(BFI) – L’écosystème des services financiers numériques, également appelés technologies financières ou « Fintech », continue de s’établir et de croître en Afrique. Bien que l’Afrique soit en retard par rapport à d’autres régions en développement en ce qui concerne les principaux services financiers numériques, elle consolide toutefois une forte avance dans la détention de comptes d’argent mobile et la réalisation d’opérations via ces comptes, indique la Banque européenne d’investissement (BEI).
Dans son rapport 2025 « La finance en Afrique : débloquer l’investissement à l’ère de la transformation numérique et de la transition climatique », l’institution financière affirme qu’en janvier 2024, il y avait plus de 1263 entreprises de technologie financière actives en Afrique, contre 1049 en avril 2022 et 450 en 2020. Les services de paiement et de prêt restent les produits financiers numériques prédominants : 33 % des entreprises du secteur proposent des solutions de paiement et 19 % des produits de prêt.
Le secteur des technologies financières en Afrique a enregistré une croissance modérée au cours des deux dernières années, après une expansion rapide entre 2020 et 2022. En 2023, il y a eu un ralentissement marqué des investissements dans les services financiers en Afrique, tant en termes de nombre d’opérations que de montant des capitaux investis. Selon la BEI, qui cite une étude de 2024 de la Global Private Capital Association (GPCA), ce ralentissement a fait ressortir une baisse de 78 % en glissement annuel de la valeur des investissements dans le secteur des technologies financières en 2023. Cela est dû à la forte augmentation du coût du financement des investissements et des apports de capital-investissement résultant du resserrement des conditions de financement à l’échelle mondiale.
L’analyse des capitaux investis par domaine montre que les paiements et les prêts en ligne sont les principaux domaines d’investissement dans les technologies financières : 35 % des capitaux (199 millions de dollars) ont été investis dans les paiements et 27 % (156 millions de dollars) dans les prêts en ligne.
Les sociétés de capital-risque ont investi seulement 0,5 milliard de dollars dans 73 opérations ciblant des entreprises de services financiers africaines, dont des entreprises de technologie financière éditrices de logiciels. Les données préliminaires pour le premier trimestre de 2024 confirment cette tendance à la décélération, qui devrait se poursuivre pendant la majeure partie de l’année.
Cette tendance est comparable à celle observée dans d’autres régions, telles que l’Asie du Sud-Est, où la baisse de l’investissement (en valeur) était de 74,8 %, et l’Amérique latine, où la baisse était de 43,8 %. Seule exception, le Moyen-Orient a enregistré une augmentation des investissements dans les services financiers de 52,7 %, quoiqu’à partir d’une base d’investissement très faible en 2021.
L’écosystème des technologies financières représente un vaste pan du secteur financier, estimé à au moins 10 à 12 % sur la base des recettes.
Un service qui séduit
Les entreprises de technologie financière restent fortement concentrées dans les plus grandes économies d’Afrique. Le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Égypte accueillent environ 70 % des entreprises du secteur en Afrique et attirent environ 80 % des financements dans les technologies financières. Le Nigeria est le leader du marché des technologies financières et accueille 28 % de toutes les entreprises du secteur sur le continent.
Plusieurs facteurs expliquent l’adoption des technologies financières en Afrique. Les entreprises de technologie financière en Afrique proposent des services financiers jusqu’à 80 % moins chers, selon les estimations, que les services bancaires traditionnels et des taux de rémunération de l’épargne jusqu’à trois fois plus élevés.
D’autres facteurs non tarifaires contribuent à l’essor des technologies financières : des smartphones plus abordables et une pénétration accrue de la téléphonie mobile ; une pénétration accrue de la connectivité Internet, notamment la 4G et la 5G ; un vivier toujours plus étoffé de techniciens expérimentés ; une population jeune et technophile avide de services liés à la technologie ; l’urbanisation ; le passage d’une économie informelle à une économie formelle.
Le choix de l’accessibilité
Malgré le développement rapide des fintechs, les services d’argent mobile continuent de jouer un rôle clé dans le développement des services financiers numériques en Afrique, où l’accès à Internet reste un défi malgré l’amélioration de la connectivité enregistrée. Moins de 50 % de taux d’accès, selon l’Union internationale des télécommunications. Les données fournies par le rapport 2024 de l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA) montrent que pour le seul mois de décembre 2023, le total des opérations en argent mobile en Afrique subsaharienne a augmenté de 2,0 % en valeur nominale et de 9,6 % en volume par rapport à décembre 2022, passant de 79,4 milliards de dollars à 80,9 milliards de dollars.
L’ensemble du continent africain (y compris l’Afrique du Nord), avec ses 269 services Mobile Money actifs, représente environ trois quarts des opérations financières effectuées par mobile dans le monde en volume (74 %) et deux tiers en valeur (66 %). La part de l’Afrique du Nord ne s’élève toutefois qu’à 0,2 % et 0,5 %, respectivement. La valeur totale des opérations en argent mobile en Afrique subsaharienne est passée d’environ 832 milliards de dollars en 2021 à 912 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 9,6 % par rapport à une augmentation moyenne mondiale de 11,5 %.
S’agissant du nombre d’opérations, l’augmentation annuelle est de 37,8 % pour l’Afrique subsaharienne, contre une augmentation moyenne de 32,2 %. L’Afrique de l’Est est à nouveau la première région du continent et représente environ 53 % des opérations en argent mobile en valeur et 61 % en volume. L’Afrique de l’Ouest, qui est tirée par le Nigeria, vient en deuxième position avec 38 % des opérations en argent mobile en valeur et 31 % en volume.
L’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest représentent environ 90 % de toutes les opérations en argent mobile sur le continent (tant en volume qu’en valeur). La place prépondérante de ces régions dans l’écosystème numérique africain s’explique par l’importante population urbaine et jeune, par le nombre de connexions mobiles et par la présence de plateformes numériques gérées par les opérateurs de téléphonie mobile. Les comptes d’argent mobile sont devenus un vecteur majeur de l’inclusion financière des femmes en Afrique subsaharienne. La BEI soutient que des données de Brookings (2024) et de la Banque mondiale (2022) montrent que l’argent mobile se substitue aux comptes auprès de banques physiques traditionnelles.