(BFI) – Incitations pour les importateurs de denrées alimentaires, mesures fiscales « stimulantes », aide à la production pharmaceutique locale… La Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies (UNECA), s’est penchée sur les menaces qui pèsent sur le continent, et propose des pistes d’action.
La Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies (UNECA), dirigée par Vera Songwe, s’est penchée sur l’impact du covid-19 sur les économies africaines et lance quelques pistes pour remédier au mal induit par l’épidémie qui risque de toucher certains pays de plein fouet.
Dans un rapport du 13 mars, la Commission économique pour l’Afrique (CEA) se base sur des chiffres (cas et pays touchés) du 11 mars. À l’époque, le nombre de cas comptabilisés dans le monde est de 118 000, dont 50 en Afrique. Mais, relèvent les analystes, l’impact économique, lui, est d’ores et déjà important.
Fuites de capitaux
La crise sanitaire mondiale aura pour l’Afrique de plus en plus connectée avec le monde un impact très important. Les experts estime que les échanges commerciaux entre l’Afrique, la Chine et l’Europe (désormais nouveau foyer de contamination) et le reste du monde seront affectés, avec des conséquences directes et indirectes pour les économies.
Vera Songwe, secrétaire exécutive de l’UNECA, estime qu’au Nigeria, les revenus tirés de l’exportation de pétrole pourraient chuter de près de 20 millions de dollars en 2020, et chiffre à plus de 101 millions de dollars les pertes à l’échelle du continent.
Les difficultés du tourisme et le ralentissementéconomique dans le monde entier, entrainant un arrêt des transferts des travailleurs à l’étranger, va aussi pénaliser les ressources en devises de nombreux pays africains.
Du point de vue des investissements, les analystes redoutent la fuite des capitaux, des marchés locaux sous tension, et des investissements étrangers directs en déclin.
Aggravation des dettes
La commission estime qu’à l’échelle du continent, les conséquences de la propagation du virus pourraient faire chuter la croissance de 3,2 % à 1,8 % (estimation pour mars 2020) – avec de fortes disparités. Le PIB du Gabon et celui de la Guinée équatoriale risquent ainsi de chuter de 17 %, quand celui du Cameroun pourrait perdre 3 %.
Dans la région Afrique centrale, dont le premier partenaire commercial est la Chine, certains pays, comme le Congo, le Gabon ou l’Angola, dépendent beaucoup des exportations de pétrole, risquent de beaucoup souffrir de la chute des cours. D’autres, comme le Rwanda ou Sao Tomé et Principe, seront davantage frappés par l’arrêt du tourisme, estiment les experts. Les économies les moins affectées seront les moins productives, comme le Burundi et la Centrafrique.
Près de deux tiers des pays africains sont des importateurs nets de produits alimentaires de première nécessité
Et le rapport de faire la liste des effets ressentis dans les pays africains : perte de valeur en raison des perturbations des chaînes de production, baisse des revenus pétroliers, chômage par manque d’investissement, augmentation des dépenses de santé (évaluée à 10,6 milliards de dollars, cette estimation est certainement à revoir à la hausse plus l’épidémie avance sur le continent).
Toutes les pertes de revenus pourraient entraîner la création ou l’aggravation des dettes difficilement soutenables.
Augmentation des prix et disponibilité moindre des produits pharmaceutiques
Les pays qui dépendent beaucoup des importations, notamment alimentaires, sont très exposés : « Près de deux tiers des pays africains sont des importateurs nets de produits alimentaires de première nécessité », souligne le rapport qui craint des pénuries de nourriture et une menace pour la sécurité alimentaire.
Autre motif d’inquiétude : le prix des produits pharmaceutiques, pour beaucoup importés d’Europe ou de pays partenaires sur le front du combat contre le Covid-19. Les experts redoutent l’augmentation des prix et une disponibilité moindre pour les Africains, qui sera encore plus dramatique si l’épidémie gagne du terrain sur le continent.
L’entrée en vigueur de la Zleca, une lueur d’espoir ?
La CEA propose aux États de procéder à des révisions budgétaires pour inclure des incitations pour les importateurs de denrées alimentaires, afin que la sûreté alimentaire soit assurée, ainsi que des mesures fiscales « stimulantes », qui sont cruciales, selon Stephen Karingi, directeur de l’intégration régionale et de la division du commerce.
Ce dernier estime en outre que, l’entrée en vigueur de la Zleca, prévue pour juillet prochain, « pourrait aider à minorer certains effets négatifs du Covid-19 en limitant la dépendance aux partenaires extérieurs notamment dans les secteurs pharmaceutiques et alimentaires », en encourageant les pays africains producteurs de médicaments à prioriser le marché continental.
Félix Victor Dévaloix