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Faut-il décliner les partenariats publics-privés à de nouveaux secteurs d’activité ?

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(BFI) – Alors que les partenariats publics-privés (PPP) se sont imposés dans le financement des infrastructures énergétiques, le secteur privé africain n’y répond encore que très marginalement. Entre complexité des montages financiers et risque de soutenabilité budgétaire, faut-il faire évoluer les « PPP » vers les « PP-PME » en y intégrant de nouveaux secteurs d’activité ?

Selon la Banque africaine de développement (BAD) les besoins en infrastructures sur le continent, se situent entre 130 milliards et 170 milliards par an, alors que les engagements sont compris entre 67 milliards et 83 milliards. L’état de sous-dotation est particulièrement net en matière d’électricité, car avec 44%, l’Afrique enregistre le taux d’électrification le plus bas au monde. Un Africain consomme en moyenne l’équivalent de 4% de la consommation d’un Nord-Américain. Avec 26 % de ses habitants ayant accès à l’électricité (contre 89 % à l’échelle mondiale), le Sahel est plongé dans le noir.

Ce constat ne doit cependant pas occulter l’hétérogénéité des situations ni les progrès accomplis dans certains pays, à l’instar du Sénégal. « Nous devrons investir 600 milliards de Fcfa afin que nos compatriotes qui vivent encore à l’ère de la bougie et de la lampe à pétrole accèdent, enfin, à l’électricité », déclarait le président du Sénégal, à l’occasion de sa dernière allocution de fin d’année à la Nation. Le pays qui enregistre un taux d’électrification de 64 %, s’est engagé à investir 1Md USD dans l’électrification rurale à l’horizon 2023, pour recouvrir les dernières zones d’ombres au tableau de l’émergence sénégalaise…

Du côté de la méditerranée, Aziz Rabbah, le ministre de l’Energie, des mines et de l’environnement du Royaume du Maroc a rappelé qu’« en 20 ans, l’électrification rurale au Maroc est passée de 22% à plus de 99% », lors du live « Global Mind Talks » du 16 juillet, organisé par le cabinet de conseil Global Mind Consulting et consacré au financement des infrastructures africaines, qui a réuni plusieurs experts de haut niveau. « Nous sommes en train de passer à un taux d’électrification qui nous permet non seulement l’éclairage, mais aussi le développement d’activités dans le monde rural », s’est-il félicité. En effet, l’électricité qui continue de concentrer un grand nombre de PPP, ne s’accompagne pas toujours de développement. Aussi, afin de renforcer leurs impacts, l’idée de les décliner à de nouveaux secteurs d’activité commence à creuser son sillon en terres africaines.

De la polarisation du secteur énergétique à la diversification

« Longtemps, les pays africains ont eu recours à la dette souveraine pour financer leurs infrastructures, avec une forte présence d’acteurs comme la Turquie et bien sûr la Chine,» explique Moustapha Sow, CEO de SF Capital, considérant qu’« il est devenu crucial de revoir la manière de financer les infrastructures après le Coronavirus (…) La capacité d’endettement qui est de plus en plus réduite nous oblige à recourir aux partenariats publics privés (PPP), dont les modèles pourraient servir au financement des infrastructures sanitaires, par exemple », a-t-il ajouté.

A ce jour, les projets de PPP en matière d’agriculture se multiplient et la santé pourrait bien connaître un regain d’intérêt, suite à la pandémie de SARS-CoV-2. Il faut dire que les besoins sont criants. Une étude de la RAND Corporation révélait en 2016 que, sur les 25 pays les plus vulnérables aux maladies infectieuses, 22 se trouvaient en Afrique (les autres étant l’Afghanistan, le Yémen et Haïti). Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Afrique fabrique moins de 2 % des médicaments qu’elle consomme. Elle ne bénéficie que de 1,3 % des ressources financières mondiales dédiées à la santé et ne dispose que de 3 % des professionnels de santé aussi, introduire les PPP dans le financement des infrastructures médicales pourrait bien servir d’accélérateur. Pour ce faire, « il est important de revoir la réglementation après cette période de pandémie » prévient Moustapha Sow, conscient que « peu de pays ont mis en place des lois sur les PPP ».

