(BFI) – Selon la Banque mondiale, l’Afrique aurait connu plus de 2.000 catastrophes naturelles depuis 1970 et la moitié d’entre elles se seraient produites ces dix dernières années. Ces évènements ont fait plus de 460 millions de sinistrés. Pourtant, rares sont les polices assurantielles qui les couvrent.
Partout dans le monde, les catastrophes naturelles se multiplient, du fait notamment du réchauffement climatique. Feux de brousse, extrêmes sécheresses, pluies diluviennes et inondations sont désormais des évènements fréquents, quel que soit la saison ou la région. Ces catastrophes naturelles, de gravité variable causent des dommages s’élevant à plusieurs milliers de dollars. En zone CIMA, aucun acteur ne semble souhaiter en porter le coût.
En effet, si les catastrophes naturelles sont des sources croissantes de préoccupation parce qu’elles bouleversent et fragilisent nos économies, elles inquiètent également les assureurs africains du fait du coût qu’elles représentent. Les risques naturels sont par ailleurs complexes : imprévisibles et irrésistibles, ils tombent trop souvent sous le coup de la force majeure en zone CIMA. Dès lors et en application du Code CIMA, « sauf convention contraire », ils demeurent inassurés, ou sont soumis à des clauses supplémentaires qui provoquent des coûts très élevés. Cela s’applique également aux risques agricoles, très soumis aux aléas climatiques et dont l’activité représente plus de 25% du PIB africain selon l’Alliance pour une Révolution Verte. Ce sont donc les particuliers et les professionnels de secteurs d’activité clés pour la croissance de nos pays, qui sont dépourvus de protection assurantielle face à ces risques, qui se multiplient.
Il est absolument indispensable de créer un cadre juridique dédié aux catastrophes naturelles en zone CIMA. Ces risques doivent être assurés : il en va du développement de nos économies et de la protection de nos populations. Pour se faire, tous les acteurs, privés comme publics, doivent être impliqués. Plusieurs dispositifs existent, entre les états, et par les états aux bénéfices des particuliers.
En matière de catastrophe naturelle, la crainte de tous les acteurs du secteur assurantiel est la même : ce sont des risques qui coûtent cher et qui sont imprévisibles. Dès lors, les couvrir est trop risqué : il n’est pas possible de savoir la probabilité de réalisation de l’évènement, de l’anticiper ou de l’empêcher. Et lorsqu’il se réalise, il engendre des dommages très couteux. Pour pallier cela, plusieurs projets-pilotes d’assurances climatiques indicielles ont été menés. Comme son nom l’indique, l’assurance indicielle est liée à un indice : des données météorologiques fournies par des stations terrestres ou des satellites sont ainsi en mesure d’indiquer les risques de pluie, d’intempéries et donc, d’accidents climatiques. C’est un mécanisme efficace, qui permet de pallier les lacunes de l’assurance classique. En 2012, les états membres de l’Union africaine ont ainsi mis en œuvre un dispositif qui s’en inspire. Ils ont en effet adopté un accord portant création de l’institution de la Mutuelle Panafricaine de gestion des Risques qui a lui-même créé une compagnie d’assurance – ARC Insurance Company Limited – destinée à fournir des financements d’urgence aux États membres de l’Union africaine contre paiement d’une prime.
L’ARC fait usage d’un système d’assurance indicielle pour couvrir les risques de sécheresse, d’inondation, de cyclone et d’épidémie. La mise en œuvre de ce dispositif n’est pas assez efficace au sein de l’Union africaine. Son application doit être étendue, accélérée et approfondie. L’ARC est l’un des meilleurs moyens de répondre aux besoins des états en matière de catastrophe naturelle, en ce qu’il permet de mutualiser les risques auxquels ils sont confrontés. Il est donc impératif de consolider ce dispositif.
Pour autant, l’ARC n’est pas une solution aux besoins des particuliers en matière de catastrophes naturelles. Dans ce cas, ce sont les états qui doivent se mobiliser afin d’apporter un support financier aux assureurs, via, notamment, la réassurance intégrale contre les catastrophes naturelles. Ce mécanisme est utilisé dans de nombreux états : les assureurs peuvent obtenir réassurance intégrale auprès d’une caisse centrale de réassurance, crée et financée par l’État. Celle-ci est chargée de concevoir, mettre en œuvre et gérer des instruments performants répondant à des besoins de couverture de risques exceptionnels, au service de ses clients et de l’intérêt général.
Qu’il s’agisse de l’assurance indicielle climatique ou de la réassurance intégrale, il existe des modèles permettant de mieux appréhender les catastrophes naturelles au sein de la CIMA et dont il est indispensable de se saisir. Les acteurs de l’assurance et les législations applicables ne sauraient, seuls, supporter ce poids.
Un engagement global, politique, économique et sectoriel est nécessaire. Agir de manière responsable, protéger nos pays et nos populations face au réchauffement climatique, c’est aussi cela.
Dominique Diagou Ehilé, Directrice générale adjointe du Groupe NSIA