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Bruno Itoua : « A la tête de l’Opep, le Congo est prêt à assumer malgré le contexte mondial »

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(BFI) – Troisième pays producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne avec une production journalière de 336 000 barils et des réserves évaluées à 2,9 milliards de barils, le Congo Brazzaville a pris, le 3 janvier, la présidence de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), après son adhésion en 2018. Dans cet entretien exclusif avec le confrère de La Tribune Afrique, Bruno Itoua, ministre des Hydrocarbures de la République du Congo et président en exercice de l’Opep revient sur ce fait marquant, passe en revue le secteur pétrolier national, les derniers deals, les mégaprojets et analyse notamment la situation des pétroliers de la CEMAC face à la problématique des dérèglements climatiques…

C’est vous qui portez la mission du Congo à la présidence de l’Opep en 2022. Comment l’abordez-vous dans le contexte mondial actuel ?

Tout d’abord, appartenir à l’Opep est un grand honneur, compte tenu de la place qu’occupe cette organisation au niveau du secteur pétrolier mondial. Nous sommes très heureux de pouvoir porter le message et être la voix de l’Opep succédant à l’Angola et avant cela, l’Algérie. C’est une lourde responsabilité, parce que la présidence congolaise intervient à un moment extrêmement délicat où on parle de transition énergétique. Au cœur de cette question, il y a celle des énergies fossiles et l’Opep est totalement concernée.

Nous avons une position qui ne va pas forcément dans le sens des autres voix. Il s’agit désormais pour nous de la porter avec suffisamment de conviction. En tant que président, le Congo sera au cœur de tous ces débats et nous sommes prêts à assumer la mission qui est désormais la nôtre en dépit du contexte mondial. Ce sera également pour nous une excellente tribune pour lever le voile sur ce que nous faisons en tant que pays pétrolier, notamment face à cette question de changements climatiques.

Comment se porte le secteur pétrolier congolais après toutes les crises de ces dernières années ?

Les deux à trois dernières années ont été particulièrement difficiles pour les pays producteurs de pétrole y compris le Congo. Avant la crise liée à la pandémie de Covid-19, il y avait déjà la crise économique et financière puisqu’en 2014, les prix du pétrole se sont totalement effondrés. C’est seulement depuis l’année dernière qu’on peut dire que les pays remontent petit à petit, avec l’appui de l’Opep. Pendant deux ans et demi, la situation n’était déjà pas propice à l’investissement, puis la pandémie est arrivée, plongeant davantage les pays pétroliers vers le bas. Nous avons donc dû faire face au déclin de production. Mais aujourd’hui, nous considérons que nous vivons avec la pandémie. Depuis quelques temps, nous observons une remontée des prix du pétrole tandis que les prix du gaz sont très élevés.

Il est donc question pour nous -c’est aussi la position de l’Opep et de l’APPO [Organisation Africaine des Pays Producteurs de Pétrole, NDLR] dont nous abritons le siège à Brazzaville- de maintenir la production de pétrole et de gaz. Nous sommes en train de créer à nouveau la confiance sur notre marché. Nous travaillons pour que le cadre législatif soit le plus attractif possible.

En matière d’hydrocarbures, le Congo a deux challenges principaux. Le premier consiste à stopper le déclin et stabiliser la production de pétrole liquide, le deuxième concerne le gaz. Il faut croire que le travail mené dans ce sens porte ses fruits, car depuis l’année dernière, nous avons un projet gazier avec la société Eni qui nous permettra, pour la première fois, de produire du gaz naturel liquéfié (GNL), en principe avant la fin de l’année 2022 pour la première phase et dans deux ou trois ans pour la deuxième. Toutes les autres compagnies actives sur notre marché (TotalEnergies, Perenco,…) se sont également engagées à relancer l’investissement allant entre 600 millions de dollars et 1 milliard de dollars. Nous sommes convaincus que cela nous permettra d’atteindre nos objectifs pétroliers et gaziers.

