connaitront des évolutions avérées à travers la mutation des sous-secteurs. A titre d’illustration, la stratégie d’industrialisation, pilier central de la transformation structurelle, sera implémentée à travers neuf sous-secteurs industriels moteurs : l’énergie, l’agro-industrie, le numérique et les filières Forêt-Bois, Textile-Confection-Cuir, Mines-Métallurgie-Sidérurgie, Hydrocarbures-Pétrochimie-Raffinage, Chimie-Pharmacie et Construction-Services-Professionnels-Scientifiques-Techniques. Par ailleurs, la SND30 trace le chemin d’une diversification de notre économie à travers des indicateurs crédibles.

Avec le DSCE, on avait tablé sur l’emploi et la croissance. A présent, on se concentre sur la transformation structurelle de l’économie. Qu’est-ce qui peut motiver ce changement d’orientation avec au final la même vision ?

Il ne s’agit pas d’un changement radical. Dans la Vision 2035 d’atteindre l’emergence, toutes ces étapes sont marquées, même si les politiques clairement identifiées n’avaient pas fait l’objet d’approfondissement. Néanmoins, la baisse du taux de chômage et la soutenabilité de la croissance représentent des préalables pour une meilleure transformation structurelle. S’inscrivant dans cette logique, le gouvernement a adopté un Plan directeur d’industrialisation devant accroitre la contribution du secteur industriel au Produit intérieur brut (PIB) actuellement évaluée à 27,7%. Or, en comparaison aux pays émergents tels la Malaisie et la Thaïlande, le secteur industriel contribue respectivement à hauteur de 40% et 35% du PIB. L’industrialisation d’un pays détermine son futur.

C’est un puissant levier de rééquilibrage de la balance des paiements. En effet, la structure de nos exportations est dominée à plus de 60% par les produits de rente. Le déficit du compte courant excède 6% du PIB. La transformation structurelle, qui va au-delà de l’industrialisation, intègre la modernisation de l’agriculture, par une production très diversifiée, combine les infrastructures productives, accélère la participation du secteur privé et favorise l’insertion à l’économie mondiale avec des produits très compétitifs.

Le président de la République a indiqué que ce nouvel outil est la nouvelle boussole. Que faire pour corriger les insuffisances passées ?

De mon point de vue, trois politiques majeures doivent être prises pour éviter un bilan mitigé à la SND 2020-2030. Premièrement, il faut s’inscrire dans une dynamique d’accélération de la construction des infrastructures énergétiques, routières, numériques et sociales. L’énergie reste le ventre mou de notre stratégie de développement. Les barrages hydroélectriques construits doivent être très rapidement opérationnels pour réduire les coûts de facteurs et assurer une production stable du secteur privé. Selon une étude réalisée par la Banque africaine de développement en 2012, les charges d’électricité représentent plus de 25% des charges totales supportées par les entreprises du secteur privé. A côté de celles-ci, les coûts de transport et de la main d’œuvre constituent un véritable frein à l’expansion des entreprises privées.

Deuxièmement, la SND doit bénéficier de sources de financement innovantes. Outre les appels à l’épargne privée, il faut des innovations financière tels le crowdfunding. Sur cette même vision, il est important de réduire le coût du capital et du loyer de l’argent. La taxation des services bancaires et le non-respect des clauses de la supervision bancaire fragilisent l’inclusion financière. Troisièmement, l’atteinte des objectifs de la SND ne sera possible que si le climat des affaires est assaini. A ce niveau, il faut combattre la corruption et ses corolaires ; garantir la stabilité politique, renforcer la protection des personnes et de leurs biens et l’intégrité territoriale.

Rédaction
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