A quelques exceptions près, comme le Maroc, le Sénégal ou le Rwanda, l’harmonisation des textes réglementaires demeure aléatoire. Néanmoins au niveau régional, certaines initiatives comme la « Vision CEMAC 2025 » et les « lignes directrices relatives aux PPP du COMESA », viennent supporter l’amélioration de l’environnement des affaires, favorisant des PPP qui, en quelques années, sont devenus incontournables en matière de financement des infrastructures. Pourtant, le secteur privé (notamment africain), ne répond encore que marginalement à ces besoins. A titre d’exemple, au niveau des infrastructures de transport et d’énergie, l’investissement privé a représenté 50Mds USD en Afrique sur les 25 dernières années, soit 6 fois moins qu’au Brésil, selon le rapport « Infrastructure Financing in Sub-Saharan Africa, 2017 » de Boston Consulting Group (BCP).

Un secteur privé africain pas suffisamment impliqué

Qui dit « PPP », dit aussi « grands projets » où les entreprises africaines brillent encore par leur absence… Pour le ministre de l’Energie, des mines et de l’environnement du Maroc « la pratique des PPP, en particulier dans les infrastructures, demande des compétences importantes » et suppose un recours à des consortiums intégrant à la fois des entreprises internationales et des entreprises locales. Alors que le ministre du royaume chérifien évoque les « compétences », le ministre du Sénégal revient sur les capacités financières : « Si vous voulez construire une autoroute comme Illa-Touba (l’autoroute reliant Thiès à Touba, réalisée par une entreprise chinoise pour un coût de 416 milliards de Fcfa), vous n’avez pas beaucoup d’entreprises locales capables de lever les financements », déclare Abdou Karim Fofana. « Lorsque les entreprises sénégalaises ont les moyens de financer ces projets, nous le faisons. D’ailleurs, la réalisation de la deuxième sphère ministérielle de Diamniadio a été confiée au groupe Teyliom et plusieurs entreprises régionales sont entrées dans des consortiums, aux côtés de groupes internationaux. Par ailleurs, 55% des travaux du TER [Train Express Régional, ndlr] sont réalisés par des entreprises de droit sénégalais comme la Sertem ou encore la Compagnie Sénégalaise d’Entreprises (CSE) », a ajouté le ministre.

Pour Aziz Rabbah, il faut opter de façon générale, pour « une certaine préférence nationale, qui est d’ailleurs pratiquée à l’échelle mondiale, pour donner «un plus» à l’entreprise de droit marocain (…) La sous-traitance doit être locale ». Il a précisé par ailleurs que les travaux de grandes infrastructures devaient s’accompagner d’un « impact sur le développement local, notamment en termes d’emploi », considérant qu’il faut reconnecter les populations locales avec le gigantisme de certains projets (qui ne les affectent parfois, que de façons négatives à travers des nuisances sonores et/ou environnementales).

De son côté, Edoh Kossi Amenounve, le Directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) milite pour le développement de l’épargne qui serait à terme, redirigée vers des projets d’infrastructures et encourage les Africains à s’appuyer sur les émissions obligataires et sur les project-bonds. « Le marché de liquidités n’est pas assez plébiscité en Afrique », abonde Moustapha Sow, qui attend une plus forte mobilisation de la diaspora et des Business Angels, mais aussi, plus d’initiatives de la part des acteurs du secteur privé africain en direction de leurs partenaires internationaux.

La feuille de route est dressée, mais les PME africaines ne pourront pas prendre le train en marche sans bénéficier de mesures d’accompagnement fortes de la part de leur gouvernement respectif. Entre dimension budgétaire et complexité réglementaire, elles seront également soumises à la concurrence des PME frontalières -bientôt facilitée par la Zone économique de libre-échange africaine (Zleca)-, mais aussi à celles de leurs homologues turques, françaises ou chinoises.

Le Point Afrique

Rédaction
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