Après avoir été affectés par le variant Omicron, les prix du pétrole remontent effectivement. Mais alors que l’incertitude règne encore au sujet de la Covid, quelle observation faites-vous de la situation depuis le Congo et comment vous préparez-vous à l’avenir ?

Chaque mois, nous passons en revue le marché et nous décidons des actions à mener. Cela va paraitre surprenant, mais récemment nous avons décidé de continuer à augmenter la production, tout simplement parce que les données montrent que sur un plus long terme (deux, trois ans, voire au-delà), la demande d’énergie va continuer à augmenter, parce que malgré cette vague, la reprise économique est là. Personne n’envisage qu’il y ait une crise économique nouvelle en dehors de certains pays.

La demande est donc effective et toutes les données montrent que nous ne pourrons pas répondre à la demande en gaz de tous les pays avec les énergies renouvelables Impossible ! Cela ne suffira pas. La demande ne pourra trouver satisfaction qu’avec un mix énergétique dans lequel les énergies fossiles auront encore de la place pendant longtemps. Pour cette raison, nous croyons que les prix seront maintenus parce que pour que les investissements pétroliers produisent des fruits de façon à ce que l’offre soit augmentée, il faut un peu de temps. Ainsi, tant que l’offre et la demande sont plutôt équilibrées et que l’offre est même supérieure à la demande, les prix restent stables.

Je rappelle aussi que la légère baisse récente des prix est non seulement due à Omicron, mais aussi aux Etats-Unis où le président Joe Biden a décidé d’ouvrir les vannes des stocks stratégiques américains. Mais lorsqu’il va vouloir les reconstituer, les prix vont augmenter. Ce qui donne sur une plus longue durée -une année ou deux- des perspectives plutôt stables.

En matière d’énergie, vous défendez effectivement le mix énergétique et vous déclariez récemment à Brazzaville : « Le Congo n’a pas d’autres choix que d’aller vers le mix énergétique pour continuer d’assurer le financement de son développement ». Mais conformément à la décision d’une vingtaine de pays et institutions – annoncée à Glasgow lors de la COP26- de diminuer ou cesser le financement d’énergies fossiles en Afrique à partir de fin 2022, comment le Congo se prépare-t-il à faire face à cela ?

Nous avons entendu ce discours à Glasgow, mais nous avons aussi entendu le message de l’Opep et celui des compagnies pétrolières qui ne sont pas toutes africaines, mais aussi américaines et autres. Et ces compagnies disent carrément le contraire. Pour caricaturer, si nous devions arrêter les investissements dans les énergies fossiles à fin 2022 et si nous l’annonçons maintenant, le baril dépassera certainement les 100 dollars. Tout le monde va anticiper sur les réductions de l’offre et en raison de l’absence d’offres alternatives immédiates -ni le nucléaire, ni les énergies renouvelables.  Les prix vont immédiatement flamber pour dépasser les 100 dollars. Curieusement, les même pays qui ont des entreprises pétrolières chez eux ne leur demandent pas d’arrêter. Celles-ci continuent d’opérer. Et ce sont elles qui financent en partie les investissements pétroliers dans nos pays.

Quand je vous dis que TotalEnergies, Perenco, Eni ont un plan d’investissement de 4 milliards de dollars, ce n’est pas de l’argent congolais. Ce sont soit des fonds propres, soit d’autres sources de financement. Ce n’est donc pas réaliste de décider d’arrêter le financement des énergies fossiles en Afrique dès fin 2022. C’est de la pure idéologie !

Mais ce que nous disons, notamment nous pays producteurs de pétrole, c’est que nous ne sommes pas responsables des changements climatiques et des émissions de gaz à effet de serre [GES, NDLR]. Ceux-ci sont dus à l’industrialisation depuis le XIXè siècle jusqu’à maintenant, dont nous ne sommes pas partie prenante. L’industrie a été développée de façon énergétivore sans regarder à la forme d’énergie. Pourquoi devrions-nous être les seuls à en payer le prix ? Que les responsables payent.

