Comment les cabinets africains et internationaux peuvent-ils travailler ensemble au développement d’un espace juridique de standard mondial ? Comment développer la culture de la coopération entre eux ?
A ce jour, les rapports entre les cabinets internationaux et les cabinets africains se résument principalement à une relation de pourvoyeurs de transactions pour lesquelles les cabinets internationaux sont à la recherche essentiellement d’expertise juridique locale. Il conviendrait d’évoluer vers une nouvelle dynamique de travail qui permettrait une collaboration beaucoup plus collaborative et complémentaire entre les cabinets internationaux et les cabinets africains.
Celle-ci devrait, à mon sens, être facilitée par le fait qu’il existe une nouvelle génération d’avocats africains qui ont eu la chance et les moyens d’être formés dans les plus grands cabinets internationaux, et qui ont par la suite décidés de rentrer dans leurs pays respectifs afin de fonder leurs propres cabinets d’avocats, et ainsi participer au développement de l’espace juridique du continent.
Il conviendrait donc de favoriser des initiatives qui viseraient entre autres à créer une plateforme d’échanges ou de retours d’expériences autour des difficultés rencontrées sur le plan juridique lors de l’exécution de certaines transactions sur le continent par les cabinets africains et internationaux. Cette plateforme permettrait d’identifier les difficultés et manquements en vue de proposer des axes d’améliorations qui viseraient à tendre vers un espace juridique de standard mondial.
Ainsi, on pourrait saluer l’initiative d’Evolex Africa qui tend vers cet objectif louable.
Vous faites partie d’une nouvelle génération d’avocats africains. Qu’apporte cette génération à la pratique du droit sur le continent ?
L’apport essentiel de cette nouvelle génération d’avocats africains est, à mon sens, d’abord technique et ensuite culturel. Sur le plan technique, cette génération a apporté une autre façon d’organiser les cabinets d’avocats, de gérer les transactions d’envergure, et de communiquer sur les différentes évolutions juridiques locales.
Cela vient du fait qu’elle a eu par le passé à travailler dans des cabinets internationaux et c’est notamment mon cas puisque, j’ai grandi au Cameroun et j’ai ensuite effectué mes études en France, avant d’intégrer par la suite, des cabinets internationaux parmi les plus reconnus.
Toutes mes expériences à l’étranger m’ont permis d’obtenir une connaissance des besoins de la pratique internationale et des différents enjeux y affiliés, tout en restant parfaitement consciente de nos réalités africaines.
Sur le plan culturel, cette génération détient généralement une double culture africaine et internationale qui lui permet d’endosser un rôle d’intermédiaire, entre les différents espaces juridiques, afin de faciliter la communication entre tous les acteurs du marché.
Par conséquent, elle constitue une plus-value essentielle, et rajoute une autre manière de faire, qui est certes nouvelle mais complémentaire avec la pratique traditionnelle africaine et internationale.
Il est urgent de trouver des solutions pérennes au financement des économies africaines. Comment peut-on mieux soutenir le financement durable du développement des États, et éviter un nouveau cycle de surendettement ?
La problématique de la dette est une question centrale pour nos Etats puisque les besoins de développement ne peuvent pas être financés uniquement par les recettes publiques. Par conséquent, les Etats auront recours à la dette, notamment internationale, pour financer les projets structurants. Il est donc important que ces Etats s’entourent au préalable de conseillers juridiques qui pourront de par leurs expertises les accompagner dans, l’élaboration de leurs stratégies d’endettements d’une part, et dans la recherche de financements adaptés d’autre part.
Il existe de plus en plus de mode de financements innovants conditionnés par la mise en œuvre d’une stratégie nationale encourageant la prise en compte des problématiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). A cet effet, nos Etats gagneraient à être accompagnés de conseillers, notamment juridiques, ce qui leur permettraient d’élaborer des stratégies aux standards internationaux, leur donnant accès à ces financements qui pour la plupart sont à des conditions beaucoup plus favorables.
Il est encore rare de voir des femmes avocates associées. Pourquoi et que faire pour changer la donne ?
La profession d’avocat s’est largement féminisée au cours de ces dernières années. Néanmoins, force est de constater que le management des cabinets d’avocats restent très largement dominé par des hommes. En effet, plus on évolue au sein d’un cabinet d’avocats, plus les femmes ont tendances à sortir de la profession. Ainsi, au stade d’associé, les femmes ne sont plus ou peu présentes. Le plafond de verre se fait donc très vite ressentir.
Cela peut s’expliquer, en partie, par le fait que cette profession est très exigeante et chronophage. Il faut donc avoir une certaine force de caractère ainsi qu’une forte capacité de travail pour s’élever en tant que femme dans cette profession. Il faut également un système de soutien bienveillant, qui puisse nous aider à soutenir l’équilibre de notre vie personnelle et de famille.
Ce qui peut également aider cette nouvelle génération de femmes à évoluer positivement dans leur carrière, serait de voir de plus en plus de modèles féminins de réussite qui arrivent à gérer à la fois vie professionnelle et vie personnelle.
Les hommes accompagnent-ils ce changement ?
Mon parcours démontre une certaine résistance car lorsque mes associées et moi sommes revenues au Cameroun et avons fondé notre cabinet, cela a provoqué beaucoup de circonspection auprès de la gente masculine. Cependant, après avoir fait nos preuves, nous avons suscité du respect de la part des hommes aussi bien pour notre travail que pour notre parcours.
En quoi EvoLex Africa 2021 peut-il répondre aux besoins et aux attentes actuelles de la communauté juridique africaine ?
Comme je l’ai souligné plus haut, EvoLex Africa en facilitant les partenariats entre cabinets locaux et internationaux, peut effectivement grandement contribuer à la mise en place d’un espace juridique de standard mondial.
En effet, il est important d’avoir une plateforme indépendante comme celle-ci, qui n’est pas rattachée à un réseau ou à un cabinet, et qui permet à tous les acteurs du droit de se retrouver au sein d’un même lieu pour un objectif commun. Cela permettra également à tous les acteurs de la nouvelle génération d’avocats africains de se retrouver, d’échanger et de faire grandir leur activité à l’intérieur et à l’extérieur du continent.
C’est donc une initiative louable qui je l’espère connaîtra beaucoup d’autres éditions, et qui je pense pourra devenir une plateforme incontournable du milieu juridique tant africain qu’international.