(BFI) – Après avoir audité le programme 422 « Accès à l’énergie » du ministère de l’Eau et de l’Énergie (MINEE) pour les exercices budgétaires de 2017 à 2021, la Chambre des comptes a conclu que les indicateurs de performance dudit programme « ne sont ni pertinents, ni fiables et qu’ils comportent des insuffisances et des incohérences majeures ».
Dans un rapport produit en novembre 2024 et rendu public le 15 mars dernier, la Chambre des comptes de la Cour suprême relève, par exemple, que l’objectif assigné à l’action 4, intitulée « Développement des sources d’énergie renouvelables autres que le bois », consistait en 2019 à « augmenter la capacité de raffinage des hydrocarbures ». Une anomalie surprenante, « les hydrocarbures ne sont pas des énergies renouvelables », fait remarquer l’institution judiciaire dans ce rapport.
Autre incohérence relevée par la Chambre des comptes : en 2020, l’indicateur de résultat de l’action 3, intitulée « Développement de l’accès aux produits pétroliers et au gaz », était défini comme la « quantité de gaz domestique mise à la consommation ». Or, cet indicateur fait totalement abstraction des produits pétroliers, soulignent les magistrats.
Pire encore, indiquent ces derniers dans leur rapport, « en 2019, la Chambre relève une incohérence entre la dotation révisée de l’action 1, de 377,2 millions de FCFA, et une consommation des crédits de paiement de 433,5 millions de FCFA, supérieure à la dotation ». Quant aux taux de réalisation technique, « ils apparaissent soit insuffisants au regard des crédits consommés, soit non renseignés, ce qui souligne à nouveau la faible pertinence des indicateurs de performance », note la Chambre des comptes de la Cour suprême.
Les magistrats de la Chambre des comptes déplorent que les subventions visant à promouvoir l’accès à l’énergie, bien qu’elles ne relèvent pas du programme 422, aient lourdement pesé sur le budget de l’État, atteignant 670,9 milliards de FCFA entre 2017 et 2021.
Sur cette période, les produits gaziers ont été subventionnés à hauteur de 152,6 milliards de FCFA, tandis que les produits pétroliers ont absorbé 518,3 milliards de FCFA.
« Si l’action 3 relative à la politique d’accès aux produits pétroliers et au gaz ne comporte aucun crédit au titre du programme 422, une politique de subvention visant à maintenir des prix bas est néanmoins mise en œuvre avec des financements extérieurs au Minee, ce qui affecte lourdement le budget de l’État », précise le rapport.
Concernant les projets « 184 et 166 localités équipées en systèmes solaires photovoltaïques au Cameroun », inclus dans le programme « Accès à l’énergie », la Chambre des comptes a constaté que « certains Délégués régionaux (du Minee) n’avaient aucune information sur les lieux où étaient implantées les installations réalisées dans le cadre de ce projet ».
« Au plan externe, des projets ont été mis en œuvre par plusieurs entités et institutions sans réelle coordination avec le Minee, pourtant ministère technique compétent. On a assisté à la mise en route de plusieurs projets similaires, conduits par des entités différentes, dans les mêmes localités, entraînant une dispersion des ressources. Cette situation révèle un manque de cohérence dans la mise en œuvre de la politique sectorielle et, in fine, un manque d’efficacité dans les interventions. »
Toutefois, la Chambre souligne que les projets réalisés par l’entreprise chinoise Huawei, dont les centrales solaires ont été rétrocédées à l’Agence de l’électrification rurale, ont atteint un niveau d’exécution satisfaisant.
« Le contrôle sur place d’un échantillon de ces centrales solaires a permis de constater leur mise en service effectif, avec des installations fonctionnelles assurant une fourniture régulière en électricité aux ménages », peut-on lire dans le rapport.
Pour rappel, le programme 422 du ministère de l’Eau et de l’Énergie comprend plusieurs axes stratégiques. Il vise l’élaboration et la mise à jour de la politique et des stratégies d’accès à l’énergie, tout en œuvrant pour l’électrification urbaine, périurbaine et rurale. Il inclut également le développement de l’accès aux produits pétroliers et au gaz, la promotion des sources d’énergie renouvelables autres que le bois, ainsi que la maîtrise de l’énergie.
Sur le plan budgétaire, ce programme a consommé 171,2 milliards de FCFA sur cinq exercices, soit une moyenne annuelle de 34,2 milliards de FCFA, représentant 17,9 % des dépenses du MINEE. Cependant, aucun crédit n’a été alloué à l’action relative au développement de l’accès aux produits pétroliers et au gaz. Cette charge a en réalité été prise en compte par d’autres organismes, notamment la Caisse de stabilisation des produits pétroliers, souligne la Chambre des comptes.