Pourquoi devons-nous être les seuls en charge de préserver les forêts, les bassins qui sont chez nous sans aucune ressource ? Pour faire la séquestration de carbone, nous avons les tourbières. Personne ne nous donne quoi que ce soit pour les préserver. Pourquoi c’est à nous trouver les solutions alors qu’on n’est pas responsables de ce qu’il se passe ?

Nous disons aussi autre chose : il y a 600 millions d’Africains qui n’ont pas accès à l’électricité. Nous les laissons tels quels sur le bord de la route du développement pendant qu’en Europe -ceux qui sont responsables des dérèglements climatiques- ont un taux d’accès qui dépasse les 100% pour certains pays ?

Il y a des millions d’Africains qui n’ont pas accès au gaz. Nous continuons de les laisser utiliser, dans notre cas, les bois chauffés, les charbons de bois qui sont la première cause de destruction de nos forêts ? Je rappelle que les forêts du bassin du Congo constituent le premier poumon du monde, après qu’on ait laissé l’Amazonie être détruite aux yeux de tout le monde. Mais nous, nous préservons. Pourquoi serions-nous les seuls pénalisés ?

La question fait effectivement débat. Au CEMAC Business Energy Forum organisé à Brazzaville en décembre 2021, la sous-région était appellé à s’unir pour trouver des alternatives financières. Pouvez-vous nous en dire plus ?

En effet, plusieurs solutions alternatives aux coupures éventuelles de financement s’offrent aux pays africains. D’abord les compagnies pétrolières peuvent financer sur la base de leurs fonds propres et elles sont nombreuses à en être capables. Deuxièmement, les producteurs de pétrole ont pour la plupart d’entre eux mis en place un fond souverain et certains sont plus riches que le Fonds monétaire international [FMI, NDLR] et ils peuvent tout à fait continuer à financer la production de pétrole et de gaz. Nous avons des négociations en cours avec eux, car nous sommes membres de l’Opep pour mettre en place des solutions bilatérales.

Au CEMAC Business Energy Forum, nous avons surtout plaidé pour que les Africains se mettent ensemble afin de pouvoir développer les capacités communes de financement. Si nous lançons ensemble un fonds souverain de la CEMAC Energie -les pays étant presque tous producteurs de pétrole-, nous pourrons créer de la capacité financière pour développer nos propres projets. Cela est tout à fait possible.

Si un seul pays producteur de pétrole est capable d’avoir un fonds souverain de pétrole de 300 millions de dollars, l’association du Congo, du Gabon, du Tchad, du Cameroun, de la Guinée Equatoriale, pourrait faciliter la levée de tels fonds à partir de nos activités pétrolières et financer nos projets. Voilà donc les alternatives auxquelles nous pensons. Nous avons le soutien de nos banques de développement. Nous étions au forum avec la BDEAC [Banque de développement des États de l’Afrique centrale], il y a la DBSA [Banque de développement d’Afrique du Sud] en Afrique australe, la BOAD [Banque Ouest-africaine de développement]. Ce sont des institutions qui sont, aujourd’hui, très puissantes et capables d’aller sur le marché des capitaux et lever des fonds et continuer à financer les activités tant qu’on peut prouver que celles-ci peuvent être neutres en carbone.

Justement, les pays africains peuvent-ils produire un pétrole propre ?

C’est un autre point que nous défendons fasse à l’appel à l’arrêt des énergies fossiles. Nous disons que nous savons produire l’énergie fossile propre. Nous savons faire de l’énergie avec le pétrole. Nous sommes en train de développer un projet de culture de ricin avec Eni pour produire des biocarburants. Nous sommes capables de séquestrer du carbone avec des forêts. TotalEnergies a lancé un projet qui permettra la séquestration de 10 millions de tonnes de carbone, soit beaucoup plus que ce qu’ils émettent en carbone. De ce fait, lorsqu’on fera le bilan carbone du Congo, au-delà d’être neutre, il sera excédentaire. Nous serons encore une fois un puits de carbone, sans compter les tourbières que nous avons ici.

