(BFI) – En 2012 et 2022, le Cameroun a enregistré plus de 123 milliards de Fcfa de pertes financières en raison des retards dans l’exécution des projets d’investissement financés par des bailleurs internationaux. Un déficit de performance qui pèse lourdement sur les finances publiques et freine l’impact des infrastructures promises.
Selon une récente analyse du Fonds monétaire international (FMI), 20 grands projets d’investissement adossés à des financements extérieurs ont accusés d’importants retards de mise en œuvre, entrainant 123 milliards de Fcfa de surcoût cumulés sur la décennie. Cela représente 0,4 % du PIB du Cameroun et plus de 16% du service de la dette extérieure en 2022. Ces projets qui concernent notamment l’énergie, les transports et l’accès à l’eau devraient être exécutés dans les délai de grâce prévu par les bailleurs internationaux, généralement de 5 ans. Mais dans la majorité des cas, ces retards ont dépassé deux ans, et certains chantiers ont mis plus de dix à aboutir.
A l’expiration des périodes de différé d’amortissement, moins de la moitié des montants prévus avaient été mobilisés. Même les projets appuyés par les institutions multilatérales, réputées pour leur rigueur, ont affichés des retards notables. Pour les financements bilatéraux ou commerciaux, moins d’un tier des projets ont respecté les délais initiaux. Ces retards entraînent une série de conséquences en chaîne : flambée des coûts, pertes fiscales, baisse de la qualité des projets mais surtout un déséquilibre budgétaire puisque l’Etat commence à rembourser les prêts sans que les projets associés ne commencent à générer des bénéfices.
Des retards qui coutent chers
Le Fmi rappelle qu’un décalage de 10% sur le calendrier initial peut engendrer une hausse de 5% des coûts. Le cas du Cameroun, où les retards sont endémiques, les dépassements peuvent atteindre 25%, selon les données techniques citées par l’institution. Ces surcoûts s’expliquent notamment par la fluctuation des prix des matériaux, les interruptions de chantiers, les renégociations de contrat et, parfois, par des pratiques de corruption.
Outre des surcoûts, les retards engendrent des manques à gagner importants pour l’Etat. Le FMI cite en exemple un projet d’adduction d’eau à Yaoundé, donc les retards de mise en service entraînent 6,2 milliards de Fcfa de perte fiscale par an, soit près d’1/3 du budget national dédié au filets sociaux. Par ailleurs, lorsque des remboursements de prêts débutent sans que les infrastructures soient opérationnelles, l’Etat doit puiser dans ces ressources courantes pour honorer ses engagements, au détriment d’autres priorités sociales ou productives.
Le FMI pointe du doigt des faiblesses à tous les niveaux de la gestion des projets publics. Très souvent, des projets sont inscrits au budget public sans étude de faisabilité sérieuse, ni pris en compte de la maturité technique, financière ou réglementaire requise.
Le diagnostic est connu : dès 2020, une évaluation conjointe sur la gestion des investissements publics (EGIP) dénonçait l’absence d’une chaîne d’évaluation robuste depuis la planification jusqu’à l’exécution.
Des réformes urgentes et systémiques
Face à ce constat, le FMI appelle à un renforcement structurel de la gouvernance des investissements publics. Il préconise une revue rigoureuse des processus de préparation des projets, afin de s’assurer qu’ils soient techniquement, financièrement et réglementairement mature avant d’être budgétisés. L’institution souligne également la nécessité de supprimer les chapitres budgétaires communs, donc l’existence complique la traçabilité des dépenses publiques et de réduire le recours aux procédures budgétaires exceptionnels, souvent jugées opaques et difficile à contrôler. Par ailleurs, le FMI insiste sur l’importance d’intégrer des critères de durabilité, notamment climatique, dès la phase de planification, tout en renforçant les capacités techniques des administrations en charge de l’exécution.
En somme, au-delà des pertes financières, ce sont l’efficacité de l’action publique et la crédibilité budgétaire du pays qui sont en jeu. Dans un contexte de pression sur les finances publiques, améliorer la gestion des projets d’investissement n’est plus une option, mais une nécessité stratégique pour le Cameroun.