(BFI) – Les chiffres des quatre dernières années présagent d’un grand rayonnement du secteur des assurances, porté par une conjoncture économique et sociale favorable.
Dans leurs analyses prospectives, de nombreux observateurs de la scène économique camerounaise prédisent un bel avenir au secteur des assurances. Selon eux, l’essentiel des conditions pour un véritable décollage est progressivement en train de se mettre en place. Notamment : un cadre juridique avantageux aussi bien pour les compagnies que pour les partenaires et les clients ; la disponibilité de professionnels bien formés et de plus en plus nombreux ; un marché qui s’ouvre progressivement à l’assurance ; une conjoncture sociale et économique propice au développement du marché des assurances, etc. Sur cette lancée et pour coller à l’actualité, les analystes pensent qu’après la crise sanitaire mondiale du coronavirus, le rapport des populations aux assurances – maladie et vie en l’occurrence – va fondamentalement changer… A quelque chose malheur est bon, dira-t-on, sans aucune intention cynique.
Pourtant, avant même que survienne la conjoncture actuelle, il était déjà loisible de constater qu’au cours des quatre dernières années, les performances du secteur des assurances étaient sur une courbe ascendante. Selon un rapport publié sur le site de l’Association des sociétés d’assurances du Cameroun (ASAC), le chiffre d’affaires des acteurs de ce domaine est passé de 182,2 milliards de F à 207,26 milliards de F, entre 2015 et 2018. Sur la même tendance haussière se trouvent les prestations payées par les sociétés d’assurances (charges sinistres), qui ont évolué de 71,46 milliards de Fcfa en 2015 à 109,38 milliards de Fcfa en 2018. On peut également noter avec satisfaction, l’évolution de la masse salariale dans le secteur, qui est passée progressivement de 15,29 milliards en 2016 à 16,22 milliards en 2017, pour se hisser à 17,46 milliards de Fcfa en 2018. Ou encore les 370,8 milliards de Fcfa – environ 2,1% du PIB – de placements réalisés par les compagnies d’assurances en 2018, pour 1 410 emplois directs recensés auprès des 27 compagnies reconnues par le ministère des Finances… Si on ne s’en tenait qu’à ces chiffres, on pourrait hâtivement conclure à un état euphorique du marché qui, malgré des atouts indéniables, n’en est qu’à son bourgeonnement au Cameroun.
Selon un rapport publié en 2018 par le ministère des Finances sur le secteur des assurances, le taux de pénétration des services offerts par les professionnels de ce domaine était alors de 0,97%. Dans la même veine, les professionnels eux-mêmes estiment à 1%, la contribution des placements des assureurs vie au PIB, contre 75% en France. Il y a là de quoi doucher tout enthousiasme et ramener l’inquisiteur à la réalité abrupte des chiffres. Il en ressort notamment que, pour une population d’environ 30 millions d’habitants, le secteur ne comptait que 17 assureurs non-vie ou dommages en 2018 ; 11 assureurs vie et capitalisation ; trois réassureurs ; huit organisations partenaires ; 94 courtiers et sociétés de courtage ; 101 agents généraux ; 88 mandataires… Visiblement très peu de monde, pour satisfaire une demande qui peut se recruter jusqu’au plus profond des 360 arrondissements que compte le pays.
Si ce déficit de personnels qualifiés ou assermentés justifie en partie la faible pénétration des services d’assurance dans la société camerounaise, d’autres facteurs plus espiègles sont à prendre en compte. Il s’agit par exemple de la crise de confiance qui règne entre les assureurs et leurs potentiels clients. Les deux camps se soupçonnant mutuellement, à tort ou à raison, de velléités roublardes… Passons volontiers les cas avérés de non-paiement des dommages à des clients victimes de préjudices ou les infractions de fraude à l’assurance qui animent les couloirs et les salles des services judiciaires, pour relever que dans le contexte actuel d’économie globale, l’assurance est loin d’être un luxe. Les spécialistes estiment d’ailleurs que l’assurance vie, prise comme une épargne à moyen ou long terme, est un puissant moyen de financement de l’économie. Dans le sens de la vulgariser auprès d’éventuels souscripteurs, il serait donc judicieux que les compagnies ajoutent un peu plus d’entrain à leurs stratégies de communication, avec en outre des garanties sur leur crédibilité, des promesses de lucre équitablement redistribué. Le commun des mortels y résiste très difficilement…
André Noir