Nous sommes donc capables, y compris dans notre périmètre, de neutraliser les émissions de carbone à partir du pétrole que nous émettons. Pourquoi devrions-nous arrêter ? Cela n’a pas de sens. Tant qu’on ne nous présentera pas une solution alternative sérieuse et qui soit scientifiquement meilleure, nous produirons, mais avec zéro carbone. Telle est notre position.

Le président Denis Sassou Nguesso était à Abu Dhabi en novembre 2021. Il en a découlé une promesse d’investissement notamment dans le secteur pétrolier congolais. Quelle est la nature du projet des Abudhabiens et quels sont les autres investisseurs qui s’intéressent au pétrole du Congo ?

Le président de la République, que j’ai notamment accompagné, était en effet à Abu Dhabi où il s’est entretenu avec le prince héritier. Les domaines dans lesquels Abu Dhabi veut investir au Congo incluent l’agriculture, l’énergie solaire, les activités portuaires, le transport aérien et bien entendu le pétrole et le gaz. En ce qui concerne le pétrole, il y a déjà une collaboration ad hoc entre la compagnie nationale d’Abu Dhabi et notre compagnie nationale, la SNPC [Société nationale des pétroles du Congo], notamment en matière de trading. Et nous pensons que sur cette base, nous pouvons imaginer des montages financiers pour aider la SNPC à mieux investir dans l’exploration/production.

Concernant le gaz, nous lançons pendant ce mois de janvier un projet avec Eni qui est à la fois très présent à Abu Dhabi et au Congo. Nous avons un accord avec la République démocratique du Congo (RDC) pour construire une boucle énergétique (une ligne de transport qui se boucle). Celle-ci reliera le Congo à la RDC avec, dans un avenir proche on l’espère, l’Angola en plus. Ce projet a une dimension régionale, puisque nous espérons que tous les pays de la CEMAC nous y rejoindront. Cela fera naitre une véritable architecture énergétique dans la sous-région où le Congo Brazzaville pourrait jouer le rôle de hub ou pourquoi pas la RDC, si le pays frère arrive à développer le grand barrage de Inga.

Ce projet avec Eni est l’un des 4 projets majeurs du Gas Master Plan (GMP) lancé récemment par l’Etat congolais, une stratégie sur 5 à 10 ans. Comment ces projets vont-ils être concrétisés, à quel horizon et quel sera leur apport à l’économie ?

Le Gas Master Plan, réalisé par le cabinet McKinsey à l’initiative du ministère et de la SNPC, est en phase de validation. J’espère que nous pourrons le publier dans sa version définitive au cours de ce mois de janvier. Mais les options sont connues. Donc même si ce n’est pas encore officiellement validé et publié, nous allons commencer à travailler. Le permis sur lequel nous avons le plus grand potentiel de gaz aujourd’hui est opéré par Eni. C’est pour cette raison que nous commençons avec cette compagnie. Sur ce permis, nous ferons de l’exploration mais nous ferons aussi très vite de la production dès 2022. Sept plateformes seront construites dont quatre dédiées à la production de gaz et trois à la production de gaz naturel liquéfié (GNL). Et dès 2022 un bateau va être utilisé pour produire le gaz que nous avons actuellement disponible sur les champs de Litchendjili et Néné-Banga, sur Marine XII.

Dès la fin de l’année, nous devrions voir les premières cargaisons de GNL partir de Pointe-Noire et nous devrions tripler la capacité sur les 3 plateformes dès l’année prochaine. L’objectif principal est donc l’export, ensuite le marché intérieur, la zone industrielle spéciale (ZES) et les industries. Ce gaz servira également à la production d’électricité et devrait être utilisé pour initier une filière pétrochimique en faveur de l’agriculture.

Une de nos priorités dans le cadre de ce GMP est de rendre effective la décision que nous avons prises en 2007 d’arrêter de torchage. J’ai déjà signé une note circulaire qui demande à toutes les compagnies de nous fournir dans les 6 mois un plan d’action pour arrêter le torchage. S’il n’est pas réutilisé pour le fonctionnement des champs, le gaz rejeté sera connecté selon les options du GMP. Il sera agrégé par un agrégateur que nous devrions choisir et ensuite mis à la disposition des utilisateurs potentiels, conformément aux textes du GMP.

