(BFI) – Canyon Resources a annoncé, le 25 septembre 2025, avoir sécurisé 215 millions de dollars australiens, soit près de 85,3 milliards FCFA (au taux actuel du dollar australien), pour accélérer le développement de son projet de bauxite de Minim Martap, dans l’Adamaoua. Le financement combine un placement institutionnel en deux tranches et l’exercice d’options par son principal actionnaire, Eagle Eye Asset Holdings (EEA). « A$205 m via un placement en deux tranches » et « A$10 m via l’exercice d’options par le principal actionnaire Eagle Eye Asset Holdings (EEA) », précise le communiqué officiel.
La Tranche 1, déjà bouclée, a permis de lever 36 millions AUD (14,3 milliards FCFA) auprès d’investisseurs institutionnels et professionnels. La Tranche 2, qui sera soumise à l’approbation des actionnaires en assemblée générale prévue en novembre, porte sur 170 millions AUD (67,5 milliards FCFA). EEA y apportera 100 millions AUD (39,7 milliards FCFA) et Afriland Bourse & Investissement, filiale du groupe Afriland First Bank, jusqu’à 70 millions AUD (27,8 milliards FCFA). À l’issue de l’opération, EEA conservera 56,5 % du capital, tandis qu’Afriland entrera comme nouvel actionnaire de référence avec 10,1 %. « EEA s’engage à investir A$100m (et reste à 56,5 % du capital). Afriland Bourse & Investissement … s’engage à investir jusqu’à A$70m … À l’issue, Afriland détiendra 10,1 % de Canyon », détaille le document.
Les fonds seront déployés selon trois priorités : financer le développement du projet Minim Martap à hauteur de 206 millions AUD (81,8 milliards FCFA), accroître l’investissement dans Camrail, concessionnaire du chemin de fer Douala–Ngaoundéré (46 millions AUD, soit 18,3 milliards FCFA), et couvrir les frais généraux et administratifs pour 14 millions AUD (5,6 milliards FCFA). « Ce financement va nous permettre d’accélérer le développement de Minim Martap … et d’accroître notre contrôle sur le réseau ferroviaire … garantissant une plus grande sécurité logistique », a commenté Peter Secker, CEO de Canyon.
Le calendrier prévoit la finalisation de la Tranche 1 début octobre, puis l’assemblée générale en novembre pour valider la Tranche 2. Si tout se déroule comme prévu, les premières expéditions de bauxite interviendront dès le premier semestre 2026.
Enjeux stratégiques et souveraineté logistique
L’entrée d’Afriland au capital marque une étape symbolique pour l’appropriation locale du projet. « L’investissement en provenance du plus grand groupe de services financiers du Cameroun démontre la confiance des institutions locales et du gouvernement dans notre société », insiste le communiqué. Ce rapprochement crée un pont entre la sphère bancaire et le secteur minier, tout en renforçant la légitimité de Canyon sur le terrain.
Mais le véritable enjeu reste la logistique. Avec Camrail, Canyon entend sécuriser le transport de la bauxite entre Ngaoundéré et le port de Douala, maillon essentiel du projet. Tout blocage ferroviaire, lié à l’état des voies, aux capacités ou à la maintenance, pourrait fragiliser la rentabilité de Minim Martap.
Financement et levier externe
Ce tour de table s’ajoute à d’autres instruments financiers. Canyon a déjà obtenu une facilité de crédit de 140 millions USD (environ 86 milliards FCFA) auprès d’AFG Bank Cameroon. Parallèlement, EEA a exercé une partie de ses options pour générer des liquidités, soit 226 millions d’options sur un total de 350 millions, selon le cabinet Edison.
Cette combinaison dette-capitaux propres est classique pour les grands projets miniers. Elle permet d’avancer rapidement, mais expose aussi l’entreprise aux variations des taux d’intérêt et aux risques de change entre l’AUD, le FCFA et le dollar.
Contexte du marché de la bauxite
Le timing joue en faveur de Canyon. Selon Investir au Cameroun, les réserves de Minim Martap atteignent désormais 144 millions de tonnes, en hausse de 33 %, valorisant le projet à 835 millions USD (512 milliards FCFA) avec un taux de rentabilité interne de 29 %.
Le groupe prévoit aussi un investissement supplémentaire de 96 millions USD (59 milliards FCFA) pour amorcer la production dès janvier 2026. La dernière étude de faisabilité définitive prévoit une montée en puissance de 10 millions de tonnes par an d’ici 2032, contre 6,4 millions dans la version initiale. Ces chiffres traduisent l’importance stratégique de Minim Martap, dans un contexte de demande mondiale d’aluminium en forte croissance et de tensions sur l’approvisionnement.
Enjeux géopolitiques et gouvernance
En 2024, le Cameroun a signé un protocole de concession via Camalco, filiale de Canyon, octroyant à l’État 10 % de participation gratuite et une redevance de 5 % sur les revenus. Cette clause rapproche Minim Martap des standards africains en matière de partage des bénéfices miniers.
L’arrivée d’Afriland comme actionnaire devrait faciliter les relations avec les régulateurs, notamment la BEAC et la COSUMAF. Mais elle ouvre aussi la voie à des attentes renforcées en matière d’emplois, de contenu local et de respect des normes environnementales. Des enjeux sensibles dans un pays où les grands projets miniers sont scrutés de près.
Selon Africa Intelligence, Gagan Gupta, via EEA, chercherait également à accroître la participation de Canyon dans Camrail. Une option qui pourrait relancer les débats autour du contrôle de cette infrastructure stratégique, en négociation permanente entre l’État et les investisseurs privés. Enfin, la stabilité monétaire et budgétaire de la zone CEMAC reste une variable de risque à surveiller.
Perspectives
Avec l’entrée d’Afriland et un financement désormais solide, Canyon aborde une phase décisive pour Minim Martap. La réussite du projet dépendra d’une gestion rigoureuse de la logistique ferroviaire et portuaire, de la maîtrise des risques financiers et du dialogue avec les autorités et les communautés locales. Le projet est désormais porté par un capital diversifié, entre investisseurs australiens et camerounais, donnant à la bauxite de Minim Martap une place centrale dans l’avenir économique du pays.
Avec Investir au Cameroun