(BFI) – Depuis son arrivée à la tête de la Bourse, début janvier, Louis Banga-Ntolo veut « transformer l’existant » pour faire croître le nombre de transactions et créer une véritable ouverture vers le secteur privé du marché secondaire.
Le vif retentissement de la cloche de marché, lors de la cotation des titres BDEAC 5.60% net 2021-2028 le 11 mars à Douala, était le signe du grand départ pour Louis Banga-Ntolo, le directeur général de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC). En ce jour solennel, 10 000 titres de cette valeur s’échangeaient, instantanément, après l’inscription à la côte de cette ligne obligataire, pour un montant transactionnel de 101, 503 millions FCFA. À la clôture de la séance, le volume des échanges atteignait 103, 586 millions de FCFA, à la grande satisfaction des vendeurs et demandeurs d’actifs qui ont ainsi vu leurs ordres d’achat et de ventes de titres trouver satisfaction ; au grand bonheur de Louis Banga-Ntolo pour qui la disponibilité de l’argent liquide à la bourse est primordial, pour répondre au besoin des investisseurs qui souhaitent se séparer de certains actifs. « La BVMAC est un marché secondaire. Nous devons ainsi offrir une plateforme à des investisseurs, qui sont actuellement titulaires de titres, pour pouvoir les céder, en cas de besoin », précise le DG de la BVMAC.
Toujours pour s’assurer de la disponibilité de l’argent liquide en faveur des détenteurs de titres qui voudraient vendre, la BVMAC incite les émetteurs à signer un contrat de liquidité pour assurer l’animation du marché. « Ça signifie que les émetteurs doivent doter les intermédiaires d’une enveloppe de titre et du cash, pour que ceux qui sont généralement les petits porteurs et qui ont souvent tendance à ne pas considérer les placements comme des buy and hold; que ces personnes-là puissent sortir quand elles souhaitent », soutient Louis Banga-Ntolo. Un mécanisme qui encourage également la spéculation sur les titres. « Les investisseurs sont parfaitement en droit d’attendre une plus-value sur notre marché. Et qu’un titre acheté à un Franc coûte un peu plus au moment de le céder », souligne le DG de la BVMAC.
Dynamiser à tout prix
Pour réduire la dépendance de la bourse à l’entrée à la côte de nouveaux titres, Louis Banga-Ntolo mise sur l’animation. Il a déjà saisi le régulateur du marché de plusieurs demandes, comme le passage à une cotation journalière. « Je voudrais passer à la cotation journalière. Parce que, aujourd’hui, on côte trois fois par semaine, avec des jours vides on ne sait pourquoi. Nous voulons passer à une cotation continue », précise Louis Banga-Ntolo.
Le DG de la BVMAC souhaite aussi passer à une cotation ouverte et sur une durée de 02 heures minimum par séance. « Aujourd’hui nous faisons du fixing avec une phase où vous saisissez les ordres, et une fois les ordres dans votre carnet, vous pouvez prendre une pause ou faire un tour ; dès que l’heure arrive, les ordres qui ont été saisis sont rapprochés par l’ordinateur et ça marche ou ça ne marche pas. En fait, c’est une gestion assez statique du marché », soutient-il. En cas de validation par le régulateur, la Bourse lors des séances de cotation, procédera à un premier rapprochement des titres en vente à la demande « ça transige et on fait un premier fixing et le marché reste ouvert. Avec un marché ouvert et tout au long de la semaine, les ordres envoyés sur des contreparties transigent directement devant vos yeux. Ceci permet également aux investisseurs de pouvoir changer d’avis sur l’acquisition ou la cession de titres à tout moment. Aujourd’hui, les ordres passés à 10 h à l’ouverture de la séance sont des ordres de la veille. Nous voulons que les citoyens de la CEMAC soient libres de pouvoir dire le problème est survenu à 11 h, le marché est toujours-là, je donne un ordre. Si j’ai la chance, ça peut transiger. Ou alors j’ai lu une information très importante vers 12 h 30, je donne un ordre d’achat. J’ai entendu que les titres BDEAC vont être cotés à 11 h, j’envoie mon ordre à midi ou à 11 h 30, j’envoie et ça transige », déclare le DG de la BVMAC.
