(BFI) – La Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) a mis en route, le 1er septembre dernier, son mécanisme de rachat de titres publics émis par les Etats de la Cemac. D’une valeur de 600 milliards FCFA, ce programme qui vise concrètement à combler le gap qu’enregistrerait un des Etats dans le cadre d’une levée de fonds, n’a toujours pas servi.
Depuis le 1er septembre 2020, la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) a enclenché son programme de rachat des titres publics sur le marché secondaire. Ce programme, qui s’étendra jusqu’en février 2021, durera donc six mois, et offre la possibilité aux six Etats de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale) de mobiliser jusqu’à 600 milliards FCFA au total, à raison de 100 milliards FCFA par Etat.
Cependant, en plus de préciser que « les marges laissées par certains Etats pourraient être redistribuées à d’autres Etats ayant des besoins excédant 100 milliards FCFA », la Banque centrale des pays de la Cemac souligne que la durée de ce programme de rachat des titres est susceptible d’être renouvelée pour la même durée, « suivant l’efficacité constatée de ce mécanisme, et les perspectives économiques pour l’année 2021 ».
Bien que cette vanne financière soit ouverte depuis septembre 2020, aucun pays de la Cemac ne s’y est encore engouffré, un peu plus de deux mois plus tard. De bonnes sources, le Cameroun, principal animateur du marché monétaire de la Cemac depuis sa création en 2011, a bien failli inaugurer ce mécanisme spécial il y a quelques jours, pour compléter à 35 milliards FCFA l’enveloppe de 20 milliards FCFA obtenue au terme de son émission d’Obligations du Trésor assimilables (OTA) à 10 ans de maturité, effectuée le 21 octobre 2020.
Mais, apprend-on, la locomotive économique de la Cemac s’est ravisée à la dernière minute. De sources proches du dossier, face à un certain confort de sa trésorerie, le pays a préféré un abondement (réouverture des souscriptions aux mêmes conditions) annoncé pour décembre prochain, à ce nouveau mécanisme de financement, que la banque centrale présente comme faisant partie des mesures exceptionnelles et complémentaires proposées par la BEAC, pour soutenir les Etats de la Cemac face aux conséquences économiques de la pandémie du Coronavirus.
De quoi s’agit-il ?
Concrètement, le programme spécial de rachat des titres publics lancé le 1er septembre par la BEAC est « un filet de sécurité offert aux Etats de la Cemac », pour s’assurer qu’ils reçoivent l’intégralité des ressources financières sollicitées sur le marché monétaire, à des conditions de financement souples. Pour y avoir accès, l’Etat demandeur doit préalablement émettre des OTA d’une maturité inférieure ou égale à 10 ans, avoir enregistré un taux de couverture de la demande d’au moins 50% au terme de l’opération, n’avoir pas rejeté plus de 5% des offres reçues des spécialistes en valeurs du Trésor (SVT), puis justifier de la participation à l’opération d’au moins trois SVT.
Si le montant du financement recherché n’est pas atteint par tout Etat de la Cemac remplissant les conditions ci-dessus, celui-ci peut alors solliciter la banque centrale pour déclencher le mécanisme de rachat des titres sur le marché secondaire, afin de compléter l’enveloppe. La BEAC se tourne alors vers les SVT ayant participé à l’opération pour leur proposer de racheter immédiatement leurs titres à un taux d’intérêt négocié, s’ils souscrivent à la même opération à hauteur du montant restant, mais cette fois-ci au taux d’intérêt moyen pondéré obtenu au terme de l’opération initiale.
Dans ce deal, les SVT sollicités garantissent de bien meilleures marges bénéficiaires, non seulement en souscrivant à un taux moyen pondéré qui est très souvent supérieur à celui proposé par l’emprunteur au moment de l’appel de fonds initial, mais aussi en revendant aussitôt les mêmes titres à la banque centrale avec un bonus négocié d’accord parties.
Egalité des chances sur le marché monétaire…
Au demeurant, s’il semble faire les bonnes affaires des SVT, le mécanisme spécial mis en place par la banque centrale ne fait pas encore courir les Etats, notamment certains gros acteurs du marché monétaire qui le trouvent inutilement compliqué. « Au départ, nous étions curieux de savoir comment cela fonctionnerait. Parce que parler d’un marché secondaire qui influence l’enveloppe finale de l’émetteur des titres paraissait invraisemblable. Mais au final, on se rend bien compte qu’il s’agit plutôt d’une sorte de marché primaire bis et non d’un marché secondaire au sens strict », confie un cadre d’une banque agréée comme SVT sur le marché monétaire.
« Au lieu de ce procédé assez compliqué, il aurait été plus simple de racheter les titres détenus par les SVT à des taux incitatifs, afin de leur permettre d’avoir de la liquidité et pouvoir ainsi souscrire aux différents appels de fonds des Etats. Mais, on comprend bien que pareil procédé n’aurait toujours pas permis à certains Etats réputés risqués d’obtenir tout le temps la cagnotte recherchée sur le marché. C’est la raison pour laquelle certains vont jusqu’à penser qu’il s’agit d’un mécanisme mis en place surtout pour certains Etats qui ont souvent du mal à lever les fonds sollicités sur le marché monétaire [RCA, Tchad, et dans une certaine mesure la Guinée équatoriale, NDLR] », analyse un autre habitué du marché.
En effet, pour des Etats ayant une certaine cote sur le marché monétaire, et qui ont de ce fait le souci de maîtriser les coûts de leurs opérations, y compris en rejetant généralement de nombreuses offres jugées onéreuses, le mécanisme de rachat des titres, opérationnel dans l’espace Cemac depuis le 1er septembre 2020, peut finalement être un peu plus coûteux (obligation faite à l’emprunteur d’accepter les souscriptions supplémentaires au taux moyen pondéré, qui peut être plus élevé que le taux initial, NDLR), fait remarquer une source autorisée.