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La dette en Afrique : le quoi et le comment importent bien plus que le si

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(BFI) – « L’homme riche est celui qui n’a pas de dettes» dit un proverbe chinois. Avec le coronavirus, la dette africaine s’est à nouveau invitée dans les débats, elle n’en avait d’ailleurs pas disparu. On se souvient de récents commentaires et inquiétudes relevant parfois d’une lecture rigide, statique et uniforme de l’endettement en Afrique.

La dette est une modalité de financement parmi d’autres. Et l’Afrique a besoin de financements pour se développer. Selon la Banque africaine de développement, notre continent a besoin d’investir entre 130 et 170 milliards de dollars US par an dans les infrastructures. Pour mon pays, la Guinée, les besoins d’investissements avaient été estimés en 2016 à près d’un milliard de dollars US par an pour promouvoir une croissance à deux chiffres sur la prochaine décennie.

Dans ce contexte, la dette demeure une option. Toutefois, les débats actuels, ravivés par la pandémie de covid-19, rappellent qu’il y a des aspects de base indispensables auxquels il faut veiller. Lorsqu’on parle de dette il est essentiel de considérer ce que l’on finance autant que la manière dont on le finance. La qualité de ce que l’on finance ce sont la nature des projets, les coûts et les effets d’entraînement possibles. Les projets doivent être productifs afin de créer les conditions nécessaires au remboursement.

Ces projets, issus d’études techniques précises, doivent favoriser la création de richesse et d’emplois et non être des «éléphants blancs». Cela renvoie donc à leur méthode de sélection qui, basée sur des critères objectifs et rigoureux, doit permettre de choisir les meilleurs projets. Le coût est un autre élément essentiel qui renvoie au processus et à la transparence des appels d’offres. Des coûts exagérément élevés sont bien souvent le reflet de pratiques de corruption basées sur une absence de recours à la concurrence et une opacité dans la négociation des contrats qui contribuent à une dette au final plus importante.

Cependant, il reste aussi vrai que l’absence de recours aux appels d’offre ouverts peut être liée à certains financements non-traditionnels qui incluent l’obligation de passer des contrats avec les entreprises du pays prêteur. Pour autant, cela ne doit nullement empêcher des négociations détaillées pour obtenir le meilleur prix, ni exempter des vérifications nécessaires sur la capacité technique et financière des contractants, gage de qualité et de durabilité des projets mis en œuvre. Promouvoir le contenu local, dans le cadre de projets d’infrastructures majeurs financés par l’emprunt, est une manière de favoriser des effets d’entraînement nécessaires pour densifier notre tissu économique et enclencher un processus d’industrialisation. Il est par exemple possible d’inclure dans les contrats avec les entreprises étrangères, l’obligation d’allouer un pourcentage du montant des marchés devant aller à des sous-traitants locaux.

En Guinée, pour certains investissements majeurs, jusqu’à près de 40% du montant des contrats auxquels ces projets ont donné lieu ont été alloués à des sous-traitants locaux. L’impact peut être quadruple : partager la richesse générée par les investissements en phase de réalisation des projets, créer des emplois, transférer la technologie et contribuer à la mobilisation accrue de ressources intérieures. Mobiliser ces recettes intérieures permet d’élargir la base taxable et réduire la pression sur des ressources budgétaires souvent limitées, qui seraient consacrées au service de la dette, en concurrence avec d’autres dépenses prioritaires telles que la santé ou l’éducation. Le contenu local peut aussi permettre de mieux maîtriser les coûts des projets et participer à améliorer les capacités de nos PME locales. La manière dont on finance les projets, ce sont les termes de la dette (devise du prêt, taux d’intérêt, durée et période de grâce). Ces termes contribuent à son poids au même titre que la nature et le coût des projets. Les termes doivent être discutés avec le plus grand soin en raison de leur impact sur nos finances publiques à moyen et long termes. Cela requiert des capacités de négociation importantes et des compétences en structuration de financements.

En particulier, l’expérience des marchés financiers, régionaux, continentaux et internationaux, semblent désormais être un « must » pour le personnel chargé de ces questions. En 2017, un partenariat avec UMOA-titres avait permis à des cadres guinéens du Trésor et de la Dette de bénéficier de leur programme d’immersion afin de renforcer leurs capacités et favoriser les partages d’expérience dans la sous-région. Ces échanges d’expérience sont utiles et pourraient dans le futur contribuer à intégrer nos marchés financiers. Gérer la dette requiert de l’anticipation, chose parfois difficile dans un contexte marqué par la myopie qu’imposent nos environnements. C’est une opération dynamique qui ouvre la possibilité de restructurer les emprunts en tenant compte de l’environnement interne et externe. La dette, surtout celle destinée à financer les besoins d’investissements en Afrique, relève du long terme et constitue un élément important des budgets nationaux. Elle exige donc d’en améliorer la transparence, surtout vis-à-vis des citoyens, à travers des communications régulières, simples et claires via notamment des supports numériques.

En Guinée, entre 2016 et 2018, le Ministère de l’Économie et des Finances a initié la publication régulière d’informations sur l’endettement du pays au travers de nouveaux bulletins et des rapports annuels publiés sur le site internet du ministère. Cette méthode inédite peut être améliorée et renforcée pour répondre à la demande sans cesse croissante de transparence des contribuables. La covid-19 a ravivé le débat sur l’annulation de la dette en Afrique, qui avec la récession, devient un facteur de risque accru pour nos budgets. Cette annulation est nécessaire, mais elle appelle à une meilleure gouvernance des projets ainsi que le renforcement de la transparence de la dette vis-à-vis de nos concitoyens. La pandémie du coronavirus, par sa fulgurance et son impact sur nos fragiles équilibres macroéconomiques, nous impose une sortie de crise par le haut afin que le continent retrouve rapidement un sentier de croissance parce qu’une Afrique émergente et prospère est indispensable au reste du monde.

A propos de Malado Kaba

A la tête de Falémé conseil, cabinet de conseil stratégique et d’analyse économique, Malado Kaba est la première femme nommée Ministre de l’économie et des finances de la République de Guinée (2016-2018). Elle a également été directrice-pays en Guinée de la fondation Tony Blair Institute for Global Change, après plusieurs années passées comme économiste du développement à la Commission européenne. Malado Kaba siège dans plusieurs conseils d’administration, dont l’African Women Leadership Fund et International Budget Partnership. Depuis 2019, elle préside le Conseil de l’autorité de régulation des services publics d’électricité et d’eau potable en Guinée.

Par Malado Kaba

Rédaction
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