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Comment les PME africaines révolutionnent les systèmes alimentaires locaux

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Si les segments intermédiaires dans les chaînes de valeur ont toujours existé sur le continent, c’est dans l’édition 2022 de son rapport « Africa’s Pulse » que la Banque mondiale s’est véritablement penchée sur la question. Selon l’institution, ce réseau d’intermédiation est sans aucun doute à l’origine de la mue que connaissent actuellement les systèmes alimentaires urbains depuis quelques décennies.

Une révolution tranquille au quotidien 

Sans tambour ni trompette, les petites et moyennes entreprises (PME) opérant sur le maillon des segments alimentaires ont pris une place cruciale dans l’approvisionnement des villes africaines confrontées à une demande croissante en produits alimentaires et une urbanisation rapide.

Alors que les produits importés alimentent toujours les citadins, les PME contribuent de leur côté à mobiliser quotidiennement et acheminer les denrées alimentaires des zones rurales vers les zones de grande consommation. Elles participent ainsi au changement de statut de cultures alimentaires dites « vivrières » comme le manioc, le taro, le macabo, la patate douce, le mil, le sorgho et l’igname en des produits agricoles majoritairement commercialisés dans les zones urbaines et péri-urbaines. 

Au-delà de ce simple rôle de liaison permettant de renforcer les économies rurales, celles-ci participent activement à l’ajout de valeur en aval à travers des opérations comme le nettoyage, le tri, la mouture, le conditionnement et la mise sur le marché de produits transformés comme les semoules, les farines ou encore les granules.

« La transformation de cette chaîne de valeur [du teff] a permis de produire de la farine de teff et de l’enjera (pain plat) de meilleure qualité, au lieu de vendre du teff rouge non moulu, moins cher, que les ménages doivent nettoyer et moudre eux-mêmes. Cette évolution a entraîné la multiplication de moulins/ détaillants (généralement des PME) et d’entreprises productrices d’enjera, ainsi qu’une demande accrue de services de suivi pour la livraison à grande échelle dans des villes plus éloignées », indique la Banque mondiale. 

Selon l’institution financière, les segments intermédiaires représentent actuellement 30 à 40 % de la valeur ajoutée des chaînes de valeur alimentaires et contribuent à l’augmentation de la gamme de nutriments disponibles pour les consommateurs.  

Cette importance a également été soulignée par la FAO dans son rapport 2023 sur l’état de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le monde. D’après l’organisme onusien, les PME opérant en Afrique subsaharienne dans les segments intermédiaires assurent 95 % de l’offre pour les petites exploitations agricoles et sont les entreprises qui investissent le plus dans les marchés de produits agricoles de la région. 

Des opportunités pour le développement des chaînes de valeur nationales

Même si l’importance de ce maillon est reconnue, la Banque mondiale souligne que les pouvoirs publics se concentrent essentiellement pour l’heure sur les réformes politiques extérieures dans le cadre des chaînes de valeur mondiales (CVM).

Avec les impératifs liés à l’équilibre de la balance commerciale agricole, la priorité est en effet donnée dans la majeure partie des pays africains à la croissance des exportations et la réduction des importations sur le marché international négligeant l’effet d’entraînement des segments intermédiaires sur les marchés locaux.

En connectant les producteurs et les consommateurs à travers les opérations variées et parfois sur de longues distances, les segments intermédiaires permettent en effet de bâtir des chaînes de valeur nationales (CVN) agroalimentaires.  

Contrairement aux CVM qui sont fortement concurrentielles et dont l’insertion pour les pays africains nécessite non seulement des investissements directs étrangers (IDE) mais aussi des compétences élevées en matière de gestion et de commerce, les CVN offrent la possibilité aux pays africains de développer la consommation de produits locaux et de limiter la vulnérabilité aux chocs internationaux.

« La plupart des produits alimentaires, et notamment les aliments transformés, ne sont pas commercialisés à l’échelle internationale, mais sont consommés dans le pays qui les fabrique. Par conséquent, l’agenda politique devrait également mettre l’accent sur le renforcement des chaînes de valeur nationales (CVN) dans les systèmes agroalimentaires des pays de la région », préconise la Banque mondiale.

Loin de se replier sur elles-mêmes, les PME agroalimentaires impliquées dans les CVN pourraient notamment bénéficier des retombées des chaînes de valeur mondiales en termes d’innovations technologiques et de meilleures pratiques pour améliorer la qualité des services et des produits proposés localement.

« À Madagascar, les agriculteurs ont utilisé de meilleures pratiques de gestion des sols et de l’eau introduites par les agents de vulgarisation des exportateurs de légumes frais pour augmenter la production de bétail et de riz destinée aux marchés intérieurs », indique la Banque mondiale.

Un besoin d’investissements publics

En Afrique subsaharienne, la population urbaine dépasse déjà les 40 %. Au cours des prochaines décennies, cet effectif devrait encore croître, accompagné par une expansion de la classe moyenne dans les grandes métropoles. Ce mouvement d’ensemble devrait pousser davantage le marché alimentaire urbain dans cette zone à fort potentiel démographique.

Dans un tel contexte, il faudra davantage de soutien public pour que les acteurs des segments intermédiaires puissent se mettre en ordre de marche pour profiter d’un marché alimentaire urbain en Afrique subsaharienne (ASS) prévu pour générer 300 milliards $ d’ici 2030 selon la FAO.

Malgré leur résilience, les PME doivent faire face à de nombreux défis comme l’absence de dessertes rurales pour le transport des produits vers les marchés, les moyens limités pour l’acquisition de matériels de petite transformation ou encore la maîtrise de la qualité sanitaire des produits.

Selon la Banque mondiale, les solutions existent pour permettre aux entreprises de gagner en efficacité, à travers un renforcement des investissements publics dans les infrastructures rurales comme les routes, les lignes de chemin de fer. A cela s’ajoutent les investissements dans les marchés de gros et le renforcement des réglementations commerciales et les normes publiques, notamment sanitaires.

« Des investissements visant à élargir l’accès aux services d’électricité et à en améliorer la fiabilité sont nécessaires pour la transformation de certains produits agricoles, les innovations dans le secteur des énergies renouvelables constituant une option supplémentaire. Des investissements du secteur privé sont également nécessaires de la part des petits et moyens opérateurs, notamment les camionneurs, les propriétaires d’entrepôts, les meuniers, les exploitants d’entrepôts frigorifiques, les négociants en gros et les courtiers ruraux », recommande le premier prêteur d’argent d’origine publique au monde.  

Rédaction
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