AccueilFinanceDetteComprendre la dette : ce que chaque citoyen devrait savoir

Comprendre la dette : ce que chaque citoyen devrait savoir

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Je souhaite aujourd’hui partager une explication claire et accessible sur un sujet économique que je maîtrise particulièrement bien : la dette publique. L’objectif n’est pas seulement de vous informer, mais aussi d’élargir vos perspectives sur ce thème crucial, souvent invoqué à tort comme un fardeau insoutenable pour notre économie — notamment à travers le chiffre de 7 000 milliards de francs CFA empruntés par le Gabon au cours des quatorze dernières années. Mais alors, qu’est-ce qui fait qu’une dette est viable ? Quelles sont les variables à maîtriser pour s’endetter de manière intelligente et durable ? Je vais, dans cette tribune, revenir sur cinq éléments fondamentaux qui permettent de construire une stratégie d’endettement cohérente, et parcourir chacun d’entre eux de manière simple mais rigoureuse.

Premièrement, le ratio dette/PIB. Aujourd’hui, ce ratio tourne autour de 60 % au Gabon. Cela signifie que la valeur totale de notre dette représente 60 % de notre richesse nationale annuelle. Ce niveau reste dans la norme définie par les critères de convergence de la CEMAC. Il est donc considéré comme soutenable, tant que nos recettes fiscales nous permettent de rembourser la dette, financer nos dépenses courantes, et investir pour l’avenir.

Deuxièmement, la nature des créanciers. Depuis quelques années, le Gabon se tourne de plus en plus vers les marchés de capitaux plutôt que vers les organismes multilatéraux comme la Banque mondiale, le FMI, la BAD ou encore la BIRD. Pourquoi ce changement ? Les marchés de capitaux permettent de mobiliser des ressources rapidement, même si les maturités sont plus courtes (généralement autour de dix ans). Grâce à des notations relativement stables (comme BB− chez Standard & Poor’s ou Moody’s ou Fitch), le Gabon reste éligible à ces financements avec des conditions relativement acceptables. Cela étant, les prêts des institutions multilatérales présentent l’avantage de taux concessionnels attractifs et de maturités longues, mais ils imposent également des contraintes d’utilisation plus strictes. À mon sens, cette exigence est saine pour des pays comme le nôtre, même si elle bouscule parfois la souveraineté nationale.

Troisièmement, la devise d’endettement. Le choix de la devise dans laquelle un pays emprunte est fondamental. Il est toujours préférable de s’endetter dans sa monnaie locale ou dans une devise à parité fixe avec celle-ci. Dans le cas du Gabon, emprunter en franc CFA ou en euro est stratégique, car cela permet de limiter le risque de change. En revanche, un emprunt en dollars expose nos finances publiques à la volatilité des marchés. Si le dollar s’apprécie, notre dette en dollars devient mécaniquement plus lourde à rembourser, ce qui alourdit nos charges financières. C’est pourquoi une bonne stratégie d’endettement devrait viser à ce que l’essentiel du stock de notre dette soit libellé en CFA ou en euros, et très peu en dollars.

Quatrièmement, le type de taux d’intérêt. Je recommande personnellement le recours à des taux fixes, même s’ils sont légèrement plus élevés au départ. Leur avantage est la prévisibilité des remboursements : l’État sait exactement ce qu’il devra payer sur toute la durée du prêt. À l’inverse, un taux variable, qui peut sembler moins onéreux au départ, peut s’alourdir au fil du temps selon les conditions du marché. Cette incertitude peut devenir une menace pour nos finances publiques, surtout en période de volatilité monétaire ou économique.

Enfin, cinquièmement, la question de la viabilité et de la finalité de la dette. Avons-nous les ressources nécessaires pour honorer nos engagements ? Notre fiscalité est-elle suffisamment robuste pour couvrir à la fois les dépenses courantes, les remboursements de la dette et les investissements indispensables au développement ? L’endettement peut être sain à condition qu’il finance des projets structurants : infrastructures routières, barrages hydroélectriques, écoles, hôpitaux… Des investissements qui créent les conditions d’une croissance durable, génèrent des recettes futures, et renforcent la capacité de remboursement du pays. C’est cette logique qu’il nous faut promouvoir : s’endetter, oui, mais pour bâtir.

Thierry Biyogo, Expert Financier

Rédaction
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