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«La corruption perdure avec la même intensité en Afrique», estime Amnesty International dans un rapport

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(BFI) – À l’occasion de la journée africaine de lutte contre la corruption ce mardi, Amnesty International publie un rapport sur la situation dans 19 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Le résultat est édifiant : les défenseurs des droits humains qui y combattent la corruption risquent arrestations, harcèlement, placements en détention, lourdes amendes. Certains risquent même la mort. Amnesty s’est intéressé à 31 de ces personnes actuellement menacées. Liliane Mouan, conseillère sur la corruption et les droits humains à Amnesty International à Dakar.

Comment évolue la corruption en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ces dernières années ?

Nous constatons – malheureusement – que malgré le fait que 48 des 55 États membres de l’Union africaine (UA) aient ratifié la convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, la corruption perdure avec la même intensité en Afrique et prospère dans un climat de restrictions draconiennes des droits humains et de l’espace civique, qui limite la capacité des défenseurs des droits humains à demander des comptes à des acteurs puissants au sujet de la corruption.

Dans ce rapport, vous documentez la répression contre des défenseurs des droits humains qui tentent de lutter contre la corruption. Vous avez étudié la situation dans 19 pays, dans quel pays la situation est-elle la plus alarmante, selon vous ?

On ne peut pas dire qu’il y ait un pays spécifique où la situation est la plus alarmante. Ce que nous avons constaté, c’est que dans ces pays, les autorités ont adopté des lois répressives pour restreindre l’exercice des droits fondamentaux et utiliser certaines lois existantes pour faire taire les voix critiques, y compris les lanceurs et lanceuses d’alerte, qui jouent un rôle crucial en signalant ces agissements. Parallèlement, les défenseurs des droits humains qui essaient de combattre la corruption sont confrontés à un manque de lois permettant de les protéger, à des institutions judiciaires biaisées et à une culture d’impunité qui laisse justement les pratiques malhonnêtes et les abus de pouvoir impunis.

Pour vous donner un exemple concret, il est fort de constater que sur les 19 pays étudiés, seule la Côte d’Ivoire, le Mali et le Niger ont adopté des lois sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, et seul le Ghana possède une loi visant spécifiquement à protéger les lanceurs et lanceuses d’alerte.

Dans ces pays, vous expliquez que les défenseurs des droits humains qui combattent la corruption risquent arrestations, harcèlement, placement en détention. Certains risquent même la mort. Quel est le profil de ces personnes menacées ?

Nous avons mentionné 31 cas dans le rapport et ces cas-là ont été sélectionnés au vu de la corrélation étroite ou plutôt le lien étroit entre leur travail et leurs actions en tant que défenseurs des droits humains qui combattent la corruption et la répression à laquelle ils ou elles font face. Donc, on parle évidemment des journalistes tels que Martinez Zogo, on parle des blogueurs et blogueuses, on parle des lanceurs et lanceuses d’alerte, on parle de professionnels de la santé, on parle même des leaders locaux.

Parmi les cas emblématiques, il y a celui du journaliste togolais Ferdinand Ayité, qui a été contraint de fuir son pays après avoir accusé deux membres du gouvernement de corruption.

Ferdinand Ayité – pour ceux qui ne le savent pas – est un journaliste qui a fondé le journal Alternative, et qui a été accusé en février 2021 d’avoir publié de fausses informations au sujet du ministre de l’Urbanisme, de l’habitat et de la réforme foncière. Son journal a aussi été suspendu pendant quatre mois par la Haute autorité de l’audiovisuel, de la communication, l’organe de régulation des médias, privant ainsi le journal des revenus dont il avait besoin, surtout après une période très difficile, liée à la pandémie de Covid-19.

Mais si on va ailleurs, au Nigeria par exemple, il y a le lanceur d’alerte Ibrahim Bana qui estime avoir été arrêté 19 fois et poursuivi en justice quatre fois depuis 2016, généralement pour trouble à l’ordre public, à la suite de publications sur Facebook, de cas possible de corruption.

Encore au Niger, on mentionne le cas de la journaliste et blogueuse nigérienne, Samira Sabou, qui a été condamnée à une peine d’un an de prison et une amende de 100 dollars américains pour diffamation par un moyen de communication électronique, pour avoir relayé un article publié en 2021 par l’initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, selon lequel la drogue saisie par les autorités nigériennes avait été rachetée par des trafiquants et remise sur le marché.

Que vous répondent les dirigeants de ces États, lorsque vous les alertez sur la situation de ces défenseurs des droits humains ?

Jusqu’ici, certains États ont adopté certaines actions positives. Le Niger a essayé de réviser, par exemple, la loi sur la cybercriminalité. Mais ces actions sont rares. Donc, nous souhaiterions vraiment que les États prennent en compte les obligations qu’ils ont signé au niveau international et respectent les droits à la liberté d’expression et des réunions pacifiques – qu’ils promeuvent – et protègent les droits des défenseurs des droits humains, luttant contre la corruption et mettre fin à l’impunité des responsables d’agression et autres atteintes aux droits humains. Entre autres recommandations que nous proposons dans le rapport.

La communauté internationale a-t-elle, selon vous, un rôle à jouer pour lutter contre ces dérives ?

Oui, bien sûr. Nous exhortons les organes régionaux et sous-régionaux, tels que la Commission africaine des droits de l’homme et du peuple, à promouvoir la ratification à l’intégration dans la législation nationale, ou même la mise en œuvre complète des traités régionaux de lutte contre la corruption, ainsi que des lois garantissant la promotion et la protection des droits humains. Nous appelons à la création d’un mandat au titre des procédures spéciales des Nations unies ou d’un mécanisme similaire qui permettrait d’examiner, de contrôler l’impact et les conséquences multiples et croisées de la corruption sur les droits humains et qui pourrait apporter des conseils et des solutions dans ce domaine. On exhorte les états étrangers à soutenir, à promouvoir le travail que font les défenseurs des droits de l’homme qui luttent contre la corruption.

In RFI

Rédaction
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