(BFI) – La Guinée a annoncé la création d’une compagnie maritime publique, la GUITRAM (Guinéenne des Transports Maritimes), dédiée au transport de la bauxite dont le volume d’exportation a augmenté de 37% en 2025 selon la plateforme d’analyse maritime Signal. Selon le ministre des Mines, Bouna Sylla, 50% des volumes exportés devront être chargés sur des navires battant pavillon guinéen. L’initiative entre dans le cadre d’une stratégie de nationalisation partielle de la chaîne logistique minière.
Premier exportateur mondial de bauxite, la Guinée expédie selon les chiffres officiels environ 130 millions de tonnes par an, en l’occurrence vers la Chine où la demande est alimentée par une baisse de la production locale et la fermeture d’anciennes filières d’approvisionnement en Asie du Sud-Est. Mais jusqu’ici, la quasi-totalité de la chaîne de transport maritime est contrôlée par des opérateurs étrangers, ce qui limite les bénéfices pour l’économie nationale. Cette réforme vise ainsi à relocaliser une partie de la valeur générée par la logistique maritime, qui représente un segment stratégique dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Selon plusieurs analystes, la mise en place d’une flotte guinéenne pourrait redessiner le marché local du vrac sec. L’obligation de transporter la moitié des cargaisons sous pavillon guinéen pourrait en effet reconfigurer les affrètements, et à terme, influer sur les tarifs dans certaines zones de chargement. Avec la GUITRAM, la Guinée semble s’inspirer de modèles de « local content logistique » mis en œuvre dans d’autres pays riches en matières premières, comme le Nigeria dans le pétrole offshore, où les exigences de contenu local ont permis l’émergence d’une marine marchande nationale. La réussite de cette politique dépendra néanmoins de plusieurs facteurs, comme la capacité technique de la flotte à mettre en place, les conditions d’accès au financement pour le renouvellement ou l’achat de navires, et surtout, la gestion opérationnelle d’une entreprise publique dans un secteur historiquement dominé par de grands groupes privés internationaux.
Rappelons que ce droit de transporter la moitié de la bauxite exportée existe déjà depuis longtemps dans le code minier, mais la société publique qui s’en occupait jusque-là n’arrivait pas à exploiter pleinement cette manne financière. La Guitram est donc créée pour remédier à cela, explique Oumar Barry Totyia directeur de l’Observatoire des mines et des métaux en Guinée. « Avec la création d’une société de transport maritime qui va disposer de sa propre flotte maritime, la Guinée pourra pleinement exercer ses droits et engranger davantage de revenus. En moyenne, pour transporter une tonne de bauxite, c’est entre 15, 20 jusqu’à 25 dollars par tonne de bauxite », relève-t-il.
L’autre nouveauté est la création d’un index bauxite de Guinée. GBX, son acronyme, est un outil pour optimiser les revenus, et mieux contrôler les prix. « Les index, ce sont des normes de standardisation d’un produit. Cela permet d’évoluer vers davantage de contrôle du produit et de son prix sur le marché international. Jusque-là, la bauxite n’est pas un produit officiellement côté en bourse, mais de plus en plus, il y a des prix de référence qui se forment, notamment en Chine qui est un des plus gros marchés », remarque Oumar Barry Totyia.
Le prix de la bauxite guinéenne oscille entre 35 et 80 dollars la tonne selon les types de contrat. La Guinée veut donc surfer sur le boom de la bauxite. Ses exportations ont quadruplé en cinq ans.