Par ailleurs nous allons refaire une évaluation du potentiel gazier du Congo. Nous pensons que les chiffres actuels ont changé, parce que pendant longtemps les compagnies actives dans notre pays cherchaient plutôt de l’huile -les hydrocarbures liquides- et pas du gaz. Elles ont donc est une très mauvaise appréciation. Sur la base des données de la nouvelle évaluation à venir du potentiel gazier, nous ferons la promotion des champs à gaz pour proposer à ceux qui seront intéressés. J’espère aussi qu’avant fin janvier nous aurons adopté le code gazier… Une fois les textes d’application disponibles, nous finaliserons, sur la base du GMP, notre stratégie nationale de développement du gaz qui ira probablement un peu plus loin que ce qu’envisage McKinsey. Peut-être qu’au-delà nous aurons quelques grands changements, mais je ne peux pas encore parler, car le processus d’approbation est en cours.

Monsieur le Ministre, les pays africains ont très souvent été critiqués pour n’avoir pas développé leur secteur industriel de façon à tirer parti de leur richesse en matières premières. Le Congo porte désormais plusieurs projets -vous avez notamment parlé d’une filière pétrochimique à venir, mais à quand une véritable industrialisation locale pétrolière et gazière ?

Vous évoquez un sujet majeur. En effet aujourd’hui on parle de transformation systémique, de transformation économique, de stratégie transformationnelle, d’industrialisation pour l’émergence du tissu économique local par le biais de la transformation des ressources naturelles. La diversification, comme nous aimons l’appeler ici chez nous, est une des plus grandes priorités du pays. En ce qui concerne le secteur pétrolier, je suis heureux parce qu’au moment où nous parlons une deuxième raffinerie devrait voir le jour avec deux fois la capacité de la raffinerie actuelle ; l’ancienne centrale à gaz a vu sa capacité doubler grâce à des partenaires turcs. La stratégie gazière va être un important catalyseur pour la mise en œuvre des zones économiques spéciales. Il y en a une à Pointe-Noire, mais le pays en compte cinq au total. Le gaz permettra à ces ZES d’avoir une autonomie en matière d’énergie électrique mais aussi d’utiliser le gaz pour le process.

Comme je le disais tantôt nous travaillons à l’émergence d’une filière pétrochimique et c’est une des formes de transformation locale des ressources du gaz. Avec cela on peut produire de l’urée, du méthanol à titre d’exemple.

La question du contenu local industriel pétrolier et parapétrolier va être au centre de nos discussions. Nous allons revoir tous les textes en la matière. Dans le cadre des grands projets de 4 milliards de dollars dont j’ai parlé et qui devraient être lancés à partir de cette année, nous travaillerons avec les compagnies pétrolières afin que cela génère la création de ces industries locales. Évidemment cela signifie aussi qu’il faut créer les conditions favorables à cela : la formation, …  Les ministres de l’Economie, de l’Industrie et des PME sont très engagés autour de moi pour ce qui concerne la partie pétrolière, pour être certains que nous ne rations pas ce regain d’investissement presque inespéré qu’on va voir arriver dans notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous avons placé le renforcement des capacités au plus haut niveau de nos priorités. Si nous voulons pouvoir bénéficier de ces ressources naturelles nous devons être capables de les négocier au mieux, nous devons être capables d’assurer la transformation et la migration des expertises vers un secteur local dynamique.

La technologie est en outre très importante. Il nous faut disposer de la technologie la plus pointue possible pour gérer les données, afin de fournir d’excellentes analyses et ainsi proposer les meilleurs schémas possibles pour le développement de nos économies notamment l’économie pétrolière gazière et parapétrolière et par la même occasion maximiser les profits pour l’État.