Louis Banga-Ntolo compte également mettre sur pied un indice boursier. Le tout premier de l’histoire plutôt récente du marché financier. Un outil qui viendra doper la vulgarisation de la Bourse dans les médias, car cet indicateur sera le premier reflet des économies de la CEMAC. « Cet indice boursier va permettre qu’on parle de notre marché », précise-t-il. Le patron de la Bourse veut aussi procéder au fractionnement des titres afin de les rendre plus abordables. « Lorsqu’un titre a une valeur faciale abordable, c’est-à-dire à la portée du citoyen lambda, à la portée de petits portefeuilles, à ce moment-là tout le monde peut se dire si le titre coûte 1000 FCFA, pourquoi ne pas acheter ? Nous voulons ainsi que de petits porteurs achètent avec des intentions spéculatives, dans le but de revendre à un prix plus élevé et gagner de l’argent. Nous souhaitons aussi qu’ils puissent devenir actionnaires pour gagner gros à long terme. Ils devraient comprendre que la Bourse peut porter leurs prétentions à l’enrichissement tout comme les paris sportifs et les crypto actifs », précise Louis Mbanga-Ntolo.
La BVMAC véritable alternative au financement bancaire
Dans un environnement où le financement bancaire est un luxe, réservé à des entreprises hautement privilégiées, le DG de la Bourse s’est transformé en commercial des sociétés de placement auprès du secteur privé ; martelant auprès des acteurs l’alternative boursière comme solution de mobilisation des ressources par ouverture de capital ou par émission d’obligations. « Venir sur le marché financier, c’est exactement venir solliciter un financement du haut de votre bilan auprès de la totalité des citoyens de la CEMAC. Ça veut dire que, au lieu d’aller vers votre banque demander un milliard, vous pouvez sur le marché dire juste que vous voulez un milliard, il se pourrait qu’à la fin de cette opération-là, plusieurs personnes vous ont prêté de l’argent y compris votre banquier, parce qu’il ne veut pas rester en dehors. Il se pourrait que l’argent collecté vous permette même d’aller éteindre un certain nombre de lignes bancaires que vous aviez déjà », soutient, Louis Banga-Ntolo.
La BDEAC émetteur de référence à la BVMAC
Avec deux emprunts obligataires, côtés à la BVMAC, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) est un acteur de premier plan du marché financier sous régional en termes de capitalisation boursière. La cotation de son obligation BDEAC 5,60 % net 2021-2028 ainsi que l’annonce du lancement d’une 3e opération d’environ 80 milliards de FCFA démontre à suffisance l’attractivité de la Banque auprès des investisseurs de la CEMAC. « Ils se sont lancés depuis 2 ans dans une opération très attractive de levée de 300 milliards de FCFA. La toute première opération, que nous avions placée en moins de six jours lorsque j’étais encore du côté des arrangeurs, a permis de mobiliser un montant inattendu. Nous avons fait presque 107 milliards, en plaçant un titre entre noël et le nouvel an, avec beaucoup de fériés au milieu », déclare Louis Banga-Ntolo.
Avec un capital non appelé d’environ 1080 milliards de FCFA qui peut servir de garantie à l’endettement de la BDEAC, la Banque en plus de sa gouvernance profondément réformée, sais aussi compter sur la puissance de ses actionnaires : la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) 33 % et les six États de la CEMAC 30% ainsi que plusieurs institutions internationales de financement du développement. « Je pense que les investisseurs institutionnels, les personnes physiques et les investisseurs internationaux ont découvert un nouvel acteur qu’ils ne connaissaient pas. Ils ont eu le temps de comprendre sa gouvernance, comment elle a été entièrement refondée ; parce que comme vous le savez, la BDEAC avant avait un président qui était en même temps président du conseil et président exécutif. Ça a été scindé en deux. Cette révolution a créé un cadre de gouvernance qui est complètement différent », ajoute-t-il.