(BFI) – Lundi 22 janvier, la Côte d’Ivoire a levé près de 2,6 milliards de dollars dans des opérations sur les marchés obligataires internationaux. Cet emprunt est un moyen habituel pour les États pour se financer, mais la levée de la Côte d’Ivoire est notable car c’est le premier pays africain à revenir sur le marché international.
Ce retour en grande pompe signe le premier emprunt obligataire émis par un pays d’Afrique subsaharienne depuis deux ans. Au total, 2,6 milliards de dollars à travers deux obligations de 9 et 13 ans. Cela veut dire que la Côte d’Ivoire paiera des intérêts annuels sur ces durées avant de rembourser les montants levés.
Cette somme va notamment servir à refinancer des obligations déjà émises et des prêts. Il s’agit d’un message envoyé par le marché financier international : il a confiance en la Côte d’Ivoire. « Pour pouvoir lever cette enveloppe aussi importante, la Côte d’Ivoire a su faire prévaloir ses atouts, notamment les fondamentaux et son économie, explique l’économiste ivoirien Ange Ponou. Derrière la dette, il y a une autre réalité : c’est qu’on ne vous donnera jamais de l’argent si on n’est pas sûr que vous soyez en mesure de pouvoir rembourser. »
Ces derniers temps, Abidjan se focalisait sur le marché obligataire régional ouest-africain, mais celui-ci ne concentre pas suffisamment d’investisseurs pour répondre aux besoins ivoiriens.
Reste la question de la dette, qui fait couler beaucoup d’encre en Côte d’Ivoire, car le taux d’endettement est de 57 % du PIB. Le gouvernement estime que la situation des finances publiques est saine, mais des voix s’élèvent pour mettre en garde : la dynamique des créations de richesses peut s’estomper en cas de crise à l’international et entrainer dans son sillage un dérapage du taux d’endettement.
Premier eurobond de l’ère post-Covid
Il faut souligner que, ces dernières années, l’accès au marché des euro-obligations s’est soudainement tari pour les États africains, notamment depuis que la Réserve fédérale américaine a commencé à augmenter de manière agressive les taux d’intérêt, en 2022, pour lutter contre une inflation élevée. La majorité des économies d’Afrique subsaharienne ont été durement touchées par les effets de la pandémie de Covid-19, puis les retombées de la guerre russe en Ukraine et la hausse des taux d’intérêt mondiaux. En conséquence, le coût de la dette en devises étrangères est devenu prohibitif.
« Cette transaction a été le témoin d’une mobilisation historique de la part des principaux investisseurs mondiaux, notamment des détenteurs existants d’obligations ivoiriennes et de nouveaux investisseurs de référence », a indiqué le ministère ivoirien du Budget et des Finances dans un communiqué. Les fonds doivent servir à racheter et refinancer les euro-obligations existantes du pays, et des prêts bancaires internationaux. De quoi remobiliser de nombreux gouvernements africains qui espèrent revenir sur les marchés obligataires cette année afin de refinancer leurs dettes arrivant à échéance à des taux d’intérêt abordables et ainsi d’éviter d’avoir à puiser dans leurs réserves de change pour les rembourser. D’après l’agence américaine Moody’s, environ 5 milliards de dollars d’obligations souveraines africaines en devises étrangères arriveront à échéance cette année, et environ 6 milliards de dollars supplémentaires l’année prochaine.
Mais l’heure n’est pas à l’éclaircie alors que le continent doit composer avec un dollar en hausse, la chute de certaines monnaies locales et la baisse brutale des prêts chinois, autant d’éléments qui ne sont pas de nature à rassurer les investisseurs. 2023 a été la première année depuis 2009 et la crise financière mondiale sans émission de dette extérieure en Afrique subsaharienne.
André Noir