Enfin, j’évoquerai la notion d’intégration régionale. Nous avons dit une chose très forte durant le business forum de la CEMAC : rassembler nos atouts pour mettre en place des politiques communes. Typiquement en matière d’industrialisation, au lieu d’avoir 6 ou 7 petites raffineries qui ne seront jamais rentables, pourquoi ne pas en avoir qu’une ou deux pour la sous-région ? Nous déciderions ensemble du pays d’accueil et de la capacité. Idem pour le GNL.  Si nous voulons créer un environnement propice pour l’éclosion de nos potentiels, il faut absolument que nous puissions développer le commerce « intra sous-régional » -si je puis m’exprimer ainsi- via des réseaux de pipelines. Cela dynamiserait énormément nos marchés. Nos compagnies nationales doivent pouvoir collaborer, partager leurs expériences en matière trading, de gestion … Autant nous sommes ensemble à l’Opep à l’Appo, autant nous pouvons mutualiser nos forces au niveau de la CEMAC pour transformer l’environnement pétrolier de chacun de nos pays.

Mais force est de constater que les pays de la CEMAC sont généralement caractérisés par une certaine lenteur dans la concrétisation de leur intégration, contrairement à leurs voisins d’Afrique de l’Ouest. Y a-t-il de la volonté politique pour aller sans ce sens sur le plan industriel ?

C’est vrai que nous n’avons pas été brillants dans plusieurs domaines, mais les choses avancent quand même. Aujourd’hui, le réseau routier de la CEMAC est en train d’avancer à grands pas. Dans le domaine de l’énergie, curieusement, nous avons tenu à sensibiliser nos chefs d’État et ils sont tous enthousiasmés par l’idée. Je crois que le débat sur la transition énergétique y a beaucoup contribué. C’est vraiment: « We do it or we die ». C’est-à-dire, il faut le faire maintenant ou alors nous serons en difficulté plus tard. Les chefs d’État l’ont compris et ce n’est donc pas étonnant qu’il y ait un CEMAC consacré à ce sujet, parce qu’il faut prendre de bonnes décisions et mettre en œuvre tout ce qu’il faut pour que la CEMAC Energie puisse exister.

Monsieur le ministre, terminons cet entretien en revenant sur le sujet du renforcement des capacités que vous évoquiez plus haut. La critique porte aussi sur le fait que les compagnies internationales investissent souvent en Afrique sans opérer un réel transfert technologique. Nos gouvernements sont souvent pointés du doigt pour s’inscrire dans le discours plutôt que les actes: promettre beaucoup de choses, sans jamais les réaliser. Ne sommes-nous pas en train de répéter le même schéma ? Le Congo-Brazzaville est-il prêt à mettre tout en œuvre pour que les Congolaises et les Congolais soient formés pour être les leaders des entreprises lancées en partenariat avec des compagnies pétrolières internationales, un peu comme on le voit dans certains pays notamment au Nord du continent ?

Vous avez raison et c’est vrai que souvent nous avons tenu des discours et il ne s’est pas passé grand-chose. C’est la raison pour laquelle nous nous engagés à être tellement concrets que nous travaillons sur la création d’un Institut africain du pétrole à Pointe-Noire. Nous sommes déjà en discussion avec IFP School et IFP Training ainsi que deux autres partenaires pour concrétiser cela rapidement. L’idée séduit toute la CEMAC. Nous pensons que les cinq pays producteurs en plus de la RDC qui n’est pas très loin, ont tout pour réaliser cela en Afrique centrale.

Une école de pétrole au Sénégal vient de commencer. La Côte d’Ivoire dispose d’une école de pétrole à Yamoussoukro, alors que le pays n’est pas producteur de pétrole… Vous imaginez donc que les cinq pays producteurs d’Afrique centrale ont toute la légitimité pour se lancer dans un tel projet. Nous travaillons sur des termes de référence, le processus de mise en œuvre… Nous commencerons d’abord par faire du training en ligne, ensuite nous ferons du training in situ. La collaboration avec IFP nous permettra d’envoyer nos étudiants ingénieurs en France pour des formations diplômantes. Nous passerons ensuite aux formations diplômantes à Pointe-Noire, puis aux trainings en présentiel. Telle est donc l’idée sur laquelle nous travaillons avec deux ou trois partenaires.

In La Tribune Afrique

Rédaction
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