(BFI) – Chacun sait que dans le moment difficile où nous vivons, l’Etat Camerounais se trouve, comme les gouvernants de toutes les nations dites « émergentes », confronté au problème apparemment insoluble du paiement de ses dettes intérieure et extérieure. Ayant atteint un montant astronomique avant même que la pandémie de Covid-19 vienne encore les alourdir, ces dettes plombent l’économie nationale d’une façon dramatique et rendent donc très incertain le rebond que nous attendons tous.
Mais à ce qui précède il convient aussitôt d’ajouter que le règlement de la dette intérieure doit impérativement figurer en tête des priorités actuelles des autorités publiques Camerounaise. S’il est vrai, en effet, que les engagements pris à l’égard des grandes puissances comme la Chine, des riches « traders » pétroliers et des grandes institutions internationales devront être respectés le plus rapidement possible comme l’exige l’accord de principe conclu avec le FMI, il l’est plus encore que si l’argent dû sous une forme ou sous une autre par l’Etat, ses administrations, ses entreprises publiques aux créanciers privés ne rentre pas très vite dans les caisses de ces derniers l’économie nationale s’effondrera.
Nous évoquons ici et maintenant cette question parce que remontent vers nous, par différents canaux fiables, des alertes fortes. Durement frappés par le non-paiement des sommes qui leur sont dues, les entreprises, les artisans, les commerçants n’ont, en effet, plus accès au crédit qui leur permettrait de franchir les obstacles élevés sur leur route par la double crise de l’effondrement des cours de l’« or noir » sur les marchés mondiaux et par la chute du commerce générée par le confinement du coronavirus. Ceci parce que les banques et les organismes de crédit sans lesquels un financement durable des activités économiques serait impossible paient eux-mêmes au prix fort les effets de la dépression économique.
Nous devons néanmoins apprécier les efforts fournis par le gouvernement camerounais qui a mis en paiement, depuis le 29 janvier 2020, une enveloppe globale de 100 milliards de Fcfa au profit des opérateurs économiques prestataires de l’État dans le but d’un apurement progressif de sa dette intérieure. Mais ce qu’il faut aussi retenir est que les prestations concernées par ces paiements, apprend-on, remontent aux exercices budgétaires 2018 et antérieurs. « Ces paiements participent de la volonté du gouvernement de poursuivre l’assainissement des finances publiques et de réduire progressivement les délais de paiement, afin de les contenir dans les 90 jours après ordonnancement, conformément aux directives de la Cemac », souligne le communiqué du ministre camerounais des Finances.
En dépit des efforts d’apurement consentis par les pouvoirs publics, cette dette vis-à-vis des entreprises demeure importante. À titre d’exemple, selon le Projet de performance des administrations (PPA) du ministère des Travaux publics pour l’exercice 2020, les entreprises du BTP, à elles seules, réclament à l’État plus de 200 milliards de FCFA pour des travaux exécutés sur les chantiers routiers.
Dans un tel contexte, il est évident que la solution ne peut venir que de l’Etat lui-même et que, par conséquent, les plus hautes autorités doivent faire en sorte que le règlement de la dette intérieure prenne le pas sur le règlement de la dette extérieure. Si ce n’est pas le cas et si les acteurs économiques nationaux ne reçoivent pas très vite ce qui leur est dû, l’on peut être certain que la crise actuelle va prendre une dimension dramatique, jamais vécue par notre pays.
André Noir