(BFI) – Dans le café aussi, à l’instar du cacao et de nombreux autres produits, la répartition de la valeur au sein de la chaîne de valeur est déséquilibrée et le continent africain en paye particulièrement le prix fort.
Un rapport réalisé par la plate-forme de vente et d’achat de produits alimentaires et agricoles d’Afrique, Sélina Wamucii, « La misère à la ferme : Les producteurs de café africains perdent des milliards à cause de l’exploitation » montre que les prix payés aux caféiculteurs des pays africains sont plus bas que ceux des autres pays que cela soit pour l’Arabica ou le Robusta avec toutefois une différence moins grande pour le Robusta. Ainsi, pour l’Arabica le prix du café Brazil Naturals de 37,61 TTP1T entre 2000 et 2018 au Brésil, alors que le taux pour le même café en Éthiopie n’était que de 25,31 TTP1T. « Les différences entre les prix à la production sont restées globalement les mêmes au cours des 20 dernières années, c’est-à-dire que le café Arabica est toujours moins cher en Afrique » remarque le rapport.
Pour l’Arabica, le prix moyen au producteur en Afrique est de 70,4 cents la livre mais de 96,5 cents pour l’Amérique latine et de 110,1 cents pour l’Inde. Pour le Robusta, le prix moyen en Afrique est de 58,4 cents la livre contre 78,5 cents en Amérique latine et 67,4 cents en Inde.
Mais au-delà du prix au producteur, la part des producteurs africains dans la chaîne de valeur du café torréfié est aussi plus faible que celle des autres régions du monde. Ainsi, elle serait comprise entre 8,7% et 12,6%, avec 12,6% pour l’Ethiopie et 10% pour l’Ouganda, les deux principaux exportateurs du continent, contre 15,7% pour l’Inde et 14,9% pour le Brésil. En revanche, elle est de 18% pour l’Angola.
Conséquence, le rapport estime que les conditions commerciales déloyales font perdent $1,47 milliard de revenus par an aux caféiculteurs africains. Les pertes sont estimées à $713,1 millions pour les agriculteurs éthiopiens, $229,7 millions pour les Ougandais, $22,7 millions pour les Congolais, $22,4 millions les Camerounais et $1,4 millions pour les Togolais.
Selon John Oroko, PDG de Selina Wamucii, cette situation est intenable pour le producteur africain, qui produit un café de qualité, mais qui reçoit les prix les plus bas de tous les producteurs, au niveau mondial. Des caféiculteurs menacés sur le plan existentiel.
« La seule solution possible est l’établissement d’un accord international sur le café, basé sur des quotas, qui fixe des quotas d’exportation et contribue à orienter les prix, tout en permettant aux agriculteurs de vivre du produit de leur dur labeur » indique John Oroko. Il conclut : « Si l’Afrique veut mettre fin à l’exploitation qui ronge ses caféiculteurs, les règles du commerce mondial du café devront être modifiées dans un cadre politique favorable aux agriculteurs. Et si cela ne peut se faire dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les Africains ont tout intérêt à s’inspirer de l’OPEP et à mettre en œuvre un accord panafricain sur le café qui ne fasse pas grossir quelques personnes tout en aspirant la vie des agriculteurs. Tout le reste n’est que pure symbolique qui cherche à gagner du temps« . Et nous revenons au cacao, avec le début d’un « Opep africain » avec l’accord conclu entre la Côte d’Ivoire et le Ghana (Lire : Les géants du cacao acceptent de payer $ 2600 les fèves de Côte d’Ivoire et du Ghana) à l’exception que ces pays sont les deux premiers producteurs mondiaux de cacao avec une part d’environ 60% de la production mondiale.