(BFI) – Le gouvernement rassure que non seulement cette dette reste soutenable mais que le pays a encore une marge d’endettement. Par contre, le FMI et la Caisse autonome d’amortissement tire la sonnette d’alarme sur le risque de surendettement élevé.
Au 31 décembre 2019, l’encours de la dette publique et à garantie publique a atteint un volume de 9 717 milliards de FCFA, composée de 73,3% de dette extérieure, de 26,6% de dette intérieure et 0,3% de dette avalisée, a révélé le Ministre camerounais des finances Louis Paul Motaze. C’était le 9 février 2021 à douala au cours de la présentation du programme d’émission des titres publics du Cameroun aux investisseurs nationaux et étrangers. Cette dette qui a progressé de 1 067 milliards (11%) en 12 mois, représente désormais 43,6% du PIB contre 38,3% à fin 2019(8650 milliards). Une augmentation qui peut en partie s’expliquer par une hausse de l’enveloppe des financements mobilisés au cours de cette période sur le marché monétaire de la Beac. Celle-ci est passée de 643 milliards en 2019 à 774,63 milliards en 2020. En réaction à l’urgence de la crise sanitaire et face à la baisse de leurs revenus, les États de la Cemac dont le Cameroun ont globalement accru leur demande de ressources sur le marché des valeurs du Trésor.
Risques de surendettement
En dépit de son rythme de progression, la dette publique camerounaise demeure à priori soutenable. « Le Cameroun dispose encore des marges d’endettement » s’est vanté le Louis Paul Motaze. Le Minfi s’appuie sur le fait que le pays se situe encore en dessous du plafond d’endettement public en vigueur dans la zone Cemac qui est de 70% du PIB. Dans son dernier rapport sur le Cameroun publié le 28 octobre dernier, l’agence de notation financière Moody’s Investors Service maintient à « B2 » sa note sur le pays assortie d’une perspective « stable ». L’agence américaine reste donc optimiste sur la capacité du pays à honorer ses engagements malgré la crise sanitaire mondiale et ses effets sur l’économie. Le principal atout du Cameroun, selon Moody’s, est la relative diversification de son économie, ce qui a contribué à contenir l’impact du choc pétrolier par rapport à ses pairs régionaux et aux pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac). En 2019, l’exportation de cette matière première a contribué à 41,8% des recettes d’exportations enregistrées au cours de cette année. La diversification des recettes d’exportation tient également de l’apparition depuis 2018 d’un nouveau produit à l’exportation, notamment le Gaz naturel liquéfié (GNL).
Un optimisme que ne partage pas le FMI. Dans son rapport de juin 2020, l’institution de Bretton Wood confirme son évaluation de décembre 2015 selon laquelle le pays est exposé à un risque de surendettement élevé. Malgré ces garanties relatives qu’il présente, le Cameroun pourrait connaître une dégradation de sa note souveraine, ce qui pourrait durcir davantage les conditions d’endettement. Pour Moody’s, le contexte socio-politique particulièrement tendu, lié à la succession au sommet de l’Etat et la crise dans les régions anglophones du pays, constituent des facteurs de risques pour le profil de crédit du Cameroun.
Si la mise en œuvre stricte du programme d’assainissement budgétaire et l’accès accru aux sources de financements concessionnels dans le cadre du programme triennal ont amélioré la dynamique de la dette, le FMI estime que le Cameroun restera vulnérable aux chocs. «Cela s’explique par le fait que les échéances de remboursement de d’Eurobonds en 2023, 2024 et 2025 sont au-dessus du seuil pays», renseigne la Caisse autonome d’amortissement(CAA), structure de gestion de l’ensemble des fonds d’emprunts publics de l’État et de ses démembrements.
D’après le gouvernement, l’encours de la dette publique a augmenté de plus de 34% en deux ans du fait entre autres des décaissements sur les appuis budgétaires obtenus dans le cadre du Programme Économique et Financier (Pef) en cours avec le FMI, la mobilisation des titres publics et l’accélération des travaux des grands projets d’infrastructures. Avec les crises sécuritaires que traverse le pays, la pandémie du coronavirus et son impact sur l’économie, le volume de la dette devrait davantage s’alourdir poussant ainsi le pays à recourir à la dette pour financer son déficit budgétaire. Pour l’exercice budgétaire 2021, le besoin de financement de l’Etat pour combler ce gap est de 1 484,9 milliards de FCFA. Un besoin qui ne devrait cesser de croître au cours des années à venir. Entre soutenabilité et asphyxie, la question de la dette publique au Cameroun n’a pas fini de susciter les débats au sein de l’opinion publique.